Chapitre 39

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Les regards discrets, les sous-entendus sont monnaie courante sur cette planète dont les traditions et la bienséance rythment les vies.

Tout semble devenir un jeu invisible où chaque action est observée et analysée, si bien que je prête beaucoup trop d'attention aux détails. Un haussement de sourcils, un sourire fugace, une posture particulière peuvent trahir les intentions de celui qui n'est pas discret ni prudent.

Toute cette mascarade m'empêche de me concentrer.

Voilà déjà deux jours que je suis Daerôn partout. Deux jours que nous communiquons par jeu de regards. Je vais finir par devenir folle tellement cette situation est frustrante.

Hier, nous avons visité la ville des Fades, ces gens rejetés que personne ne veut. Ils n'ont aucune place dans la société cendractienne et leurs contemporains les ignorent et les regroupent dans des endroits peu accueillants et dangereux. La ville de Bragera m'a laissé un goût amer dans la bouche tellement, elle est imprégnée d'injustice.

Ce soir, les majestés organisent une réception pour leur fils. J'ignore totalement le but de cette cérémonie, mais d'après les courtisans, il s'agit d'un bal qui va changer la vie du prince à jamais. Les Sérith peuvent être à la fois discrets et dramatiques dans leurs propos. Je ne vois pas en quoi cet évènement va transformer l'avenir de Saeros. Et pour le moment, Daerôn refuse de me donner des explications.

Je suis devant la porte qui mène à la salle à manger privée du roi et de la reine. Je suis censée en garder l'entrée, tandis que Jared se tient à l'intérieur pour veiller à la sécurité de notre prince de feu. Saeros apparaît soudain devant moi. Je ne l'ai pas entendu arriver. Mon premier réflexe est de détourner les yeux.

— Il est étonnant de voir une femme kalisse jouer les gardes du corps. Qu'as-tu fait pour que Daerôn te choisisse ?

J'ignore si sa phrase est une insulte ou une simple question motivée par la curiosité. Quoiqu'il en soit, je m'autorise à lui adresser un regard désabusé. Il m'a adressé la parole personnellement, je peux donc lui répondre.

— Votre Majesté, bonjour. Vos parents sont déjà à l'intérieur.

— Je t'ai posé une question.

Je serre les poings pour reprendre mon calme. Il n'a pas compris que j'avais changé de sujet précisément parce que je n'avais pas envie de lui répondre ? Cela ne va pas être facile.

— Le prince Daerôn a toujours su choisir les meilleurs soldats et ceux en qui il a confiance, je déclare, la tête haute.

— Et comment as-tu gagné la sienne ? demande-t-il sur un ton chargé de sous-entendu.

Je me souviens de ce que Lox ma raconté. Les soldates kalisse sont très souvent rabaissées parce qu'elles sont plus douées que les hommes et ceux-ci ne l'acceptent pas. Les femmes comme Rawelle savent quelle est leur place, mais elles ne laisseraient pas un homme étranger qui ne connaît rien de leurs situations, les dénigrer de la sorte.

Saeros s'est rapprochée de moi et me sourit d'une manière offensante. Je m'empresse de lui enfoncer mon genou là où je sais qu'il aura mal, et avant qu'il ne se courbe sous la douleur, je m'empare de son oreille droite et l'attire contre moi.

— Je suis au service de l'héritier, mais cela ne veut pas dire que j'accepte qu'on me manque de respect, je chuchote lentement.

Puis, j'ouvre la porte en m'aidant de mon coude gauche et me décale pour le laisser s'écrouler au sol devant ses parents et Daerôn. Voilà qui va sûrement blesser son égo surdimensionné !

Les Conquérants du Cercle T3 -  L'Ordre du SoleilWhere stories live. Discover now