La légende des deux royaumes [TERMINÉ]

Chapitre 4 - Partie 1

Inwë avait fini par inviter son époux à le rejoindre dans ses appartements la veille de son départ. Le plus gros de son travail personnel allait commencer dès son retour. Elle allait devoir acquérir la confiance de son mari et un peu d'avance ne lui ferait pas de mal. Il faudrait qu'il pense qu'elle ait abandonné tout espoir auprès de Somgysaï, quelle se soit résignée à être sa femme. La tâche était titanesque.

Finwë dormait encore dans le lit de la Reine alors que celle-ci finalisait son sac de voyage, tandis que le Soleil se levait à peine, teintant le ciel azur de traînées sanguine et pourpre. Elle avait revêtu sa tenue d'homme, celle que William lui avait donnée, celle avec laquelle il l'avait formée au combat. En la revêtant, un pincement au cœur l'avait saisie et pour la première fois, il ne menaça pas de la terrasser.

En cette matinée, elle allait quitter Finwë et sa cité pour quelques semaines et si cela signifiait supporter Gabriel et s'enfermer dans la Forêt des Songes, alors elle acceptait ce prix de tout son cœur. Elle se regarda dans le miroir. Avec sa tresse sur le côté, elle avait l'impression d'être revenue sept années en arrière, lorsqu'elle avait rencontré William. Son visage était plus marqué en revanche, ses traits plus tirés, des ridules naissaient au coin de ses yeux qui s'étaient mis à pétiller de nouveau, eux qui avaient été trop longtemps froids et morts.

Sur le pas de la porte, elle vit Geosef lui faire un petit signe silencieux, il portait dans ses bras de quoi faire un festin. Elle le rejoignit dans son salon privé en souriant.

— Comment me trouvez-vous ? questionna-t-elle en faisant un tour sur elle-même.

— Ravissante, comme toujours, bien qu'un peu cavalière pour une Reine, si vous voulez mon avis. Il faut vous nourrir convenablement si vous ne voulez pas tomber de selle durant le voyage, fit-il en désignant le plateau qu'il venait de poser sur la table.

— Comment avez-vous su que je partais ce matin ? Ou que je monterai à cheval et pas dans ma litière ? C'était censé être un secret bien gardé.

— Ne m'offensez pas voulez-vous. Il semble heureux que je sois au courant des allées et venues dans ce château. Après tout, c'est pour cela qu'on m'emploie et qu'on me paie une petite fortune, chuchota-t-il.  

— Si Finwë savait cela, déclara-t-elle en faisant un léger signe de tête vers sa chambre. Je ne suis pas sûre que vous vous en vantiez longtemps. Il aime bien avoir ses petits secrets.

— Il me semble que je parle avec vous, non avec lui.

La Reine lui sourit alors qu'il lui tendait un toast plein de confiture qu'elle dégusta avec plaisir.

— Vous allez me manquer, fit Inwë en le prenant dans ses bras.

S'il fut d'abord surpris, le vieil homme finit par répondre à l'accolade avec bienveillance.

— Vous ne partez pas longtemps, ce n'est pas la peine de se montrer si sentimentaux. Vous serez bientôt en retour et cela sonnera l'arrêt de mon repos, si mérité. Vous savez qu'à vous seule vous me donnez plus de travail que tous les autres, ma Reine.

— Vous voulez dire, plus de soucis. Mais je le sais, oui, et je vous remercie.

— Je me demande si vous m'écoutez vraiment, soupira le vieil homme en l'écartant de lui et reprenant contenance.

La jeune femme lui fit un clin d'œil complice, puis Geosef la quitta, ne pouvant lui offrir plus de temps. Elle vida la moitié du plateau, avant de retourner dans sa chambre pour boucler son sac. Elle réveilla son époux, en lui secouant le bras, avant de finir ses affaires. Finwë s'agita dans son dos, mais elle n'en tint pas compte.