Partie 18 : contact

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Yoro Samb

Lorsqu'il a été recruté par le réseau de M. Edmund, Yoro a tout de suite adopté son nouveau rôle d'espion. Après tout, c'était le rôle non seulement le plus important, mais aussi le plus cool qu'il puisse espérer jouer un jour. Peut-être qu'il avait trop regardé de séries - il ne l'aurait avoué à personne, mais il reste un grand fan des séries nordiennes et de leurs héros sombres et hors limites. Il a beau savoir que ce sont techniquement des ennemis, ça reste des personnages forts, capables de se tirer de toutes les situations par la grâce de leur intelligence et de leur culot, capables d'encaisser les pires horreurs pour parvenir à leurs fins. Le jeune homme est dévoué à sa cause, bien sûr, mais il a vraiment espéré que la vie d'agent secret serait aussi palpitante que ça. Il a toujours su qu'il en était capable.

À présent, tandis qu'il entraine Abhaya vers le poste frontière, il a l'impression d'enfin accomplir une vraie mission. Il sourit, plein d'assurance, pleinement dans son rôle. Jouer le sudien pauvre, mais intelligent et loyal pour un agent du BAGN, c'était un demi-rôle, il a simplement utilisé sa propre vie et masqué son caractère et son véritable but. Une pseudo-star, c'est nettement plus drôle.

Il met toute l'arrogance possible dans son personnage pour fendre la foule des gens qui tentent d'embarquer. Menaces, promesses, tout est essayé auprès des agents de l'aéroport, y compris agiter directement des liasses de billets pour attirer leur attention. On voit des nordiens, essentiellement, expliquant à l'infini à quel point ils sont importants et doivent impérativement retrouver l'Alliance, et quelques sudiens richement vêtus qui ont fait jouer de leurs relations pour arriver jusqu'ici. Il faut un peu jouer des coudes pour se frayer un passage, mais finalement Yoro et Abhaya finissent par arriver jusqu'à la cabine du check-point.

"On ne passe pas, monsieur, répète mécaniquement un agent d'accueil épuisé.

À côté de lui, les agents de sécurité lourdement armés, leurs uniformes aux couleurs de l'enclave nordienne, tentent d'être menaçants par leur simple présence. Eux aussi, ça doit faire longtemps qu'ils sont sur le pont, à refouler des demandes suppliantes et des négociations acharnées.

Dans un grand geste théâtral, Yoro plaque leurs passeports et leurs deux laissez-passez contre la vitre de la cabine, et déclare tranquillement :

— Nous, on passe.

Le regard de l'agent fait des allers-retours entre les précieux documents techs et les visages de Yoro et Abhaya, comme s'il ne pouvait pas y croire. Le jeune homme sent sa passagère de plus en plus nerveuse à côté de lui, et décide de s'affirmer un peu plus :

— Qu'est-ce qui se passe, vous n'avez jamais vu de laissez-passer SRAM ? Est-ce que quelqu'un va se décider à faire un scan et nous laisser passer ? Est-ce qu'il reste au moins une personne qui connaisse son travail, dans cet aéroport ?

L'agent bredouille quelque chose et fait apparaître, sur le côté, le petit scanner rétinien qui attestera de leur identité. Abhaya enlève ses lunettes noires et s'y plie la première, avec l'aisance de l'habituée - ce qui est parfait, comme ça Yoro peut copier ses mouvements, il est censé être habitué aussi. Les documents sont également scannés.

L'agent d'accueil semble chercher quelque chose sur son ordinateur. C'est long. Vraiment long. Mais que peuvent-ils faire d'autre qu'attendre ? Autour d'eux, la foule impressionnée par leurs laissez-passer commence à commenter à voix plus ou moins basse. Yoro entend les mots faux documents et stupide. Mais il sait que ses documents sont bons - tombés de nulle part, sans doute, mais créés en suivant les programmes de sécurité SRAM. Si on ne peut plus se fier à la SRAM, on ne peut plus se fier à rien, c'est bien le credo des nordiens non ?

Les Techs - Tome 2 : la Quatrième Guerre MondialeWhere stories live. Discover now