Partie 86 : abri ou prison

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Abhaya Sing :

Abhaya attend longtemps - bien trop longtemps - avant de recevoir un message des Techs lui donnant rendez-vous au beau milieu de Nava, dans un quartier qui selon la radio devrait être évacué depuis belle lurette. Elle choisit de ne pas s'en inquiéter. Même épuisés, si les Techs ont décidé qu'elle passerait les contrôles, elle les passera.

Elle s'attendait à pire en s'approchant de la ville. Les nouvelles étaient catastrophiques et parlaient de milliards de t-crédits de dégâts. Au final, le plus impressionnant ne sont pas les impacts sur les immeubles, mais bien de voir la ville toute entière désertée. Il fallait bien ça pour que le tout-puissant Nord prenne peur...

Enfin elle arrive devant la cachette des Techs, ou plutôt le lieu où ils lui ont donné rendez-vous : une bouche de métro.

C'est 2 qui la rejoint. La jeune fille semble épuisée, bien plus que le justifient les quelques heures où Abhaya et elle ont été séparées, mais elle jure à sa tante qu'elle va bien et l'entraine à sa suite dans le souterrain. Elles entrent dans ce qui ressemble à une salle de service, derrière une porte dissimulée par le parement du mur. Tous les Techs sauf 5 attendent dans la salle remplie d'écrans et d'ordinateurs techs. 1, toujours affaibli, dort à même le sol dans un coin de la pièce, 7 couchée sur lui. 4 et 6 ont la main posée sur les ordinateurs et le regard dans le vide, signe qu'ils sont mentalement dans le Réseau. 3, assise plus loin, se lève dès qu'elle voit Abhaya entrer mais tangue légèrement en avançant vers elle. La femme lui demande :

"Est-ce que ça va ?

— On s'en fiche ! Est-ce que ça marché ? Le bouclier ?

— Oui, oui, ça a marché. Il est là, au-dessus de la ville. Il est magnifique.

— Bon.

Soulagée, 3 se relaisse glisser au sol. Ses cernes sont encore pires que celles de 2. Abhaya demande :

— Ça a été très dur pour vous de faire ce bouclier ?

— On l'a fait avec des bombes T, répond 2. De toutes manières, on n'aura pas de quoi en refaire s'il ne tient pas face aux attaques. Il y en a eu ?

— Pas encore. Mais les négociations avec l'Hydre avancent bien. Maintenant, il faut qu'on puisse contraindre le président Robertson à signer un nouveau traité, et la guerre sera finie.

Un bref moment de flottement, tous les Techs ont le regard vague, discutant entre eux à toute allure. Pour finir, 2 explique :

— On a besoin de nous reposer. On va tous finir avec une migraine si ça continue, ou pire.

— La création des boucliers a été très difficile ? demande à nouveau Abhaya.

— On peut dire ça. C'était... quelque chose, en tous cas. C'est l'alien qui les a fait, comme ça, sans avoir besoin d'y réfléchir. Mais pour le convaincre... C'était comme... comme de faire du judo avec son cerveau. Et quand on lui parle, il est tellement écrasant, tellement...

3, les yeux fermés, ajoute d'un ton morne :

— Il donne envie de tout abandonner et de le rejoindre.

— C'est ça, approuve 2. C'est comme s'il avait sa propre gravité. On peut lutter contre, on a même appris à lutter de plus en plus ces derniers jours, mais on sait qu'on ne peut pas lutter éternellement. Si on reste avec lui, tôt ou tard, on va abandonner notre individualité et le rejoindre.

3 marmonne :

— Le professeur Milley avait raison. On aurait jamais dû s'enfuir. On devrait rester à l'écart du tech et vivre une normale. J'en ai marre, on en a tous marre, et ça ne s'arrête jamais ! Non, je n'oublie pas 5 ! Mais ce plan est à chier et ça ne marchera jamais !

Abhaya n'a aucun mal à deviner d'où vient le message mental qui lui a fait des reproches sur 5 : 4 a quitté l'ordinateur et braque toute son attention furieuse vers sa sœur. 2 intervient :

— Calmez-vous, tous les deux. On a fait ce qu'on avait à faire et on a sauvé des milliers de personnes. C'est tout ce qui compte.

— Vous avez un plan pour 5 ? demande Abhaya.

2 répond avec un soupir :

— On a... quelqu'un qui peut nous aider. Quelqu'un qui n'utilise pas le tech et qui peut traquer Yulia là où nous on ne voit rien. Mais on ne sait pas si ça marchera. On n'y connait rien à tout ça.

— Qui ça ?

2 hésite. C'est 4 qui lâche le morceau :

— C'est Thune. C'est le chef du ghetto. Il est très fort et il connait tout le monde. Ils ont fait attraper Mok et ils vont retrouver 5 !

— Le chef du ghetto ? s'exclame Abhaya. Face à la SRAM ?

— Vous voyez, marmonne 3 les yeux toujours fermés, votre plan il est pourri.

Abhaya ne peut pas lui donner tort, mais ce n'est pas le moment d'affaiblir encore le moral des troupes, surtout si les troupes en questions sont aussi épuisées que déprimées. Non, c'est le moment de revenir dans la partie.

— Ne vous en faites pas. Je sais quoi faire.

Sa promesse obtient quelques sourcils levés et l'attention générale, même de 6 qui a lâché sa machine. C'est un bon début.

— Le professeur Stones a un moyen de remonter la piste jusqu'à 5. Mais pour ça, il a besoin qu'on lui envoi une vidéo de 5, donc il a besoin d'échanger quelque chose avec ses ravisseurs. Il faut que ces gens puissent croire qu'ils vont vous attraper, mais sans leur donner les moyens de vous capturer réellement. Vous me suivez ?

Ils hésitent et discutent mentalement.

2 finit par dire :

— On est trop fatigués pour faire un leurre. Il ne nous reste pas beaucoup d'énergie mentale.

— Pourtant, vous étiez sur le Réseau, non ? Et vous m'avez aidé à passer les barrages ?

— Ce qui ne demande qu'une pensée n'est pas trop fatiguant. C'est lorsqu'il faut se concentrer sur une forme complexe que c'est plus compliqué. Fabriquer des fausses traces, ce serait vraiment rude, et forcer le traité aussi. Le signer, c'est facile, mais trafiquer tous les agendas et tous les messages pour les humains le signent, c'est beaucoup trop compliqué. Même en temps normal, même avec 5, je ne suis pas sûre qu'on puisse y arriver.

— Alors oubliez les fausses traces. Trouvez un abri, un bunker en tech que vous pouvez verrouiller d'une seule pensée. Ce sera la meilleure protection pour...

— Ah, non ! On s'est échappé de toutes nos prisons, ce n'est pas pour y retourner !

— La différence entre un abri et une prison, c'est la personne qui tient les clés. La SRAM doit bien avoir abandonné quelques cachettes bien sécurisées, non ? Le temps que vous repreniez des forces.

2 hésite. Abhaya insiste :

— S'il vous plait. C'est le seul moyen que nous ayons à notre portée. Pour 5.

Hors de question de transmettre la moindre information sur les Techs à Stones s'ils ne sont pas à l'abri.

Elle les laisse réfléchir, discutant ensemble d'autant plus intensément que leurs regards semblent éteints. 2 finit par conclure :

— Je vais voir si je trouve un endroit qui convienne. Avec des sorties de secours. Tout en tech, rien qu'on arrive pas à voir ou à controler.

— Parfait.

Abhaya le pense. C'est une concession énorme que la jeune fille lui fait, surtout sur un plan aussi mystérieux... Elle lui fait vraiment confiance. Quand au Traité... Abhaya s'assoit devant les ordinateurs et demande aux Techs :

— Maintenant connectez-moi avec l'alien. Je veux lui parler."

Les Techs - Tome 2 : la Quatrième Guerre MondialeWhere stories live. Discover now