Chapitre 4 - Partie 1

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L'aurore perçait la voute céleste, zébrant le ciel d'azur, de mordoré et d'or. Il restait des traces de vermeil et de rose tandis qu'Océane contemplait cet abîme de couleur avec un calme et une sérénité retrouvés. Sous ses pieds nus, elle sentait la caresse de l'herbe gorgée d'eau. Pour la première fois depuis des semaines, il avait plu durant la nuit. Un terrible orage bienfaiteur, libérant ainsi l'angoisse de tout un peuple et célébrant la fin des moissons. Océane avait fêté cet évènement avec sa famille, heureuse de voir sa cadette de retour.

La jeune femme était à présent devant la sépulture de sa grand-mère. Une simple pierre, sur laquelle était gravée une lune entrecroisée avec un soleil. Les mêmes astres qui ornaient son cou, symbole de ce qu'elles étaient. Une larme perla sur sa joue, et tomba sur son pied, se mêlant à l'eau tombée du ciel. Océane tendit la main et caressa la roche du bout des doigts. Une esquisse de sourire naquit sur son visage, chassa toute trace de tristesse et se détourna. Une nouvelle journée commençait, ainsi qu'un nouveau cycle de sa vie. Elle en était persuadée.

La nuit avait été courte. Après avoir retrouvé les siens dans un grand moment de tendresse familiale, Océane avait réfléchit à ce qu'il venait de se passer, au Seigneur William et à sa propre demande. Elle restait encore bouleversée de l'acte qu'elle avait commis. Oter une vie, même celle d'un criminel ne la rendait pas moi responsable pour autant. Elle était guérisseuse. Sa grand-mère lui avait appris à sauver des vies et non de les prendre. Pourtant, elle avait demandé à son maître de lui apprendre à se battre. Maitriser une arme, apprendre l'art du combat, c'était apprendre à se contrôler. Avoir le choix. Du moins, c'était ce que la jeune femme pensait, peut-être naïvement. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était apprivoiser une lame pour accepter le geste qu'elle avait commis la veille.

Le Seigneur William avait dit oui et elle espérait qu'il n'ait pas changé d'avis durant la nuit. Tout comme elle espérait que personne ne se soit rendu compte de ce qu'il s'était passé dans les appartements de son maître. Et quand elle pénétra dans le château, elle vit que l'agitation matinale n'était pas différente à celle des autres jours et en fut rassurée.

En apportant le petit-déjeuner à William, elle constata que pour la première fois depuis qu'elle était à son service, il était levé et habillé.

Le jeune Seigneur vit sa servante entrer d'un pas assuré. Il fut content de constater que sa force de caractère avait été assez grande pour surpasser les évènements de la veille au soir. Il s'était inquiété pour elle, mais Océane n'était pas commune et bien trop perspicace. Il l'avait senti dès le début et pour cette raison, l'avait pris à son service, malgré son désir de ne pas se créer d'ennuis. Grand bien lui avait pris. Sans elle, il serait mort la veille au soir.

Malgré tout ce qu'il savait d'elle, la demande de la jeune femme l'avait surpris mais pas déplu. Elle voulait apprendre à se battre ? Il allait lui donner des leçons, des vraies. Il acceptait sa requête e il allait voir si elle le regretterait ou non. Ce n'était toutefois pas l'unique raison qui l'avait poussé à accepter. Le geste de sa jeune servante, la veille au soir, avait été héroïque mais complètement inconscient. Elle lui avait sauvé la vie en mettant la sienne en jeu. Peu importe combien de sacrifices il était prêt à consentir, jamais il ne risquerait la vie d'une personne innocente. Pour ne pas que son geste la culpabilise jusqu'à la fin de ses jours, il avait révélé à la jeune femme une partie des véritables raisons de sa présence ici. Ce faisant, il l'impliquait malgré elle dans une histoire bien plus grande.

La veille au soir, il avait tenté de se convaincre qu'elle avait pris sa décision seule en tuant un homme, en vain. Il ne la laisserait pas sans défense, il était incapable de cela.

Attendant visiblement ses instructions, Océane patientait à côté de la table où elle venait de déposer son plateau.

- Tu vas aller te changer, puis nous irons dans l'arrière-cour pour ton entraînement.

- L'arrière-cour ? Mais on ne risque pas de nous voir ? questionna la jeune femme inquiète.

William ne craignait rien, mais elle si. Si quelqu'un venait à la voir ou à la reconnaitre, elle encourait le fouet, le cachot et peut-être pire. Le Seigneur Mordrais ne plaisantait pas avec l'insubordination.

- Pas là-bas, ni à cette heure matinale et encore moins avec la tenue que je t'ai choisie.

Disant cela, il désigna une pile de vêtements sur son lit.

Quand Océane aperçut la tenue, elle se retourna vivement vers le Seigneur William. Dans le regard de ce dernier, c'était comme s'il la défiait de trouver quoique ce soit à redire. Alors, la jeune femme ravala ce qu'elle avait sur le bout de la langue et commença à enfiler sa nouvelle tenue tandis que William se détournait poliment pour lui laisser son intimité.

Quelques instants plus tard, Océane se retrouva affublée d'un pantalon de toile noire trop large et qui retombait en éventail sur ses chevilles. Elle avait également une ample chemise blanche qui masquait sa poitrine. Par-dessus, elle portait une veste un peu grande pour elle, mais plus ajustée que le reste. La jeune femme se sentait ridicule. Elle attacha ses cheveux en arrière sur sa nuque, puis vint face au Seigneur William. Son sourire quand il la vit, la renfrogna. Elle croisa les bras et le toisa. Mais il ne parut pas le moins du monde troublé.

- Tiens, fit-il en lui jetant une paire de bottes noircies par les années. Elles devraient t'aller.

Océane les enfila et fut étonnée de les voir parfaitement à sa taille. Elle fut surprise de constater que le Seigneur William avait vu juste. Elle enfila le pantalon dans les chaussures, ce qui lui ajouta un petit air gauche.

La sensation qu'elle ressentit au creux de son ventre lui plut autant qu'elle l'inquiéta. Car ce destin, dont elle distinguait les prémices, dépendait du bon vouloir de son maître qui semblait prendre les choses un peu trop légèrement. Pour elle, il ne s'agissait pas d'une plaisanterie, loin de là. Elle décida de prendre tout ce que le Seigneur William avait à lui offrir. Elle en ferait bon usage par elle-même, elle ne dépendrait pas de lui.

Ils se dirigèrent dans l'arrière-cour du château, presque à l'abandon, William avait parfaitement choisi le lieu de leur entrainement. Ce matin-là, il lui apprit la base du combat. D'abord sans épée, lui enseignant les positions pour se mettre en garde, n'hésitant pas à la corriger, en repositionnant sa jambe, redressant ses épaules. Ensuite il lui montra que chaque combattant devait garder un espace autour de lui, son espace de survie, lui permettant de parer et d'attaquer de la façon la plus efficace possible. Puis il lui mit une épée dans les mains, lui demandant de mettre en application ce qu'il venait de lui apprendre. Les premières fois, Océane avait été effrayée par la lame qui arrivait droit sur elle, mais elle avait vite dépassé ce stade et commençait à parer les coups un par un. William avait été patient avec elle, sévère mais patient. Il lui avait fait reprendre sa garde encore et encore, jusqu'à ce qu'elle ne flanche plus, jusqu'à ce qu'elle pare une attaque sans cligner des paupières. Ce qui arriva à la fin de la matinée. Elle était fourbue, ne sentait plus ses bras. Mais à nouveau elle se sentait à sa place dans le monde, comme si elle devait se trouver là et apprendre à se battre.

Pour quelques instants, la fatigue s'envola et elle para une attaque osée de son maître. Ce dernier paru ravi du retournement de situation et continua à la tester. William se rendit cependant compte que l'énergie d'Océane diminuait et que, s'il ne stoppait pas bientôt cet entrainement, elle s'écroulerait à ses pieds.

- Ça suffira pour aujourd'hui, déclara-t-il satisfait. A partir de demain, le début de la matinée sera consacrée à ton entrainement.

Encore trop fatiguée pour répondre, Océane hocha la tête en reprenant son souffle. Peut-être par orgueil, elle ne voulut pas montrer sa joie. Elle se sentait bien, heureuse d'avoir bénéficié d'un tel privilège et de savoir qu'il voulait continuer, que ce n'était pas une simple lubie pour son maître, lui réchauffa le cœur. Elle avait aimé apprendre. Elle était même dépassée par ses sensations. Son énergie crépitait en elle comme jamais. Ce furent des lendemains pleins de promesses qui l'aidèrent à tenir tout l'après-midi et ce, malgré la fatigue qui l'enserrait de toutes parts.

La légende des deux royaumes [TERMINÉ]Where stories live. Discover now