Chapitre 6 - Partie 2

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William ne réfléchit pas plus longtemps, il prépara un petit paquet, ramassant l'essentiel de ses affaires, quelques notes qu'il avait cachées sous son matelas. Ensuite, il passa sa cape autour de ses épaules, glissa son épée à sa taille et se tourna vers Océane. Elle finissait de se rafraichir le visage. Sans elle, c'était certain que cette fois encore il serait mort. Elle lui avait une nouvelle fois sauvé la vie. Il se sentait encore plus méprisable de l'avoir quittée sans une explication, sans un au-revoir un peu plus tôt. Et à présent, il était partagé entre deux sentiments, le premier était le ravissement de la savoir auprès de lui pour un moment encore, le second la crainte de l'impliquer davantage dans cette histoire.

L'idée d'Océane était simple, ils allaient faire croire qu'ils sortaient lutiner au clair de Lune. Ce genre d'histoire entre un noble et une servante arrivait sans cesse. Elle mit son orgueil de côté et exposa son plan à William. Ce dernier fut d'abord surpris, puis finalement accepta au bout de quelques instants. Elle pourrait ainsi le soutenir, car il avait beaucoup de mal à marcher avec ses côtes qui le faisaient souffrir. Il se plia au jeu, peut-être trop. Mais après tout, il avait failli mourir cette nuit-là, et il réfléchirait plus tard à ce qui était bien ou pas. Ils passèrent devant les gardes et, tandis que la jeune femme gloussait, il enfouit son visage dans son cou. On les laissa passer sans rien dire, mais Océane sut qu'on l'avait repérée et que désormais, elle ferait partie des filles faciles.

Après avoir passé le premier virage, leur permettant d'échapper à la vue des gardes, elle se retira brutalement de l'étreinte de son maître et le laissa avancer seul.

— Ne croyez pas que je vous pardonne votre comportement de ce soir. Je vous aide, je m'échappe avec vous, mais je ne vous pardonne pas. Pas tant que je ne comprends pas, lâcha-t-elle durement.

Elle n'avait toujours pas accepté la manière dont il l'avait laissée après leur danse. Alors qu'ils marchaient chacun de son côté, ils virent quelqu'un arriver en courant sur le chemin. Se méfiant, ils restèrent en retrait, jusqu'à ce qu'ils reconnaissent Géron.

En effet, après qu'Océane soit partie à la rescousse de son maître, Mina était restée à la soirée, se rongeant les sangs. Géron qui l'avait vu dans cet état d'angoisse, s'était approché d'elle et lui avait demandé ce qui n'allait pas. Dans un sanglot, elle lui avait alors révélé toute la vérité. Sans paniquer sur le moment, il lui avait demandé d'aller l'attendre chez lui, puis il s'était élancé à la suite de sa sœur.

Il fut donc immensément rassuré de la voir en parfaite santé. Il la serra fort dans ses bras en la morigénant sur son inconscience. Mais il n'y mit pas tellement de conviction, tant il était content qu'elle et le Seigneur William soient encore en vie.

Contournant le village et la fête, sans prendre garde à la musique qui s'égrainait encore, ils arrivèrent en silence devant la ferme de Géron. A peine la porte fut-elle ouverte que Mina bondit dans les bras de Géron. Ce dernier la réconforta en lui caressant le dos. Quand tout le monde fut entré, il ferma la porte.

Mina s'approcha de son amie et lui saisit les mains.

— J'ai eu si peur pour toi Océane, si peur. Je me demandais si j'avais bien fait de te prévenir, j'étais terrorisée à l'idée qu'à cause de moi tu puisses mourir.

— Tu as bien fait, ma chérie, la rassura-t-elle. J'y suis arrivée, et sans égratignure, c'est un miracle.

— Je te remercie également, fit William sur le pas de la porte, grâce à toi je suis encore en vie.

Géron s'approcha d'eux et leur dit, prenant les choses en main :

— Installez-vous. Ma maison est petite mais faites comme chez vous. Vous serez ici en sécurité, le temps que tout ceci se calme. Mina, tu devrais retourner chez toi, la fête ne va pas tarder à toucher à sa fin, et il ne faudrait pas qu'on se demande où tu es passée. Tu peux revenir ici demain.

— Tu as raison, répondit la jeune femme. Je viendrai vous voir avant d'aller au château, et en rentrant aussi.

— Ne viens pas trop, intervint Océane, sinon on pourrait se demander pourquoi tu passes si souvent chez mon frère.

Mina parut sur le point de fondre en larme. Elle s'inquiétait pour ses amis et avait véritablement envie de les voir et de les aider, ne serait-ce que pour se rassurer un peu. Océane ne voulait pas lui faire de peine, mais elle ne voyait pas de solutions.

— Il y aurait une raison toute simple, fit Géron en se tournant vers elles. Il suffit de laisser entendre que je lui fais la cour, ainsi cela expliquerait ses venues.

Mina rougit jusqu'aux oreilles d'une telle idée, tandis que Géron paraissait plutôt réjoui de ce qu'il venait d'annoncer. Océane était estomaquée, la réputation de son frère n'était plus à faire en matière de femme.

— Il ne s'agit pas d'une de tes conquêtes habituelles, lâcha-t-elle. Si cela s'apprend, tu sais ce que ça signifie ? le rappela-t-elle à l'ordre.

— Très bien, oui, fit-il, assuré.

Océane cacha sa surprise. Peut-être que la vulnérabilité de Mina, pour ne pas dire la naïveté, le touchait, songea-t-elle. Elle se plia de bonne grâce à cette idée, et fit un clin d'œil à son amie avant de lui déposer un baiser sur la joue et de la faire sortir de la maison.

— A demain Mina, fit-elle avec un sourire complice.

Une fois la jeune femme sortie, Océane se retourna vers son maître.

— Enlevez votre tunique, je vais regarder vos blessures.

Ils étaient tous les deux las de cette journée, si bien que William ne songea même pas à faire une ou deux allusions pour énerver sa jeune servante.

Il s'exécuta puis s'assit. Pendant qu'Océane l'examinait, il observa l'intérieur de la maison. Il se trouvait dans une pièce très simple, une grande table en bois siégeait en son centre, il était assis sur l'un des bancs qui l'entouraient. Sur le mur du fond, trônait un four qui faisait également office de cheminée l'hiver. Il y avait simplement deux petites fenêtres qui ne devaient faire entrer que peu de lumière durant la journée. Près du four se trouvait une couche, entre les deux il y avait une porte en bois fermée, l'empêchant de voir ce qu'il y avait derrière.

Il grimaça lorsqu'Océane palpa ses côtés.

— Vous avez la chance, fit-elle néanmoins. Vous avez l'air de n'avoir aucune côte cassée. Mais ils ne vous ont pas loupé. Une ou deux ont été cognées un peu fort, il va vous falloir prendre un peu de repos durant quelques jours, pour ne pas que ça empire.

— C'est sûr, commenta Géron qui s'était approché. Vous devez être plus dur qu'il n'y parait, fit-il en plaisantant.

Océane esquissa un sourire dans le dos de William avant de demander à son frère.

— Pourrais-tu m'apporter l'onguent s'il te plait, ainsi que des bandages.

Puis s'adressant à William :

— Je vais vous mettre un onguent permettant de vous faire oublier la douleur. Heureusement, Géron en a chez lui, lorsqu'il lui arrive quelques petites mésaventures, pour avoir laissé traîner ses mains là où il n'aurait pas dû...

— Mais heureusement, ma sœur est là pour me sauver la mise à chaque fois, déclara Géron en riant.

Il déposa un pot de terre sur la table, Océane retira le tissu qui protégeait le contenu et pris dans sa main, une grosse poignée d'un mélange pâteux et vert, puis commença à l'étaler sur les diverses ecchymoses de son maître. Ensuite elle entreprit de lui faire un bandage serré. Une fois celui-ci en place, elle referma le pot en vérifiant que le tissu le recouvrait bien, puis le redonna à son frère qui alla le ranger à sa place, sur une étagère, près de la fenêtre.

— Très bien, vous allez dormir sur ce lit, dit-il à William en désignant la couche, ma sœur et moi dormirons dans ma chambre, continua-t-il en montrant la mystérieuse porte du doigt.

Océane aida William à s'allonger puis lui souhaita une bonne nuit.

— Vous ne devriez pas avoir trop froid près du four, si vous avez mal n'hésitez pas à m'appeler.

La jeune femme se dirigea vers la chambre de son frère et juste avant de refermer la porte derrière elle, elle entendit :

— Merci.

Avec un sourire elle referma délicatement la porte.

La légende des deux royaumes [TERMINÉ]Where stories live. Discover now