Chapitre 7

4.6K 791 59
                                    

L'adolescente crut halluciner. Les spectateurs avaient succombé au sommeil bercés par cette mélodie jouée par les jumeaux qui désormais s'approchaient à nouveau de son siège. Arrivé à sa hauteur, il penchèrent la tête de concert, ce qui donna un étrange résultat.

-Je m'appelle Yon.

Celui de gauche avait parlé. Celui de droite dit à son tour:

-Moi c'est Noy.

Daphne se demanda dans combien de temps on cesserait de l'entrainer dans un monde aussi fantasque et inquiétant mais apparemment, elle n'était pas prête d'en sortir car le serpent s'accrochait toujours à sa jambe.

-Qu'est-ce-qui t'es passé par la tête? Tu nous a gâché la fin du spectacle!

Pour toute réponse, le serpent remonta le long de sa jambe et tira la langue dans un long sifflement menaçant.

-Allons bon, c'est le moment de la laisser rentrer chez elle, répliqua l'un des jumeaux, les sourcils froncés.

Daphne acquiesça vivement, ravie d'entendre une parole censée depuis si longtemps. Soudain, le public se leva d'un bloc et se dirigea un à un vers la sortie dans un silence discipliné. Tous les spectateurs avaient les yeux clos et marchaient d'un pas serein. Devant l'air ahuri de la jeune fille, Noy lui précisa:

-Il sont dans un état de somnambulisme profond. Ils rentreront chez eux et se réveilleront normalement demain. Ne t'inquiète pas pour eux.
-Noy, il faut la ramener avec nous. Lee ne se détachera pas de lui-même, s'inquiéta Yon.
-Impossible.
-Qu'est ce que tu vas faire alors? Rester les bras croisés?
-Non Yon, je vais récupérer ce maudit serpent!

Daphne fronça les sourcils. Elle ne comprenait absolument rien de ce que disaient les jumeaux. Elle comprit seulement que Lee était le reptile rampant. Noy s'accroupit et tenta de déloger le reptile qui coriace, refusa en enserrant la jambe de plus belle.

-Quelque chose ne va pas les enfants?

Ils se tournèrent tous vers la voix et virent la poupée grandeur nature qui se penchait vers eux, le visage inquiet. Elle s'étonna lorsqu'elle reconnut Daphne. Et elle entrouvrit sa bouche parfaite d'incompréhension lorsqu'elle vit le reptile bien décidé à faire corps avec la jambe de l'adolescente. Yon s'écria :

-Oh Zalie! Lee ne veut pas laisser cette fille tranquille!
-Mais pourquoi? Dit-elle, contrariée.
-Je n'en sais rien non plus. La dernière personne à qui il s'était accroché, c'était Icare.
-Je m'en souviens.. Ne devrais-tu pas justement convoquer tous les autres? Je pense que cela s'impose si Lee ne décide pas de la libérer.

La pauvre jeune fille en question en avait assez . Elle insulta mentalement le reptile qui l'avait pris en otage. Le serpent leva la tête et la fixa intensément comme pour sonder ses pensées. Daphne avait la désagréable sensation qu'il lisait en elle car il hocha la tête sans la quitter du regard. Elle s'accrocha aux bordures de son siège et retint sa respiration. Nom de dieu..

-Excuse moi, pourrais-tu nous suivre? Nous te libérerons juste après, promit Zalie.

L'adolescente lui adressa un regard vide d'expression, hochant la tête mécaniquement. Elle tenta de se lever et fit quelque pas. La dénommée Zalie lui tendit sa main manucurée pour l'aider, ce que Daphne déclina non sans faire attention de ne pas tomber. En tête du cortège, Yon et Noy se tenaient la main . Ils se dirigèrent vers la porte de sortie par laquelle elle était entrée accompagné par Zalie. Dans le couloir, des flambeaux les éclairaient toujours. La poupée demanda tout à trac:

-Que va penser Evide?

Les jumeaux firent une moue dubitative, Daphne ressentit la tension. Zalie marchait tout en contemplant les murs richement tapissés, les reflets de sa chevelure tendaient vers l'or pur, on ne pouvait qu'envier sa beauté sculpturale. Les deux frères arboraient quand à eux une tignasse brune et des yeux verts qui pétillaient d'une lueur étrange. Ils ne devaient pas dépasser les douze ans.

Le couloir était interminable et Daphne commençait à fatiguer, d'autant plus que le serpent enroulé autour de sa jambe ne lui facilitait pas la tâche. Zalie se tourna vers elle, l'air songeur. De ses immenses yeux clairs, elle la détailla. L'adolescente sentit soudain une gêne d'être ainsi déshabillé par le regard de cette poupée. Celle-ci scrutait sans détour le visage, le corps, les courbes de Daphne.

Ils arrivèrent enfin devant une énorme double porte aux reliures dorées. Le chambranle était serties de métaux précieux et la poignée d'un gros diamant incrusté. Les détails de la porte étaient si précis et harmonieux que Daphne se demanda combien d'heures cette porte avait exigé pour voir le jour. La partie gauche à elle seule valait au moins plus que toute la richesse de la ville réunie.

De la même manière que Zalie l'avait observée quelques instant plus tôt, Yon et Noy la fixèrent intensément. Puis la poupée se plaça face à la porte et introduisit le pouce dans le gros diamant. Un cliquetis puis un rouage subtil permit à la porte de s'ouvrir comme par enchantement.

Daphne émerveillée par le spectacle n'entendit pas tout de suite les rires. Les jumeaux ricanaient en voyant son expression à la simple ouverture d'une porte. La jeune fille se fit tout d'abord impénétrable et au bout de quelques secondes, elle leur adressa l'esquisse d'un sourire mystérieux. Les jeunes frères demeurèrent interdits face à ce rictus indéchiffrable. Zalie les interrompit dans leur pensées:

-Allons-y.

Puis s'adressant à Daphne:

-Es-tu prête?

Le Cirque MystiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant