Chapitre 21

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Assise dans un coin de la pièce, sur un large fauteuil recouvert de cuir tanné, Océane écoutait d'une oreille distraite la réunion qui avait lieu. Finwë avait tenu sa promesse et dès le lendemain de leur mariage, elle avait pu assister aux réunions qu'elle souhaitait. Cependant, son époux s'était réservé le droit de lui refuser l'entrée de certaines entrevues. Elle se doutait qu'à ces dernières ils devaient parler de leurs projets d'invasion du continent, qu'elle n'y était pas invitée et elle s'en moquait. Elle se fichait bien de savoir quelles alliances il créait avec qui et les plans qu'il fomentait. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était d'être active pour ne pas sombrer dans la folie. Cependant, rien ne l'intéressait véritablement.

Ce jour-là, ils discutaient de l'aménagement de la voierie dans les bas quartiers de Süryell, pour que l'eau arrive jusqu'à eux et du pavage des rues. La jeune Reine n'écoutait qu'à moitié, pourtant, quelques mois auparavant, ce sujet l'aurait passionnée et elle aurait applaudi cette volonté d'améliorer les conditions de vie de la ville basse. Mais à présent, l'indifférence la gagnait. Elle avait du mal à aller au-delà des sourires lisses de façade.

Le mariage avait eu lieu deux Lune plus tôt et, contrairement à sa résolution, elle s'était laissée tomber dans un abîme de solitude dans lequel elle sombrait chaque jour un peu plus sans pouvoir se débattre. Habituellement, elle donnait bien le change, mais cette fois-ci elle n'y arrivait pas. Elle aurait souhaité rester dans son lit pour toute la journée. Et dire qu'elle s'était juré de se battre. La jeune femme savait que la grossesse pouvait causer ce genre d'apathie, même si le matin même, elle avait été réveillée en sentant son enfant bouger dans son ventre. Ce dernier commençait à pousser et il ne fallait pas que quelqu'un découvre sa grossesse. La journée, il lui suffisait de porter des robes évasées sous la poitrine et le subterfuge fonctionnait. Mais le soir c'était une autre paire de manche, son ventre gonflait et elle se cloitrait dans ses appartements. Pour le moment, rien n'avait été remarqué. Océane savait que ce n'était plus qu'une question de jours avant qu'elle ne doive partir. Elle était partagée à cette idée, ravie d'échapper à cette cité et à Finwë, mais cela la rapprochait inéluctablement de sa séparation d'avec son enfant. Elle avait fini par s'attacher à la vie qui grandissait en elle et désormais, elle était prête à tout pour lui, y compris à l'abandonner à quelqu'un d'autre, même si cela lui brisait le cœur.

La jeune femme sortit de sa torpeur quand elle se rendit compte que tout le monde était tourné vers elle, attendant visiblement son avis. S'excusant de son inattention et prétextant une migraine, elle quitta la salle d'un pas hâtif. La réunion avait eu lieu dans les appartements de Finwë, si bien qu'Océane n'eut qu'à pousser une porte mitoyenne pour pénétrer dans les siens.

Ceux-ci étaient bien plus grands et luxueux que tout ce qu'elle avait pu imaginer. Ils comprenaient un salon de réception où elle recevait tous les gens qui désiraient s'entretenir avec elle et qui donnait par une petite porte sur son salon privé aux murs recouverts d'étagères portant des dizaines de livres. Ici, elle recevait ses intimes, soit quasiment personne. L'endroit était meublé de diverses tables et d'une cheminée, c'était là son lieu principal de vie qui donnait sur la dernière pièce séparée en trois alcôves. La première était sa chambre, ornée d'un immense lit de bois dont les pieds ressemblaient à des racines d'arbre et les baldaquins aux branches. Il s'y trouvait également un secrétaire et des fauteuils confortables ainsi que sa coiffeuse. Séparés par des paravents, on apercevait d'un côté sa salle de bain personnelle où l'eau chaude arrivait directement dans un tube par un système complexe de tuyauterie qu'elle ne comprenait guère. Tout ce qu'elle avait retenu, c'était qu'il fallait pomper, comme pour un puits, et l'eau chaude sortait du tuyau. De l'autre côté, la dernière pièce donnait sur une penderie qui avait été remplie, petit à petit, d'une garde-robe démesurée que Finwë lui avait offerte. Un pan du mur était occupé par un meuble qui regorgeait de bijoux et d'accessoires en tous genres. Elle possédait également deux balcons. Le premier, immense, était accessible des deux salons et donnait sur la cour intérieure, rejoignant celui de Finwë, qui avait ses appartements mitoyens aux siens. Ils servaient uniquement d'apparats, lorsqu'ils se présentaient devant la foule. Le second quant à lui avait des proportions plus modestes et se trouvait à l'opposé, uniquement accessible par sa chambre, donnant sur ses jardins privés qu'elle pouvait rejoindre par un petit escalier. Les jardins avaient également une ouverture en contrebas pour permettre aux jardiniers, et à tous ceux qu'elle autorisait, d'y accéder. Pour le moment, ils étaient en jachère mais on lui avait proposé des plans d'aménagement qu'elle avait approuvé en rajoutant, ici et là, des plantes qu'elle voulait avoir.

La légende des deux royaumes [TERMINÉ]Where stories live. Discover now