Chapitre 3

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L'être humain est étrange. Il ne fait pas la différence entre une souris ou un rat, à part peut être grâce à la taille de ce dernier car il est plus imposant. Mais de manière générale, la plupart des hommes ne distinguent pas les deux espèces et Daphne en fait partie.
Par contre, entre un oiseau ordinaire et un volatile parlant, la différence en était presque surréaliste. Les lampadaires clignotaient dangereusement et la jeune fille se demanda si elle ne rêvait pas éveillée. Elle aurait souhaité rêver.
Soudain, un battement de tambour se fit entendre et une trompette tonna.

-Voilà le spectacle qui débute dans quelques instants, si vous le souhaitez, veuillez me suivre Demoiselle Daphne.

L'homme au masque et au costume bleu lui tendit une main au gant blanc dans un semblant de révérence parfait. L'adolescente s'était transformé en statue de sel, les yeux toujours perdus. La capuche sur ses cheveux, elle s'était acculée contre la paroi de la façade du chapiteau. Elle ne pouvait plus aller plus loin.

-Je crois qu'elle a peur.

L'oiseau ricana en affirmant cela. Il battit des ailes et s'approcha de Daphne qui se laissa glisser à terre, ses jambes ne répondant plus correctement. Il se posa devant elle , à même le sol. Son regard persistant était si brillant que la jeune fille détourna le regard, tout en se recroquevillant.

- Casper cesse ton jeu. Ne vois-tu pas que tu l'effraies davantage?

Sans blague? Daphne se demanda ce qu'il lui voulait au fond. Le terrain vague était tellement grand qu'elle n'aurait pas eu le temps de courir qu'on l'aurait déjà rattrapé. Quel idée d'aller à ce cirque, elle savait bien qu'elle n'aurait pas dû.

-Demoiselle Daphne, me faites-vous confiance?

C'était l'homme qui avait parlé. Sa voix douce la détendit imperceptiblement. Elle hocha la tête malgré elle.
Quoi? Non! Elle voulait refuser mais sa tête ne cessait d'acquiescer.

-Bien dans ce cas, donnez moi votre main. Et ne la lâchez pas, vous risquerez de perdre votre âme.

Sous les conseils de l'homme, Daphne s'empara de sa main avec une extrême hésitation. Au final, s'il lui avait voulu du mal, il lui en aurait fait depuis un moment. Mais sa dernière phrase l'interpella, l'inquiéta. Il la releva gracieusement et lui proposa son bras, qu'elle prit en observant, du coin de l'œil, l'oiseau sourire.

Il la conduisit doucement face au guichet où il toqua quatre fois:

-Océlia, un billet de dernier recours.

Le store se releva de quelques centimètres et une main se faufila en dessous pour secouer son index de refus.
Daphne ne put voir l'expression de l'homme, son masque ne laissait rien percevoir. Elle tenta également de se baisser pour apercevoir sous le store, le corps auquel se rattachait les deux bras.
Daphne s'accroupit et plissa les yeux afin de distinguer des formes.
Mais ce qu'elle vit n'était pas tout à fait ce qu'elle attendait. Elle faillit lâcher la main de l'homme mais celui ci accentua sa poigne.
Elle se redressa, les cheveux dressés sur la tête et avala sa salive. Les deux bras qui lui refusaient l'entrée flottaient sans aucune attache, indépendants.

-Ce n'est pas une demande, c'est un ordre. Je sais que tu en caches dans l'extrémité de ton gants.

Les deux mains se crispèrent et abattirent violemment leur poings sur la vitre. Daphne se recula vivement et se plaça derrière l'homme tout en tenant toujours sa main. Apparement ces bras nommés Océlia en avaient après elle. Les stores qui étaient toujours baissés jusque là se relevèrent et les craintes de Daphne devinrent concrètes. De corps, il n'y en avait point.

-Si tu refuses, j'en informerai Icare.

Derrière la vitre du guichet, la colère était à son comble. L'un des bras fouilla dans ses gants avant de jeter un ticket avec fureur sur le comptoir. Océlia devait sans aucun doute avoir un motif assez valable pour l'avoir donné malgré sa haine contre Daphne.

-Ne vous en faites pas, cet argument fonctionne à chaque fois. Elle est jalouse lorsqu'elle voit de belles femmes.

Daphne ne releva pas le compliment car son cerveau tournait déjà à plein régime. Des bras jaloux? On avait tout vu! Elle jetait tout de même un coup d'œil au guichet, on n'était jamais trop prudent. En effet, les deux bras tapotaient nerveusement le comptoir en bois du bout des doigts. Casper l'oiseau ricana de nouveau:

-Elle est surtout follement amoureuse d'Icar..

Il n'eut pas le temps de terminé la dernière syllabe qu'un fracas de verre s'écroula au sol. Aussitôt, les deux mains agrippèrent Casper et lui pressèrent le cou, inspirée d'une rage sourde.

-Arrête tes enfantillages Océlia et lâche le.

Casper crachota lorsqu'Océlia s'exécuta à contre cœur, fallait-il le dire. L'homme le prit au creux de sa main libre. L'oiseau lança un regard noir à la paire de bras avant de s'ébrouer les ailes. Daphne comptait dans sa tête, à 3 elle pourrait peut être s'enfuir loin de ce spectacle irréel.
Mais l'homme se retourna à nouveau vers elle et pencha la tête pour lui demander:

-Demoiselle Daphne, êtes vous prête à entrer dans Le Cirque Mystique? Vous pouvez refusez si vous le souhaitez, mais une fois à l'intérieur, vous ne pourrez ressortir avant la fin..

Ses plans et ses esquisses afin d'échafauder une fuite s'envolèrent en fumée lorsqu'elle croisa les yeux de l'homme. Leur profondeur lui firent hocher la tête et elle accentua sa poigne sur la main de son guide. Celui ci s'inclina en ôtant son couvre chef, dévoilant des cheveux flamboyants, d'un roux lumineux.

-Rideaux, ouvrez le passage, dit-il en se redressant.
-Mot de passe.. Demandèrent deux voix venant du lourd tissus sombre.

Daphne fronça les sourcils. Y fallait-il un mot de passe pour les spectateurs? Le lampadaire clignota légèrement et la lumière qu'il portait sur le chapiteau était faible. D'ailleurs celui ci devenait de plus en plus imposant. Le terrain vague avait un aspect inquiétant qui ne rassurait pas du tout la jeune fille qui s'accrochait à la main de l'homme, telle un bouée de sauvetage.

-Saute et dans ta chute, laisse toi pousser des ailes, affirma celui ci.
-En chantant.

Déjà que le mot de passe n'en était plus un, c'était carrément une phrase, les rideaux souhaitaient qu'il le chante. Océlia étant restée silencieuse durant tout ce temps, s'imposa en fonçant droit sur le rideau de droite. Elle tira de toute ses forces sur le drapée qui laissa échapper quelques plaintes de douleur. Daphne ne fut pas surprise lorsqu'ils s'écartèrent pour dévoiler le passage. Malgré sa rancoeur, Océlia venait de les aider.

-Rideaux, à l'avenir, n'abusons pas des bonnes choses.

Et ce fut sur ces paroles de l'homme que Daphne mit le pied dans le Cirque Mystique.

Le Cirque MystiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant