Chapitre 41

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Ils mirent le pied à terre dans la matinée. La gare d'Anthipolis avait une particularité agréable, elle était à ciel ouvert. La nature aux alentours était florissante, offrant un aspect champêtre aux quais bétonnés et à la façade de pierre. Daphne sentit aussitôt qu'elle était ailleurs, elle n'avait de mot pour expliquait ce qu'elle ressentait à cet instant. Elle n'avait pas seulement voyagé physiquement, son âme se trouvait aussi dans un nouveau lieu. Le soleil matinal s'était accrue et lovait le paysage de ses rayons, gorgeant les herbes folles de chaleur. En ces lieux, il semblait que le printemps ait  timidement prit le dessus sur l'hiver, amenant avec lui les temps doux et les cris satisfaits des oiseaux. À l'horizon se découpait une immensité d'eau à perte de vue. Elle était absolument dépaysée. Afin d'échapper à la flopée de touriste qui descendaient du train, le groupe s'octroya le luxe d'une sortie privée, il y avait réellement des avantages à être en lien avec le conseil. Accompagnés d'un nouvel agent en uniforme plus aérien, ils débouchèrent sur une allée dégagée et proprement entretenue. Un jeune garçon les attendait là et lorsqu'il se tourna vers eux, Daphne le reconnu aussitôt.

-Bonjour Haru, s'enquit Évide.

Haru exécuta un signe de tête expéditif s'apparentant à un signe de respect.

-Bonjour. Veuillez me suivre s'il vous plait, le manoir est par ici.
-Mais nous connaissons déjà le chemin, geignit Sown, trainant délibérément des pieds.

Sans même faire cas de sa présence, Haru s'éloigna à grande enjambée laissant le capricieux ruminer de sombres desseins de vengeance. Wooden fut satisfait et sourit, sardonique alors qu'Évide l'avait précédé de quelques pas. Vint alors les deux danseuses qui se soutenaient mutuellement dans leur malheur et avançaient derrière le directeur du Cirque. Tiffen ne pouvait s'empêcher de jeter quelques oeillades par dessus son épaule et se complaire dans la contemplation d'Owl.

Ses cheveux roux s'étaient éclaircis sous la vive lueur du jour, semblable à un feu indomptable qui la fascinait encore aujourd'hui. Elle était bien maladroite mais que ne donnerait-elle pas pour revenir quelques mois auparavant. Les souvenirs qu'ils avaient vécu tout deux étaient  semblable à un trésor qu'elle chérissait jalousement mais son souhait d'en créer de nouveaux ensemble semblait compromis. En effet, le spectacle qui se déroulait sous ses yeux n'était nullement propice à la reconquête. Owl ne la regardait pas, son attention semblait plutôt attirée par une autre.

-Cette garce n'a pas froid aux yeux!  Cracha Ysle.

De frustration, Tiffen serra les poings car elle était dans l'impossibilité de réagir. Elles étaient déjà dans une mauvaise posture et une seule épée de Damoclès, lourde de surcroît, était suffisante; inutile d'aggraver leur cas. Pourtant à la vue d'une Daphne bras dessus, bras dessous avec l'homme de ses pensées, une vague de rancoeur la frappa de plein de fouet et emporta les prémices d'une nostalgie nouvelle. Fin observateur, Sown n'en perdait pas une miette et son visage se fendit en un sardonique rictus. Décidément, l'amour était une faiblesse fertile et exploitable. Owl, à mille lieu de se douter d'être le centre d'une attention poussée, paraissait morose.

-Voyons, c'est évident que tu n'es pas dans ton assiette, affirma catégoriquement Daphne.

Owl soupira et insista à nouveau:

-Certainement la fatigue.
-Je ne te crois pas.
-Je suis irritable lorsque j'ai sommeil.

Daphne haussa un sourcil, irritable et Owl était deux mots diamétralement opposés. 

-Je sais bien que ce sont les deux nouveaux qui te tracasse. Pourquoi?

Il ne répondit pas. Alors Daphne cessa d'insister, promettant qu'ils remettraient cette discussion sur le tapis plus tard. Pourtant elle ne pût s'empêcher de constamment l'observer à la dérobé ce qu'il ne tarda pas à remarquer. Il se composa un aimable sourire et incita Daphne à en faire autant.

-Cesse de te faire du soucis pour moi. Profite plutôt de la visite, c'est la première fois que tu mets les pieds ici.

Et il accentua sa poigne sur la main de la peintre qui suivit aussitôt son conseil, s'évertuant à masquer son soudain trouble. La légère bise lui rafraichit les idée et fit danser les herbes semblable à de la soie, un ruisseau tinta doucement à leurs oreilles. Il s'agissait d'une accalmie bienvenue car au bout de l'allée, le groupe déboucha sur la galerie marchande de la cité d'Anthipolis.

Le calme rural de la nature se mua en une terrible cacophonie car de ça et là des touristes visitaient la cité avec allégresse. Des boutiques de souvenirs étaient prises d'assaut et de bruyantes échoppes ambulantes proposaient la dégustation de spécialités locales. Des lampions décoraient les devantures des maisons et les rires à chaque ruelles concédait une félicité bienvenue à l'avenue marchande. À l'affut du moindre détails, Daphne appréciait véritablement la visite. Elle se pencha vers Owl et lui avoua à mi-voix:

-Pour tout t'avouer, j'ignorais l'existence d'Anthipolis. J'ai légèrement honte à présent.
-Il vaut mieux tard que jamais n'est ce pas? Lui répondit-il taquin.

Et Daphne poursuivit sa flâneuse observation. Se faufilant parmi la foule, Haru suivait sa trajectoire sans dévier tout comme ceux qui connaissaient les lieux au préalable. Toutefois, le sens de l'orientation de Daphne était au point mort et elle dût s'en remettre à Owl qui intimait silencieusement aux deux nouveaux de se mettre à leur niveau. Riu et Thaïs étaient également à la traine, perdus et trop occupés à se familiariser avec les lieux. Il fallait dire que les ruelles de la cités étaient semblable à un enchevêtrement de détours confus.

Toutefois, Daphne en vit le bout lorsqu'ils escaladèrent un long escalier de pierre, surplombant alors les rues et les maisons d'Anthipolis. Elle prit une bouffée d'air pur devant la vision en hauteur de cette large ville aux allures de dédale. Quand Owl lui saisit la main pour qu'elle suive le mouvement, elle avisa les imposantes statues en granit sombre de sept hommes. Il lui sembla que les traits de ces patriarches ne lui étaient pas inconnus mais son esprit avait beau vouloir se rappeler, cela ne revenait pas à sa mémoire.

-Voici la place principale de la ville, l'informa brièvement Owl. Elle est agréable pour s'y promener.

Au sein de cette place, une charmante fontaine rafraîchissait certains badauds flâneurs et faisait le bonheur des plus jeunes. Les cris espiègles des enfants se perdaient joyeusement dans les airs. Ils durent traverser un pont en bois pour accéder au fameux manoir où siégeait le conseil et Daphne fut prise d'une fébrilité à l'idée de découvrir le centre névralgique de cette nouvelle société. Le rideau de mystère résolument baissé allait certainement s'entrouvrir pour son plus grand plaisir.

Le Cirque MystiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant