Les Conquérants du Cercle T3 - L'Ordre du Soleil

Chapitre 21

Devant nous se dresse un bâtiment aux allures d'abandon. C'est certainement ce que chaque passant pourrait croire en pleine journée. Mais aux alentours de minuit, lorsque la lune Torelle éclaire de sa lumière blanche, il est évident que cette bâtisse regorge de vie.

Le bar du Retors laisse échapper des éclats de rires et des chansons joyeuses par ses fenêtres ouvertes. Il s'agit d'une taverne de forme cubique, ajourée de petite ouvertures carrées placées en haut des murs. Le bois de la demeure est très foncé et crée un contraste avec les maisons en pierres grises qui l'entourent.

Il est situé juste à côté d'un port miteux, aux relents de poissons avariés. Des tonneaux sont placés de manière hasardeuse devant la porte. L'écriteau situé juste au-dessus, arbore des lettres peintes en noir, presque effacées : « Chez Jo, le marin retors ».

Il s'agit du bar devant lequel, nous nous étions fait héler par des Voleurs d'Etoiles lorsque je visitais la ville avec Arwen. Du moins, c'est ce que je pensais. En réalité, je suis certaine que ces deux individus étaient des bandits. Sans doute, appartenaient-ils à cette mystérieuse confrérie.

Daerôn et moi, sommes revêtus de vêtements sombres. Une longue cape entoure nos épaules et une capuche est rabattue sur nos têtes. Celle-ci est si large qu'elle semble avaler notre visage entier. Nous avons décidé d'un commun accord que je garderais l'apparence de Rawelle.

Je relève les yeux vers Daerôn. Il semble me regarder depuis un moment. Il hoche la tête pour me signifier qu'il est prêt à entrer. Il a caché un couteau dans sa ceinture au cas où notre entrée tournerait mal. A le voir ainsi, je le trouve redoutable. Je n'ose imaginer ce qu'il a déjà pu faire pour l'Ordre.

A la position de Torelle dans le ciel, je peux affirmer que nous sommes dans les temps. J'espère que c'est bien l'endroit dans lequel la Confrérie de Nathaniel se réunit.

Daerôn m'invite à le suivre d'un mouvement rapide des yeux. Il ouvre la porte en métal rouillée qui grince et laisse s'échapper la lumière chaleureuse de l'intérieur du bar.

La musique que j'entendais en bruit de fond, me parvient désormais clairement aux oreilles. Le pincement de cordes et le battement des mains me font tourner la tête. J'aperçois des dizaines d'hommes en train de boire dans de larges chopes, d'autres jouent aux cartes, certains tapent du pied en rythme. Des jetons comme celui que m'a donné la jeune fille volent au travers de la large pièce. Des garçons et des filles apportent des plateaux remplis de verres d'alcool. Les personnes présentent ont le nez rouge et l'air ridiculement heureux. Pourtant, je devine leurs mains calleuses, les cicatrices sur leur peau, les trous dans leurs habits. Ces gens n'ont pas une vie facile. Peut-être s'adonnent-ils à des activités illégales, non par plaisir, mais pour nourrir leur famille.

Daerôn se dirige au fond, vers ce qui semble être le comptoir. Une jeune femme y est accoudée et chantonne d'un air las. Elle porte un pantalon large rentré dans de grandes bottes en cuir ainsi qu'une chemise blanche dont les manches sont relevées. Elle ressemble aux personnages des livres de légendes et d'histoires que je lisais avant.

Elle se tourne vers nous. Son béret noir lui tombe devant les yeux.

— Qu'est-ce que je peux faire pour toi, mon mignon ? demande-t-elle à Daerôn alors qu'il s'approche.

Sa voix est mélodieuse. J'ai l'impression de l'avoir déjà entendue. Daerôn fait attention que je reste bien cachée derrière son dos.

— Je cherche le gérant du bar, déclare-t-il d'une voix étouffée.

— Elle est juste devant toi, mon joli, sourit-elle avec moqueries.

— Dans ce cas, je viens pour une commande spéciale, chuchote-t-il en se décalant afin que la jeune femme me remarque.