Chapitre 46

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Je me cache derrière les arches de la tour des sentinelles. De cette manière, si mon voile d'invisibilité s'affaiblit, je ne suis pas à portée de vue des pontons extérieurs. J'attends Bélèm depuis vingt minutes déjà. J'ignore si je suis en retard ou en avance, s'il est déjà parti et qu'il n'a pas daigné m'attendre à notre point de rendez-vous. Bélèm est si imprévisible que je m'inquiète du temps qui passe alors que je n'ai aucune nouvelle de lui.

J'espère sincèrement qu'il a pu trouver un remède pour Daerôn. C'est si important à mes yeux que je me fiche de savoir s'il a effectué son rapport pour Aegnor. Si cela se trouve, je suis en train d'attendre mon arrêt de mort, et le roi cruel va débarquer dans la minute !

Je suis dans l'incertitude. Bélèm, va-t-il accepter que je tente de guérir son esprit ? Et s'il accepte, vais-je y arriver ? Ce serait vraiment embarrassant de lui proposer mon aide et d'échouer. J'ai vraiment envie qu'il redevienne celui qu'il est censé être.

Une ombre se profile sur le ponton à l'est ; je m'empresse de raffermir l'opacité de mon voile. Sa démarche nonchalante ne me laisse aucun doute et le soulagement allège temporairement mes épaules. L'orphéen approche d'un pas lent et mesuré. Je sors de ma cachette et commence à le rejoindre. Bélèm cache une main derrière son long manteau et la méfiance se réinstalle dans mon esprit. Je ne dois pas oublier qu'il jouera sur le terrain qui lui semble le plus avantageux. Les actions du fils de la présidente d'Orphée, me rappellent les paroles de Luther. Tout comme mon entraîneur, Bélèm est un opportuniste. Je dois me le rappeler lors de ma tentative pour le convaincre de rejoindre les rangs de l'Ordre et de nous aider à déterrer les vestiges du trésor de Namus, ou la pierre d'Eris. Peu importe ce qui se trouve au fond de la baie Malorelle, je suis persuadée que cela vaut la peine d'être découvert.

Je prends le risque d'apparaître devant lui lorsque ses paupières se plissent et que ses yeux me cherchent. Il ne se laisse pas surprendre, ce qui est assez rare lorsque j'ordonne à mon illusion de disparaître.

— Tu es ponctuelle, déclare-t-il.

Je ne peux m'empêcher de penser au rire qu'Ingwé aurait lâché à cette affirmation qui se révèle de moins en moins fausse.

— As-tu réussi ? je demande sans attendre.

Bélèm m'examine quelques secondes pour enfin sortir sa main cachée. Un flacon rempli d'un liquide bleuté est prisonnier de ses doigts. Je tends la paume afin qu'il puisse me le donner, mais il l'écarte avec habileté.

— Où est Daerôn ? m'interroge-t-il.

Lorsque je fronce les sourcils afin de juger ses intentions, ce n'est pas de la méfiance que je lis sur son visage, mais de la curiosité.

— Sur l'îlot maudit, je rétorque, convaincue qu'il n'osera pas me suivre.

— Comment avez-vous réussi à l'atteindre ? Il est inaccessible, aucun ponton ne mène à cet îlot minuscule et la porte de téléportation n'y est pas installée puisqu'elle se trouve sur Totem.

— Avec de la détermination et une touche de désespoir, on peut se rendre n'importe où, je réponds avec énigmes.

Je ne sais pas si je peux lui faire confiance et lui révéler ce que je suis.

— Quelle poétesse tu fais ! se moque-t-il. Conduis-moi à Daerôn et je lui administrerais le remède.

Je me pince les lèvres, alors que le doute m'envahit. Pourquoi veut-il voir Daerôn ? A-t-il averti Aegnor que son fils se trouvait sur Orphée et non sur Cendracte ? Sa mystérieuse disparition lors de la cérémonie de mariage sur Ashuzia a sans doute alerté Saeros. Cette petite fouine en a certainement parlé à sa famille et à Aegnor. Bélèm, s'est-il associé avec Aegnor au point de lui révéler où se cache son héritier ?

Les Conquérants du Cercle T3 -  L'Ordre du SoleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant