La légende des deux royaumes [TERMINÉ]

Chapitre 2 - Partie 1

Océane avait passé la nuit au chevet de Grand'ma Nora. Son état s'était stabilisé, mais son dernier combat contre la mort l'avait épuisée. Il ne s'agissait que d'une accalmie avant la tempête, la fin était proche et inéluctable.

Grand'ma n'avait cessé de marmonner jusqu'au petit matin, répétant sans fin les vieilles légendes de la Fille de la Lune et de la Fille du Soleil, celles qu'elle lui racontait quand elle était petite. Océane avait écouté malgré la fatigue. Puis sa grand-mère avait de nouveau sombré et la jeune femme en avait profité pour dormir quelques heures.

Au petit matin, elle était venue embrasser Nora sur le front. La vieille femme semblait aussi épuisée que la veille, son teint était blafard alors que la chaleur commençait déjà à devenir écrasante dans la pièce.

Le père d'Océane, Garrett, debout depuis l'aube, s'afférait dans la chaumière et s'apprêtait à partir travailler. C'était un homme imposant, les cheveux blonds, presque blancs tellement ils avaient été décolorés par le Soleil. Son teint hâlé faisait ressortir ses yeux bleus. Ses deux fils, qui l'aidaient aux champs, étaient son portrait craché. L'aîné, Allan, était celui qui avait le plus hérité de ses traits ; le second, Géron, était plus svelte, plus fin de visage. Il était un vrai bourreau des cœurs, contrairement à son frère ainé qui s'était marié très jeune et qui avait des enfants, un garçon et trois filles. Océane, les yeux noisette et le teint légèrement plus pâle, ressemblait énormément à sa mère, elle-même le portrait craché de Grand'ma Nora. Contrairement à sa fille, elle semblait mieux accepter la mort de la vieille femme, qu'elle savait fatale. Elle l'admettait. Même si faire ses adieux à sa mère l'affligeait, elle restait sereine. La mort n'était qu'une étape de la vie, Nora l'avait élevée ainsi. Toute chose avait un commencement et une fin. Elle sentait le lien qui unissait Nora à sa fille et comprenait combien Océane souffrait de la situation.

Tressant l'osier à longueur de journée, elle veillait sur sa famille et la dirigeait d'une main de maître. Et voyant qu'Océane ne bougerait pas d'elle-même, elle la mit dehors lui donnant un fruit pour qu'elle se nourrisse. Puis elle s'installa sur son siège et commença à confectionner un panier qu'elle vendrait ensuite au marché avec d'autres objets de sa création.

Une fois dehors, Océane put contempler l'effervescence autour d'elle, contrastant avec l'immobilisme de sa famille redoutant la fin de Grand'ma Nora. Des hommes et des femmes se trouvaient déjà au travail dans les champs, espérant parvenir faire le plus de récoltes possible avant que la chaleur ne soit trop étouffante. Sur les Plaines du Soleil, l'été était aussi caniculaire que l'hiver glacial. Aucun vent n'allégeait la température des beaux jours, alors qu'il se déchainait, gelant tout sur son passage, lors de la morte saison.

Arrivant au château, la jeune femme profita de l'absence de domestique au puits de l'arrière-cour - fait rare - pour se rafraîchir un peu. Ne tardant pas, elle rejoignit la cuisine pour préparer le petit-déjeuner de son nouveau maître. Sila était là, accoudé à une table, il suivit ses moindres faits et gestes mais ne disant mot. Et quand, enfin, elle eut fini de s'activer autour des fourneaux emportant son lourd plateau, il déclara :

- Je te surveille, fais très attention. A la moindre faute, tu dégages.

Visiblement, il n'avait pas apprécié d'être interrompu la veille par le Seigneur William et comme il ne pouvait pas s'en prendre à lui, il se vengeait sur elle. Personne n'irait réclamer une petite servante. Océane continua sa route, faisant comme si elle n'avait rien entendu. Elle ne lui donnerait pas la satisfaction de la mettre dehors.

En arrivant aux appartements de son maître, elle tapa deux coups brefs pour signifier son entrée. Ce dernier paraissait encore endormi, aussi, elle déposa le plateau sur la commode à côté de son lit et se dirigea discrètement vers la sortie.