Partie 24 : la Voix

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Edwige Indiana :

L'adresse qu'Edwige a trouvée la mène jusqu'à un quartier résidentiel, très semblable à celui où elle-même habite : des pavillons cernés de petits jardins, de petits immeubles, des parcs, des plates-formes de livraison collectives... Des rues calmes, tranquilles, où on verra sans doute des enfants jouer dehors une fois rentrés de l'école. À moins qu'au milieu de toutes ces rumeurs, les parents ne les laissent plus sortir, même protégés par un drone de surveillance.

L'adresse correspond à une maison, qui ressemble à n'importe quelle autre maison. Les habitants ont sans doute soigneusement choisi chaque détail pour affirmer leur individualité face à tous leurs voisins, mais absolument rien n'indique qu'ici, on pourrait rendre un culte quelconque à une intelligence d'origine inconnue se baladant sur le Réseau. À l'exception d'un carton scotché sur la porte, indiquant "Entrez sans frapper".

Croisant les doigts pour que le panneau ne soit pas destiné aux livreurs, Edwige pénètre dans la maison, appelant d'une voix timide :

"Heu... il y a quelqu'un ? Heu, bonjour, heu... excusez-moi ?

Personne ne lui répond dans ce petit hall, mais elle entend un brouhaha venant de la porte qui lui fait face, comme si un grand nombre de personnes avait une discussion animée. En temps normal, jamais elle n'aurait osé franchir cette porte - et si l'adresse était mauvaise, qu'elle tombe sur une réunion de famille, que tout le monde lui demande ce qu'elle fait là ?

Mais elle recherche un culte voué à une entité quasiment surnaturelle. La normalité n'a plus rien à voir avec la question. Edwige ouvre la porte.

Une dizaine de personnes attendent déjà, dans ce qui a sans doute été un salon parfaitement ordinaire avant qu'on ne repousse les meubles les plus encombrants contre les murs pour faire de la place, au centre, à un immense écran d'ordinateur. Devant lui, sur une table basse aux allures d'autel, sont posés un clavier, une souris et des bougies, sur un grand napperon en dentelle.

Une petite femme frisée d'une quarantaine d'années, sympathique et enthousiaste, vient immédiatement serrer la main d'Edwige et la salue :

"Bonjour, sois la bienvenue parmi nous ! Tu es venue pour écouter la Voix, toi aussi ? Je m'appelle Margaret, c'est moi qui prête cette maison à tous les adorateurs qui le souhaitent ! Comment t'appelles-tu ?

— Edwige... Bonjour... Je suis désolée, je suis venue pour discuter, mais pas forcément pour...

— Oui oui oui, bien entendu, les curieux sont les bienvenus également !

Margaret l'entraine dans le salon et la présente à chaque personne présente, dont Edwige mélange immédiatement les noms. Puis son hôtesse l'amène jusqu'à l'écran principal où s'affichent les restes d'une discussion écrite. Les mots ne respectent pas le contour des emplacements dédiés, et Edwige reconnait le style de la présence avant même de déchiffrer la conversation décousue. Il n'est pas difficile d'identifier quelles phrases viennent d'un humain lui posant des questions sur sa nature et quelles phrases sont les réponses décalées de la présence.

Un sourire ravi aux lèvres tandis qu'elle contemple l'écran, Margaret lui demande dans un souffle :

— As-tu déjà parlé à la Voix ? Et entendu sa réponse ?

— Heu... Oui. En fait, c'est pour ça que...

Immédiatement toute l'attention s'est portée sur elle, et plusieurs personnes la pressent d'expliquer, tout en sortant de quoi noter, et - à son grand embarras - une caméra pour la filmer.

— S'il te plait," insiste un grand barbu dont elle oublié le nom - quelque chose comme Steve, ou Evan ? Stephen ? Sullivan ? - en lui braquant l'objectif sous le nez " il faut que tu racontes en détail tout ce qui est arrivé, tout ce que tu as fait et surtout tout ce que la Voix t'a répondu. Nous avons besoin de compiler tous les éléments disponibles pour comprendre exactement ce que veut la Voix !

Les Techs - Tome 2 : la Quatrième Guerre MondialeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant