Chapitre 5

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Un battement d'ailes et Casper s'évanouit dans les airs, son rire criard en écho contre les parois. La jeune fille frissonna. Puis secouant la tête, elle se pinça aussi fort qu'elle le put pour s'éveiller enfin de ce mauvais rêve. Elle réalisa que les murs s'étaient de nouveau dangereusement rapproché. Les deux façades allaient la réduire en bouillie si elle ne se pressait pas rapidement. Elle comprit que son temps était compté. Elle s'apprêta donc à se ruer sur l'énorme porte quand ses bottes s'embourbèrent dans ses propres traces de pas. Ils étaient devenu des sables mouvants.

Secouant ses pieds, Daphne jeta un regard fou aux deux murs qui s'apprêtaient à la réduire à néant. Le tout pour le tout, elle se déchaussa avec l'énergie du désespoir et courut à en perdre haleine jusqu'à la porte qu'elle ouvrit à la volée. Laissant derrière elle, bottes, murs assassins et traces de pas mouvants. Elle la referma aussitôt et posa son front contre le heurtoir. Elle hoquetait à présent, s'efforçant de respirer calmement. Le danger était passée désormais, elle se décolla de la porte et passa la paume de ses mains sur son visage.

-Veuillez me suivre s'il vous plaît.

De frayeur, elle faillit frapper l'auteur de ses paroles. Elle s'arrêta net.

Devant elle, se tenait une poupée à taille humaine. Dans un uniforme dorée, celle-ci ouvrait d'immenses yeux clairs. Ses cheveux platines luisaient et ses traits étaient délicats, sculptées comme dans du biscuit. Plus élancée que Daphne, elle se pencha vers l'adolescente et renouvela d'une voix légèrement aiguë.

-Veuillez me suivre mademoiselle. Vous êtes en retard.

Daphne opina du chef et décida de suivre cette poupée de porcelaine devant elle. Intriguée par la perfection de ses traits, la jeune fille reporta son attention sur son costume de scène.

Cette fois, elle avait atterri dans un long corridor tapissé de tentures aux couleurs chaudes et apaisantes, donnant sur une multitudes de portes. À croire que l'architecte eut l'obsession de flanquer des entrées et des sorties partout où cela était possible. Des pieux aux mur flambaient, éclairant ainsi le passage. Un tapis rouge au sol crissait sous les pas feutrés de la poupée, affublée d'escarpins vertigineux. L'adolescente était, quant à elle, nus pied, ainsi elle bénéficiait des caresses du tapis aux longs poils. Daphne se sentit lasse tout d'un coup, éreintée par le début de soirée mouvementé qu'elle dut vivre. Elle n'en était qu'au début. La poupée devant elle s'arrêta. De sa bouche pulpeuse, elle dit:

-Je vous souhaite un bon spectacle. Les téléphones sont interdits ainsi que les appareils électroniques.

Puis elle sourit, un sourire mécanique, avant d'ouvrir la porte de ses doigts fins manucurés. C'est ainsi que Daphne découvrit enfin la scène du cirque. La clarté sombre l'enveloppa et la jeune fille scruta la foule. Elle ne savait pas combien de numéros elle avait raté mais elle tenta de trouver une place dans ce magma. Elle joua des coudes mais ne put trouver de siège. À son passage, elle n'entendit que des grognements d'insatisfaction. Plus elle avançait, moins elle ne trouvait de place.

Elle déboucha, dans la fosse, tout près de la piste, expulsée par des spectateurs exaspérés. Ce qu'elle y vit lui plut immédiatement.

Un orchestre était sur scène, un orchestre sans musicien. Il n'y avait que les instruments. Ils étaient au complet, en passant par la famille des vents, cordes, cuivres et des percussions. Tous posés sur leur socles respectifs attendaient quelque chose, ou plutôt quelqu'un. À ce moment, la foule vit apparaître au centre de la scène un jeune homme dans un nuage de fumée. Longiligne, il arborait une longue chevelure d'un blond si étincelant que cela rappelait l'astre lumineux.

Daphne crut apercevoir des yeux d'un vert mordoré. Un simple pantalon noir serré et une chemise pirate blanche sans ceinture l'habillaient, une cape de plumes ivoire descendait le long de son dos. Les larges manches flottaient autour de lui dans un mouvement aérien. L'homme s'inclina respectueusement en jetant un regard circulaire sur toute la foule. C'est ainsi que la jeune fille put voir qu'il était jeune, à peine sortit de l'adolescence. Elle entendit ses voisines se pâmer d'aise et d'admiration face à la rare beauté de ce jeune éphèbe. Daphne reconnut tout de même qu'il possédait cette beauté si singulière et elle ne put détacher son regard de sa personne.

Il effleura de ses main le clavier et des notes de piano résonnèrent dans le silence du chapiteau. Les touches de piano se mouvaient seules, les mains du jeune homme en était le marionnettiste. À la litanie de l'instrument à corde, le triangle vint s'ajouter à cette mélodie minimaliste accordant des notes aiguës, suspendant le temps par des silences. Puis un cor résonna qui électrisa l'assemblée et enfin l'ensemble des trompettes et des flûtes se mirent à jouer sous les mains expertes du jeune homme.

Ce maelström de mélodies donna le tournis à Daphne qui luttait pour ne pas sombrer. De plus en plus forte, la musique animait des images devant les yeux des spectateurs.

Daphne se trouvait face à un ravin où le crépuscule peignait le ciel de son dégradé coloré. Soudain, des gouttes bleus foncées vinrent tâcher le beau tableau. Daphne se rendit alors compte où elle se trouvait exactement. Sur un pont et autour d'elle, des clones de... ses parents! Des dizaines, des centaines, il y en avait à profusion qui semblaient ignorer sa présence. En fond sonore, le cor, les trompettes et le grosse caisse imposait un rythme assez désagréable, même inquiétant invitant à la chasse à.. l'homme! D'ailleurs, c'est ce qui se produisit car soudain, un clone de sa mère la vit et hurla en la désignant du doigt:

-Une intruse!

Le cri se fit strident. Une chasse fut ouverte. La jeune fille frissonna, elle savait qu'on ne serait pas tendre. Tous les clones de ses parents s'apprêtèrent à sauter sur elle, l'air carnassier et vindicatif. Elle rendait les armes quand soudain, le pont de bois sur lequel elle se trouvait l'aspira. Puis elle se sentit cotonneuse, comme si elle avait somnolé car Daphne se trouvait de nouveau face à scène du cirque. Elle comprit ce qui s'était passé. En réalité, le jeune homme était un illusionniste, il leur avait transmit des émotions à travers sa musique. Ce beau jeune homme avait fait voyager leur imagination, basculer leur inconscient.

Mystique était bien le mot qui le décrivait...

Le Cirque MystiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant