Chapitre 38

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Le train des Brumes, l'unique moyen de locomotion pour atteindre le siège du Conseil. Construit sous l'injonction du gouvernement, le quai fut inauguré il y avait plus de dix ans. Il faisait à présent parti du réseaux de grandes lignes mais l'arrêt d'Anthipolis suscitait la fascination jusqu'à aujourd'hui. Alors souvent, des voyageurs y organisait des escapades ou de simples curieux y faisaient une halte. Les avis dithyrambiques sur l'architecture originale de la cité et les paysages bucoliques n'étaient pas tombé dans l'oreille de sourds et convainquit l'état de faire alliance avec le Conseil général. Le tourisme exploitable était alors bénéfique aux deux partis.

Daphne était à l'orée du quai des brumes et observait les lieux avec une avidité certaine. Son regard se baladait de la grande horloge murale sculptée aux quais bondés. Ça hélait, ça riait, ça s'esclaffait et ça attendait tout autour. Le train venait d'entrer en gare, prêt à accueillir les voyageurs impatients. La locomotive offrait un spectacle imposant, éclairé par les lampadaires ciselé de la gare. La fumée qui s'échappait de la cheminé rappela à Daphne les cigares qu'Évide fumait constamment. Ce dernier s'entretenait avec un des contrôleurs au physique ingrat.

La jeune femme en prenait plein les mirettes, les rampes d'escaliers cristallisées la rendait admirative ainsi que les voûtes et les dorures miroitantes. Sur un mur en granit, elle aperçut l'affiche du Cirque Mystique. Malgré elle, elle fut envahie d'une soudaine fierté. Puis elle avisa d'autres affiches qui lui était inconnue, toutes plus pittoresques les unes que les autres. Elle n'eût le temps de s'y attarder car Owl la héla subitement:

-Daphne, nous y allons.

Elle embrassa la gare des yeux une dernière fois et suivit le messager qui lui offrit son bras. Elle y passa le sien avec un plaisir qu'elle dissimulait à grand peine. Ils rejoignirent Évide et Wooden qui surveillaient et tenaient bien à eux seuls les deux fauteuses de trouble en respect. À présent loin de toute adrénaline, Tiffen et Ysle se ratatinaient sous l'oeillade animale du directeur du Cirque. De surcroît, Wooden avait le gabarit pour effrayer quiconque tenterait de remuer. Pourtant, Sown était difficilement impressionnable et ne se sentait pas coupable pour un sous. Alors il sifflotait et s'amusait à tirer sur les ficelles de la patience, jaugeant attentivement les deux hommes. Il n'attendait plus que la ficelle craque subitement.

-Owl, chuchota soudainement Daphne.
-Oui? Lui répondit-il sur le même ton.
-Était-ce nécessaire que je fasse parti du voyage?

Le messager acquiesça, prêt à lui fournir les informations dont elle avait besoin.

-Chaque nouvelle recrue doit être présenté au maitre du Conseil au plus vite. C'est lui et tout les autres membres qui ont établit cette loi qui ne concerne pas seulement le Cirque d'ailleurs.
-Lui? Mais de qui s'agit-il?
-Il s'agit de Rimec Ambrose, le père de ce vaurien de Sown. C'est celui qui dirige absolument tout ce qui se passe à Anthipolis ainsi que les extensions qui y sont reliées.

Daphne laissa son regard vagabonder sur le dit vaurien, elle ignorait qu'il possédait une si bonne position sociale.

-Mais il n'est pas le seul aux commande, n'est ce pas?
-En effet, chaque extension possède son propre directeur qui fait lui même parti du membre du Conseil, au côté de Rimec. Comme Évide avec le Cirque Mystique.

Les portes du trains s'ouvrirent dans un discret coulissement alors que la jeune femme écoutait attentivement Owl. Tel un essaim d'insecte, la foule grouillante s'amassa près des portes tandis que l'air frais s'engouffrait dans les wagons. Insouciants, des bambins jouaient à se cacher dans les jambes de leurs parents alors que des couples se tenaient tendrement par la taille. Daphne baissa instinctivement le regard sur son bras qui enlaçait celui d'Owl. Discrètement, elle se permit une pression supplémentaire et se rapprocha imperceptiblement de lui. Deux messieurs s'avancèrent vers eux et Wooden chuchota à l'oreille d'Évide avant d'aller à leur rencontre.

-Qui est-ce? Demanda la peintre, étudiant l'impressionnant gabarit de ces deux messieurs.
-Des agents envoyé par le Conseil. Nous avons le droit à un petit traitement de faveur, lui avoua-t-il en lui offrant un clin d'oeil taquin.

Les deux agents portaient tout deux un long képi grisâtre et y semblait bien serrés. Leur lourde démarche accroissait surement leur désagrément. Leur yeux de fouine les inspectaient à tour de rôle et tout deux reportaient de courtes notes sur un petit carnet. De vrais agents zélés.

-Que notent-t-ils? S'enquit à nouveau Daphne.
-Le nombre exact de voyageur dans notre groupe. Rimec tient à être au courant de tout.
-Je vois, murmura-t-elle.

On les invita enfin à enter dans la locomotive et elle attendit qu'Owl lui propose de l'accompagner pour s'avancer. Tiffen et Ysle étaient négligemment poussées dans le train par l'un des agents, surement un ordre net et précis d'Évide.

-Ne savez-vous pas qui je suis? Et c'est ainsi qu'on me traite?! S'égosilla la blonde Tiffen. Je le ferais savoir à mère, il y aura des répercutions!
-Épargne nous ta salive et entre, tonna l'agent d'une voix caverneuse. 

Cela eût le don de lui faire ravaler ses piaillements. L'agent aux rudes manière s'occupa également du cas de Sown qui lui interdit de le toucher s'il tenait encore à sa vie.

-Elle est parfois si courte, gazouilla-t-il, l'air de rien.

Et il entra dans le wagon par ses propres moyens. Avant de rentrer à son tour, Daphne remarqua que Wooden s'entretenait toujours avec l'un des deux agents. N'avait-il pas fini d'échanger des banalités? Elle profita d'être en compagnie d'Owl pour lui extorquer des informations, il n'était pas avare de détails contrairement à Angelo et Korell.

-Ils sont décidément bien bavards...
-Ils échangent certainement des banalités, lui apprit-il. Ce sont de vieilles connaissances.
-Tu connais décidément bien des choses Owl.

Ce dernier sourit, amusé.

-Si je ne connaissais pas le minimum des rouages de nos organisations, j'aurai bien du mal à y vivre en tant que messager.
-J'aimerai que tu m'apprennes.
-Je t'y aiderai, lui répondit sincèrement Owl.

Et Daphne lui en fut grandement reconnaissante. Le train allait fermer ses portes. Évide était resté sur le quai et terminait le bout de son cigare. Les volutes de fumée tourbillonnaient et s'enroulaient dans d'agréables tourbillons opaques dans l'air refroidis de la gare. Quand il eût jeté ses mégots, il jeta un coup d'oeil derrière lui et il monta dans le train. Il était temps de partir.

Le Cirque MystiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant