Les Conquérants du Cercle T3 - L'Ordre du Soleil

Chapitre 38

Lorsque je foule le sable gris de l'aéroport d'Ashuzia, j'ai l'impression de voir en noir et blanc. Tous les paysages se ressemblent. C'est comme vivre dans un vieux film. Il n'y a pas de couleurs.

Nous devons marcher un peu avant d'arriver dans la ville. Daerôn m'a trouvé quelques couteaux que j'ai pu attacher à ma ceinture afin d'étoffer mon rôle de kalisse. Je me tiens droite à mesure que nous avançons. Les kalis sont, pour la plupart, fiers et froids d'apparence. Ce qui est assez amusant compte tenu de leur capacité.
Je relève le menton lorsque nous apercevons de grands murs rocheux gris. Une ouverture rectangulaire pareille à une porte nous fait face. Deux cendractiens vêtus d'un uniforme vert foncé viennent à notre rencontre. Aussitôt, le stress commence à s'installer dans mon cœur. J'imite Jared et Daerôn qui se courbent légèrement pour saluer nos deux interlocuteurs.

— Votre Altesse, nous avons été prévenus de votre arrivée et vous attendions. Nous allons avertir Nos Majestés de votre présence et reviendrons vous chercher.

Ils disparaissent en moins d'une seconde alors que je me tourne vers Jared.

— Ces deux gardes étaient messagers. On les appelle les Sheles. Retiens bien leur uniforme. Les couleurs sont sacrées ici, déclare-t-il sans se retourner.

— Ils vont revenir d'une minute à l'autre, nous prévient Daerôn.

A peine a-t-il fini de prononcer ses mots que les deux Sheles reviennent avec des visages toujours aussi fermés. Ils nous accompagnent alors que nous franchissons les portes hautes et rectangulaires. Ils ont l'air agacé de faire le chemin à pied, sans se téléporter.

La ville est constituée de petites maisons carrées. Au centre, se trouve le palais, aux allures de temple plutôt que de bâtiment royal. Ses toits forment des coupoles qui se terminent en pointes. Il est d'un blanc grisâtre à cause de la cendre qui s'y dépose avec le vent, tandis que les coupoles sont rouges. Les cendractiens qui se trouvent en ville sont vêtus d'uniformes ou d'habits de différentes couleurs révélant leurs castes et leurs rôles dans la société.

Je marche en me tenant droite, avec la main gauche dans le dos pour ne pas être tentée de l'utiliser. Mon uniforme kalis est noir comme celui de Daerôn et de Jared. Je ne vois pas cette couleur parmi les populations. La tête bien haute, je distingue d'autres bâtiments derrière le palais. Tous les édifices sont très structurés et leurs angles, droits. Pourtant, ceux que j'aperçois au loin, sont circulaires. Ces bâtisses ressemblent à des dômes. Je me demande ce qu'elles abritent.

Plusieurs personnes sortent du palais et descendent les escaliers blancs qui y mènent. Elles sont habillées de voilages rose et gris. Je me courbe pour les saluer lorsqu'elles arrivent à notre niveau. Il s'agit pour la plupart de jeunes personnes qui doivent avoir mon âge. Je suis perturbée par le respect que je vois dans leurs yeux. Daerôn, Jared et moi sommes tout aussi jeunes, pourtant, ils se courbent presque jusquà terre en signe de reconnaissance. Derrière eux, j'aperçois, le Roi et la Reine de Cendracte, vêtus de tunique rouge. Ils courbent dignement la tête. A leurs côtés, Saeros se tient droit et lève un sourcil interrogateur vers son cousin. Une écharpe jaune et rouge longe ses épaules et sa taille sur ses habits gris. Il arbore encore son trait de khôl autour de ses yeux noirs. Ses cheveux sont ramenés en arrière et une fine couronne entoure ses tempes.

La reine Pavel, petite sœur du roi Aegnor, est en train de me regarder. Ses yeux sont maquillés de noir dans une jolie couleur fumée. Des grosses perles pendent à ses oreilles et ses cheveux noirs viennent y boucler autour. Sa posture est aussi impressionnante que son frère.

Son mari, le roi Alarik, possède un regard plus calme, peut-être adouci par ses quelques rides autour de ses yeux et ses épais sourcils. Ses cheveux grisonnent déjà et son dos est légèrement courbé. Ce qui ne l'empêche pas de dégager une assurance presque palpable. Sa barbe est taillée à la perfection et ne laisse place à aucun sourire. Sa voix est profonde lorsqu'il s'adresse à Daerôn.