Chapitre 8

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Les bougies. Ces simples objets fascinaient Daphne. Dans sa jeunesse, elle en avait avalé une entièrement. La cire lui avait donné des maux d'estomac toute la journée mais de cela, elle n'en avait eu cure car la semaine suivante, ce fut le même manège. Jusqu'à ce que sa mère s'en rende compte et cesse d'en acheter.

Lorsque Daphne entra dans la sombre pièce suivie de Zalie et des jumeaux, ce qu'elle vit en premier était des dizaines de bougies sur sa droite posées à même le sol. Elle avait débarqué dans une sorte de grand bureau à la limite du personnel d'où flambait une cheminée. Depuis quand ce genre de pièce existait-t-elle au sein d'un cirque?

Puis son regard fit un tour d'horizon car elle se rendit compte qu'elle n'était pas seule. Près des bougies, le bel illusionniste blond lisait un livre. À son entrée, il leva son doux visage. Assise à ses pieds, Océlia était vêtue d'une robe noire aussi somptueuse que les pierreries qui ornaient ses oreilles et sa nuque. Tout deux la fixaient.

Au centre de la pièce, il y avait un bureau imposant derrière lequel se trouvait un homme au longs cheveux noirs. Ses pupilles ocres dégageait un vif intérêt. Une plume de paon à la main, il écrivait sur une feuille. De son autre main, il tenait un verre à pied où s'y prélassait un liquide pourpre. Un sourire orna ses lèvres aussitôt qu'il la vit.

Debout, derrière lui se trouvait une femme au courbe généreuses. Ses mèches de cheveux auburn étaient réunies en un chignon impeccable mettant en évidence ses yeux félins. Sa bouche ourlée invitait aux baisers et ses épaules dénudées étaient constellées de tâche de rousseur, son buste et le reste de son corps disparaissaient dans une longue robe aussi sombre que la lie du vin. Elle plissa imperceptiblement ses yeux bleus en apercevant Daphne.

À sa gauche, Daphne vit l'homme qui l'avait guidé. Il portait toujours son costume bleu mais avait retiré son couvre-chef. Adossé à une bibliothèque, il avait les bras croisés et son fidèle oiseau sur l'épaule. Son roux était toujours aussi éclatant et ses yeux fascinants. Il lui adressa un bref signe de tête en guise de salut tout en ne la lâchant pas du regard. À ses côtés, une fillette d'environ 9 ans. Habillée d'une simple robe blanche, elle ressemblait à un petit ange.

Puis pour clore le bal, un nuage de fumée. Elle rencontra derrière les volutes, des orbes couleur ébène qui la firent frissonner. Elles appartenaient à un homme au visage fin mais aux traits creusés. Il fumait un cigare cubain qui aurait fait pâlir d'envie les amateurs d'opium. Sa chemise entrouverte et sa cravate coupée lui donnait une apparence négligée mais ses cheveux cendrés soigneusement coiffés dénotait du contraire. Les jambes croisées, il caressait du bout des doigts un paon sublime. Il observait la démarche et les gestes de Daphne avec un calme trompeur. Il attendait une explication. Zalie alla droit au but:

-Lee ne veut pas se détacher.

Tous les regards convergèrent alors sur le serpent qui avait élu domicile sur la jambe de Daphne. Le séduisant illusionniste demanda alors:

-Il s'est enfuit de scène?
-Oui, nous avons dû écourter notre numéro.

L'aveu des jumeaux provoqua le froncement de sourcil de l'homme au cigare. Il demanda alors d'une voix grave:

-Vous n'avez donc pas terminé votre numéro ?
- Nous sommes désolés Évide, dit l'un des frères.
-Si être désolé servait à réparer nos torts, nous le serions tous.

Écrasant le bout du cigare enflammé sur le dos du paon qui poussa un cri, il fixa son regard irréel sur l'adolescente.

-Bonsoir étrangère. Quel est ton nom?

Daphne sentit le serpent remonter le long de sa jambe et camper sur sa cuisse. Elle sentit alors son cœur battre plus fort. Elle ne put répondre au salut d'Évide et se contenta de lui rendre son regard.

-Parle!

L'ordre qui avait claqué dans les airs fit sursauter la jeune fille. Elle remarqua qu'à présent, Zalie et les jumeaux se trouvaient face à elle, avec les autres.

-Est-elle idiote?

Océlia fit la remarque, ricanant à gorge déployée. Ses lèvres scintillaient d'un éclat métallique ainsi que les boucles qui pendaient à ses lobes. Le dédain se lisait sur son visage.

-Je ne pense pas qu'elle le soit. Lee ne se serait pas entiché d'une sotte.
-Très bien Owl, explique moi pourquoi elle ne prononce pas un mot? Ne connaîtrait-elle pas son alphabet?

Owl esquissa un sourire avant de hausser un sourcil roux en direction de Daphne. Celle ci s'était murée dans un silence opiniâtre. L'homme aux mèches cendrées lui demanda:

-Ne veux-tu toujours pas parler?

L'adolescente secoua la tête. Évide la sonda alors encore plus, les prunelles glaçantes d'un noir de jais. Il porta à sa bouche son cigare et toujours lié au regard de Daphne, il expira la fumée dans un geste extrêmement maîtrisé et sensuel. La jeune fille fut surprise du charme que dégageaient toutes ces personnes. C'en était presque palpable.

Évide caressa le dos du paon qui comprit le message et descendit maladroitement de ses genoux. Décroisant les jambes, il s'accouda plus confortablement.

-Approche.

Daphne hésita à avancer quand Évide pointa vers elle son index serti d'un rubis. Lorsqu'il le replia, l'adolescente n'eut pas le temps de dire "ouf" qu'elle se retrouvait à ses pieds attirée à lui par une force immatérielle. Lee se manifesta en persifflant sauvagement vers Évide qui, pour toute réponse, lui expira de la fumée dans les yeux. Le serpent, aveuglée, délaissa la cuisse de Daphne comme pour un prédateur redoutable.

-Faut-il te forcer à parler?

Il s'était penché en avant pour lui saisir le menton. Elle secoua la tête de nouveau, c'était la réponse la plus censée.

-Eh bien qu' attends-tu?

Leurs visages se rapprochèrent imperceptiblement. L'adolescente continuait à le défier du regard. Alors il expira également de la fumée sur son visage, la vit fermer les paupières et tousser violemment. Elle reprit sa respiration et dit, pour la première fois d'une voix étouffée:

-Je suis Daphne Merin.

Le Cirque MystiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant