La légende des deux royaumes [TERMINÉ]

Chapitre 5 - Partie 1

Inwë tenait la bride de son cheval et suivait Elio au travers de la Forêt. Elle ne faisait pas attention au chemin qu'ils empruntaient, toute perdue à ses pensées. Cela faisait deux jours qu'ils marchaient dans les bois et ils n'allaient certainement pas tarder à arriver. 

La jeune Reine était encore sous le choc des révélations de Gabriel. Malgré le cœur de pierre qu'elle s'était taillé depuis quelques années, malgré la peine et la douleur que le second de son époux lui avait causé, elle était révoltée de voir que Finwë pouvait se montrer encore plus cruel qu'elle l'imaginait. Aucun homme ne méritait de se faire trahir de la sorte. Pas même Gabriel.

Gabriel, si fidèle à son époux parce qu'il croyait que celui-ci l'avait aidé à retrouver les meurtriers de sa famille et offert une nouvelle vie alors qu'il s'agissait de tout son contraire. Finwë avait fait exécuter son village pour une raison obscure et l'avait récupéré à ses côtés, lui infligeant la pire des punitions au monde : devenir le défenseur de l'assassin des siens.

Inwë songea également à Erid. Il lui avait laissé entendre que son frère était mort comme le reste de sa famille. Mais elle était certaine qu'il connaissait la vérité. Cela expliquait sans doute pourquoi il restait cloîtré dans la Forêt des Songes. Combien avait-il dû souffrir de savoir son frère au service de l'homme qui avait tué sa famille ? Finwë était un monstre sadique et cruel. La compassion qu'elle ressentait pour les deux frères éveilla en elle des émotions enfouies depuis longtemps. La glace qui entourait son cœur fondait face à un timide Soleil de printemps.

La jeune femme avait fini par révéler à Gabriel qu'Elio était un enfant de la Forêt des Songes la veille au soir, sans toutefois mentionner qu'il en était le Prince. Il n'avait rien dit et s'était contenté de la fixer avec cet air qui signifiait qu'il avait raison de ne pas lui faire confiance. Elle s'était contentée de lui rendre son regard sans rien ajouter. Il avait raison. Pour le détruire, elle lui aurait menti sans vergogne. Alors elle ne pouvait pas le blâmer de ne pas la croire, même si un léger malaise lui remuait les entrailles.

Elio avait compris qu'il s'était passé quelque chose entre Inwë et Gabriel. Mais il s'était contenté de les guider en gardant un silence pesant. Il savait toujours où se trouvaient les limites, et il avait toujours bien fait attention de ne pas les dépasser sans en connaître les conséquences. Sa douce assurance venait de là : il savait se fondre dans un environnement avec des gens qu'il ne connaissait pas forcément. Il pouvait très bien s'effacer, se montrer réservé, ou alors se révéler et s'affirmer. Il avait été élevé en Prince, futur Roi de Somgysaï, il connaissait les responsabilités. Jusqu'il y a peu, il vivait dans un royaume calme et paisible où ses parents lui avait appris à être à l'écoute d'autrui pour être juste et pondéré. Le jeune Prince comptait sur ces qualités plus que sur tout autre chose. Il n'était pas un guerrier comme son père.

Inwë vit Elio aller à la rencontre d'une vigie la démarche assurée et fut ravie de le voir s'adresser avec assurance aux gardes qui se mirent au garde à vous devant lui. Elle aimait cette confiance qui se dégageait de lui, il devrait porter un lourd fardeau un jour et semblait parfaitement l'accepter.

Gabriel se tourna à nouveau vers elle les sourcils froncés, lui prouvant là qu'elle lui cachait encore des choses. Inwë en éprouva une vague de culpabilité avant de se ressaisir. Qu'avait-elle à lui prouver ? Pourtant, vingt ans de sa vie allaient s'effondrer d'ici peu, ce qui représentait plus de la moitié de son existence. Elle compatissait pour cela et ravala presque son dur jugement.

Tournant la tête, elle préféra se concentrer sur son jeune ami qui présentait la situation. Les gardes paraissaient embêtés, elle s'approcha d'Elio pour voir ce qu'il se passait.