Les Conquérants du Cercle T3 - L'Ordre du Soleil

Chapitre 14

J'en suis à ma dixième tentative sur deux jours. Rawelle et moi avons beaucoup discuté dans la salle des machines. Je ne dois pas seulement adopter son apparence, je dois aussi me familiariser avec son attitude, ses gestes, sa manière de parler. Je dois lui ressembler le plus possible.

A présent, j'essaye d'utiliser ma capacité Vilazane pour créer une illusion afin de reproduire son apparence. Je change d'abord ma taille ; Rawelle est un peu plus grande que moi. Ensuite, je commence par ses jambes longues et fines. Puis son buste et ses épaules, plus développés que moi. Je termine par le plus difficile. Son visage. Je change mes cheveux bruns en une teinte plus acajou. Ses yeux sont marron. Son visage plus rond et joufflu. Le mien est ovale et plus marqué.

Elle esquisse un geste pour remettre une mèche de cheveux derrière son oreille. Je l'imite aussitôt adoptant la même vitesse, la même délicatesse. Je remarque une cicatrice sur sa mâchoire, à présent dégagée. Et je m'empresse de corriger mon apparence. C'est plus qu'un jeu de différence. C'est une apparence, un rôle que je dois à nouveau jouer pour rester en vie.

J'entends des pas dans le couloir et Rawelle esquisse un sourire en mettant un doigt devant ses lèvres. C'est le moment de tester mes capacités.

Les pas se rapprochent. Si la personne qui entre, voit ne serais-ce qu'une différence, je sais que ce sera fini. La mission sera déjà terminée alors qu'elle n'a pas encore commencé. J'inspire profondément attendant que la personne entre dans la salle des machines. J'espère juste que ce n'est pas Daerôn. Il me connaît trop pour se laisser piéger. Il sait que je me mords les lèvres quand je suis angoissée, il sait que je joue avec mes cheveux quand je suis gênée. Il connaît mes tics de langage, mes réflexes... Pourtant, je sais que je dois le berner pour que la mission soit un succès. Je dois le piéger pour me convaincre que j'ai réussi. Personne ne doit savoir faire la différence.

La porte s'ouvre lentement. Je n'ai pas bien entendu. Je pensais qu'une seule personne entrerait, mais je me trouve face à Daerôn et Lox.

Je me ressaisis silencieusement. Rawelle est dynamique et impliquée dans toutes les missions qu'on lui confie. Je décide donc de prendre la parole en premier. Comme elle l'aurait fait dans cette situation. J'adopte sa voix légèrement rauque, son timbre chaleureux, mais clair et limpide.

- Que nous vaut l'honneur de cette visite ? Je demande en plaçant mes poings fermés sur mes hanches alors que j'aurai eu tendance à les croiser.

Mais Rawelle est plus ouverte. Quand elle parle, elle tourne ses paumes vers le ciel, elle lève la tête, elle se redresse. Elle a une prestance particulière que je me dois d'imiter à la perfection.

Daerôn et Lox se stoppent de concert et nous dévisagent toutes les deux.

Je laisse le rire cristallin de Rawelle emplir la pièce. Je suis assez fière de mon imitation.

- Elle est plutôt douée, vous ne trouvez pas ? Dis-je en désignant Rawelle d'un mouvement de tête.

Je la laisse baisser la tête humblement comme je l'aurais fait. Daerôn lui lance un coup d'oeil et serre la mâchoire. Après tout, personne ne connaît Rawelle sur Namus. Imiter sa personnalité est une décision que nous avons prise ensemble avec la pilote. Plus nous jouons le jeu, plus je serai en sécurité.

Lox nous regarde tour à tour et se rapproche de Rawelle pour lui donner une tape amicale sur l'épaule.

- Bravo, Princesse ! On n'y voit que du feu ! L'apparence est trompeuse. Je pense que ça suffira.

- Non, ça ne suffira pas. Il suffit qu'elle croise des soldats kalis qui la connaissent, en poste sur Namus pour que sa couverture soit en danger. Elwing et toi, n'avez pas la même personnalité. Tu es plus confiante, plus ouverte. Elwing, je sais que ce que je te demande n'est pas facile. Mais l'apparence ne suffit pas. Je veux que tu sois en sécurité. Et je pense que copier la personnalité de Rawelle serait une bonne chose. Je sais que tu n'as pas confiance en tes capacités. Mais moi, je crois en toi. Tu peux y arriver.