Les Techs - Tome 2 : la Quatrième Guerre Mondiale

Partie 32 : le déménagement

Mok :

La grande femme, Yulia, l'emmène avec elle dans le sous-sol de l'immeuble. Ils sont accompagnés par Hindgame, celle qui a été blessée à la jambe. Les portes qui ne s'étaient jamais ouvertes devant lui s'effacent devant le laissez-passer d'Hindgam, tandis que Yulia serre le poignet de Mok comme si à la moindre seconde d'inattention il allait s'échapper. De l'autre main, il serre un sac avec ses quelques possessions : des vêtements techs et non-tech, une carte de citoyen qui lui servira à aller sur le Réseau (mais pas à ouvrir la moindre porte, il a déjà essayé) et de la nourriture. On lui a confisqué toutes ses armes au fur et à mesure qu'il pouvait leur mettre la main dessus, mais lorsqu'elle est venue lui dire au revoir, 5 lui a glissé un couteau volé dans une cuisine et trois billes techs : des mini-bombes T, dont il a déjà vu l'efficacité lorsque 3 et 5 se sont échappées du ghetto. Il sait comment s'en servir et n'hésitera pas. Avec ça, aucun mur ne pourra le retenir prisonnier bien longtemps, et il ne s'inquiète pas. Au contraire, cette petite sortie à l'extérieur pourrait bien être l'occasion dont il rêvait.

La grande femme le fait monter dans une voiture et prend le volant, l'autre monte à ses côtés. Elle lui explique qu'ils vont dans une maison à l'écart de la ville, où il sera bien installé et où on prendra bien soin de lui. Hindgame précise que c'est une première rencontre et que rien n'est décidé encore. Il ne répond ni à l'une ni à l'autre. Il se contente de jeter un coup d'oeil à la caméra la plus proche et faire un petit geste. 5 lui a promis qu'elle regarderait son départ, et que quoi qu'il arrive par la suite, elle veillerait sur lui par le Réseau. Elle n'a pas le droit, mais la connaissant, elle va le prendre. Ça ne fait pas de mal de lui montrer qu'il pense à elle, et ça ne fait pas de mal de rappeler à ces adultes que 5 les guette. Ça peut toujours servir.

Lorsque la voiture sort du parking et traverse la ville, il ne peut s'empêcher de coller son nez à la fenêtre, fasciné par tout ce qu'il voit au-dehors. C'est là, ce fabuleux dehors où il a toujours voulu aller, le paradis promis par Thune à ses enfants-soldats. Au milieu des immenses tours qui brillent de mille feux, parmi les rues si propres qu'on pourrait manger par terre, sous la voûte des jardins, à l'air libre débarrassé du moindre tireur. C'est là qu'il veut vivre. C'est là qu'il vivrait encore s'il pouvait ouvrir les portes et aller et venir à sa guise. Les adultes de l'immeuble avaient beau tous être des froussards, ce n'était pas une mauvaise maison. C'était grand, propre et lumineux, avec de la nourriture à volonté.

Dans le miroir accroché au toit il croise le regard de Yulia. Elle lui sourit et lui demande :

"Ça te plait ?

Qu'est-ce qu'il peut répondre à ça ? Mok hausse les épaules.

Elle insiste :

— Ce qu'il y a dehors, ça te plait ? Tu trouves ça beau ?

— ...

— Là où on va, c'est plutôt la campagne, il n'y aura pas de grands immeubles comme ça...

— Il y aura quoi ?

— Une grande maison avec des animaux. Tout autour il y a des arbres.

— Des animaux ?

Mok connaît les animaux. Les rats qui volent les provisions, les milliards d'insectes, les chats qui sont plus vicieux encore que les rats, les chiens dressés à tuer. Il n'est pas un grand fan. Quant aux arbres, ça ressemble bien au jardin de l'immeuble : ça protège du ciel, mais rien d'intéressant... Pendant qu'il réfléchit, Yulia explique :

— C'est une sorte de mini-ferme, il y a des poules, des chèvres, des vaches, des chevaux, des chiens... Tu sais ce que c'est ?

— ...

— Tu veux que je t'explique un peu ?

Hindgame l'interrompt :

— Moi, je veux bien qu'on m'explique un peu, je ne suis pas sûre d'avoir bien compris...

Vu le ton de sa voix, elle a très bien compris, et elle n'approuve pas du tout. Mok retient un sourire. Il sait que les Techs sont attachés à cette femme et 2 a juré à 5 qu'Hindgame le protégerait quoiqu'en pensent les professeurs. La grande femme et son regard trop perçant ne perdent rien pour attendre.

Yulia répond, tout aussi souriante qu'Hindgame :

— Je vous en prie, qu'est-ce que vous voulez savoir exactement ?

— Pour qui ces gens travaillent-ils ?

— Ils sont indépendants, ils organisent des séjours pédagogiques dans leur ferme et des randonnées à cheval. Ils possèdent aussi un gîte sur leur propriété.

— Mais ils gardent des enfants.

— Ils sont famille d'accueil et s'occupent occasionnellement d'enfants, oui. Ils sont dans les programmes de placement officiels. Eux-mêmes ont trois enfants, les deux plus grands sont partis, il ne reste que la plus jeune, Stacy, qui a quinze ans si je me souviens bien.

— Et vous pensez qu'ils sont bien placés pour un problème aussi délicat ?

— Le professeur Stones m'a demandé de trouver une solution pour Mok, je l'ai trouvé, et rapidement si je peux me vanter. Il sera bien là-bas, les Taylor vont s'occuper de lui. Il pourra revenir voir 5 si les professeurs le veulent. En attendant, ils ont accepté de ne pas garder d'autres enfants tant que Mok est chez eux.

— C'est un lieu public. N'importe qui peut y aller et le croiser. Et il y a une adolescente. Les risques sont...

— Les risques sont nuls. Même s'il décidait de raconter à tout le monde qu'il connaît les Techs, qui le croirait ? Ce n'est qu'un gamin sorti du ghetto et placé, comme tous les autres gamins sortis du ghetto. On les a éparpillés un peu partout, et ils sont mieux que dans des camps.

— On ne sait pas ce que fait la SRAM, mais s'ils le retrouvent, ça va être très vite problématique...

— Ils ne le retrouveront pas. Je vous le promets. D'ailleurs, les Techs ont tout vérifié sur l'identité de cette famille, non ? Vous pouvez vous détendre. Honnêtement, si je n'étais pas nouvelle dans votre organisation, vous n'auriez aucune raison de venir.

— Mais vous êtes nouvelle et je tiens à vérifier par moi-même.

— Parfait.

— Parfait."

Les sourires sont féroces et l'échange s'arrête là. L'enfant regarde le paysage défiler sans leur prêter plus d'attention et ignore les questions de la grande femme. Peu à peu, les immeubles rapetissent, les fils d'or du Réseau se font plus rares, la ville s'éloigne. La protection des Techs aussi. Peu importe, Mok est armé, c'est tout ce dont il a besoin pour reprendre sa liberté.