Les Conquérants du Cercle T3 - L'Ordre du Soleil

Chapitre 20

Je me cache dans un recoin afin de mieux recouvrir mon visage avec le foulard. Je ne peux pas reprendre l'apparence de Rawelle maintenant. Ses cheveux auburn sont beaucoup trop voyants et typiques des femmes kalisses. Je dois me fondre dans le paysage pour arriver jusqu'à l'auberge. J'espère juste que les bourgeois ne me dévisageront pas.

A force d'écouter les conversations, j'ai appris que le Quai des Muses se situait plus au sud et qu'avant de le rejoindre, je devrais passer au-dessus de la rivière Maluna. Les gens que j'ai croisés n'ont pas beaucoup d'autres préoccupations que les fêtes locales qui approchent à grands pas. Il s'agit apparemment de réjouissances autour d'une certaine période durant laquelle le célèbre poisson appelé le Litus, reviendrait dans les mers alentours de Camorr. Les femmes discutent des tenues qu'elles vont porter pour faire honneur à leur mari qui sengagera dans la Grande Pêche, et des provisions à préparer quand ceux-ci seront en pleine mer. Les jeunes filles espèrent trouver leurs âmes surs auprès des courageux jeunes hommes qui y participeront également. Elles doivent choisir le meilleur tissu et créer un foulard. Si le jeune homme convoité l'accepte, il y a de grandes chances pour que celui-ci demande la main de la demoiselle à son retour.

Les hommes, en revanche, ont l'air bien plus préoccupés. Ils semblent que beaucoup hésitent à partir à la pèche en raison des récentes disparitions. Beaucoup pensent que c'est trop risqué. Ils ont peur que les soldats kalis profitent de leur absence pour prendre le contrôle de leur quartier.

La méfiance envers l'armée d'Aegnor est bien présente. Pourtant, les disparitions ne sont pas causées par les soldats de Kalisto. Je me demande bien pourquoi des jeunes pêcheurs disparaissent. Est-ce parce qu'ils sont inexpérimentés dans la pêche et s'aventurent inconsciemment dans les mers houleuses ? Est-ce une sorte de guerre entre la Sphénie et l'Azurie pour rétablir une justice nécessaire ?

J'arrive enfin de l'autre côté de la rivière Maluna. Le centre de Camorr s'est rapproché et je distingue les tours du Palais d'Ivoire. Je me demande alors à quoi Daerôn occupe ses journées. A-t-il été averti qu'un de ses soldats a été enlevé par une confrérie secrète. Est-il partie à ma recherche ?

J'espère que non.

Le palais est toujours aussi impressionnant. Le Prisme en forme de poisson, sur la place devant le château, reflète la lumière dorée de Titan.

Comme Daerôn, je ne voudrais pas avoir à affronter une guerre civile à Camorr. Je ne pourrais alors pas mener mes recherches sur la pierre d'Eris.

Je réfléchis en me laissant porter par la foule. Les rues sont magnifiques dans ce quartier. Les volets des maisons sont colorés dans un camaïeu de bleu. Certains ont même dessiné sur les murs blancs de leur demeure. On trouve des bateaux sculptés à même la pierre, des vagues dessinées en contrebas et toutes sortes de poissons, formées par des mosaïques de toutes les couleurs. C'est alors que je me rends compte que Namus et Orphée sont assez similaires. L'art à une place importante dans leur culture. Je me demande d'où vient cette ressemblance.

Plusieurs fanions sont accrochés aux fenêtres. Je me souviens qu'Arwen m'avait dit que cela signifiait que des pêcheurs de la famille étaient en mer. Lors de la fête du Litus, il y en aura des centaines suspendues aux couleurs des quatre quartiers.

Les gens autour de moi semblent se diriger vers le fleuve Nanrû qui se déverse dans la mer Cyanelle. J'aperçois déjà les voiles tendues de certains bateaux amarrés au port. J'arrive maintenant sur le Quai des Muses, divisé en trois grandes allées qui servent de pont au-dessus du fleuve.

La population qui le traverse est plutôt jeune. Des apprentis peintres séduisent de nombreuses jeunes filles. Ils portent des marinières et des bérets rouges. Ils ont dans leurs mains toutes sortes d'objets d'artisan : des pinceaux, des pastels, ou encore des mines de fusain. A leurs pieds, sont installées des toiles délicatement posées sur des chevalets.