La légende des deux royaumes [TERMINÉ]

Chapitre 22

Océane descendit de sa litière fourbue. Dire qu'elle avait voulu faire le reste du trajet à cheval uniquement pour contrarier Gabriel... Elle était presque heureuse qu'il le lui ait refusé, sinon, dans quel état serait-elle arrivée. Cependant, jamais elle ne le reconnaîtrait devant lui.

Etirant son corps endolori, elle jeta un coup d'œil autour d'elle. Le cloître des prêtresses de la Lune se trouvait là, devant elle, dressé glorieusement envers et contre tout. Cela la soulagea presque de le voir ainsi, résistant à tout depuis des siècles. Elle avait choisi cet endroit parce qu'elle le pensait sûr, elle savait que les prêtresses ne tomberaient jamais sous le joug de Finwë et que son enfant serait en sécurité en ce lieu. Mais également parce que Gemma et Julyne étaient sa dernière famille.

Elle alla toquer quelques coups au lourd portail et attendit. Gabriel avait, lui aussi, mit pied à terre et s'occupait de déposer ses affaires à ses côtés. Au bout d'un long moment, on vint lui ouvrir. La prêtresse qui lui fit face l'invita à entrer dès qu'elle la vit, en revanche, elle refusa que son compagnon de route mette un pied à l'intérieur, prétextant la non mixité du lieu, ce qui, Océane le savait, pouvait facilement être mis de côté pour certaines exceptions. Visiblement, Gemma ne souhaitait pas qu'il entre dans son monastère et elle s'en réjouissait.

— Je crains que vous ne deviez attendre devant cette porte jusqu'à ce que mon enfant vienne au monde, assena-t-elle à Gabriel, avec une satisfaction non dissimulée. Mais ne vous inquiétez pas, ce n'est que l'affaire de quelques mois... Je vous promets que je ne m'enfuirai pas. Ceci dit, si vous ne me croyez pas, vos journées seront effectivement très longues, conclut-elle en savourant sa victoire.

— Nous vous ferons porter deux repas par jour si vous décidez de rester ici, lui annonça la prêtresse sur un ton parfaitement neutre.

Gabriel la remercia, affirmant son désir de rester sur place et tendit à Océane ses sacs qu'elle porta non sans mal. Il y avait un soupçon d'inquiétude dans son regard mais la future mère ne le remarqua pas puisqu'elle se refusa de croiser son regard. Elle entra, le portail se referma derrière elle, et, pour la première fois en plus de quatre mois, elle soupira. Enfin elle avait un moment de répit. Il ne durerait pas éternellement, alors elle comptait bien en profiter et ne rien faire d'autre qu'attendre que son enfant naisse. Ici, elle ne serait pas obligée de sourire, de faire semblant. Ici, elle pourrait être ce qu'elle était réellement, une créature perdue, vide et anéantie. La prêtresse la conduisit jusqu'à Gemma, qui se trouvait dans le jardin à profiter des derniers rayons du Soleil, tandis qu'un vent frais commençait à circuler. La vieille femme prit Océane dans ses bras et la serra un instant contre elle.

— Je suis désolée de ce qui est arrivé à William, je l'appréciais. C'était quelqu'un de bien, déclara Gemma en guise de préambule.

— Pourquoi ne m'as-tu pas dit qu'il était déjà venu quand il était petit ? questionna le jeune Reine à sa grand-tante qui semblait être entrée dans le cœur du sujet sans problème. Que c'était Grand'ma Nora qui l'avait amené ici avant de le conduire dans la Forêt des Songes ?

— Parce que William ne t'avait encore rien dit et que ce n'était pas à moi de le faire, lui répondit la vieille femme d'un ton assuré.

— Mais tu savais des choses importantes et reconnais que ça ne peut pas être une coïncidence si Grand'ma lui a sauvé la vie enfant ? Si j'avais su ça avant, il serait peut-être en vie aujourd'hui, fit Océane en se tournant face à elle, le regard désespéré.

— Rien ne sert de ressasser le passé. Ce qui est fait devait se faire et ne peut être changé.

— Tu savais quelque chose sur ce qui allait se passer ? demanda-t-elle surprise de lire de la conviction dans le visage de Gemma. Tu as dit que Grand'ma refusait d'assumer certaines choses, que vous vous étiez même disputées pour ça. Elle t'avait dit ce qui allait se passer, c'est cela ? Elle ne voulait pas de ce destin pour moi.