Chapitre 9

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"Les yeux sont les miroirs de l'âme". Cette devise, Daphne l'avait maintes et maintes fois entendue. Il fallait dire que dans sa ville, ce proverbe fonctionnait parfaitement. Ses camarades et ses voisins étaient des livres ouverts. La jeune fille savait parfaitement déchiffrer ce langage visuel.

Or, ici elle était désemparé. En effet, face à l'homme aux yeux ébènes, elle ne percevait rien. Évide était peut être dénué d'âme pour être aussi indéchiffrable. Suite à sa réponse, il lui avait lâché le menton et lui avait adressa un sourire.

-Bien Daphne. Pourquoi notre reptile t'a-t-il approché?

Daphne haussa les épaules tout en jetant un coup d'œil à Lee qui s'était caché derrière Owl.

-Avais-tu des objet sur toi?

Elle secoua de nouveau la tête. Elle n'avait rien de personnel. Pas de clef, de porte- monnaie. Même ses bottes avaient été englouties par les sables mouvants du corridor menaçant.

-Qui t'envoie?

-Personne, dit le serpent.

Celui-ci avait répondu. Sa voix vibrant dans l'air, il sortait sa langue fourchue. Ses écailles vertes luisaient à la faible lueur des bougies lorsqu'il rampait. Il s'approcha de Daphne et longea son échine jusqu'à entourer ses épaules. Face à Évide, son contact en était presque rassurant.

L'illusionniste referma alors son livre en un geste décidé tout en décroisant lentement ses longues jambes. Ses cheveux solaires captaient le reflet des bougies lorsqu'il se leva et Daphne put pleinement apercevoir sur son torse un médaillon richement ornée . Arrivé à sa hauteur, il lui demanda d'une voix douce:

-Vous permettez mademoiselle?

La jeune fille hocha la tête, interdite. De ses longues mains, il caressa l'échine du serpent qui se crispa puis murmurant des paroles incompréhensibles, l'étreinte du reptile se relâcha pour enfin délivrer Daphne. Il s'empara de Lee avec précaution et l'enroula le long de son cou.

-Il dort.

Stupéfaite, l'adolescente le suivit du regard lorsqu'il retourna à sa place. le plus naturellement du monde. Évide lui adressa un hochement de tête:

-Merci Icare.

Ainsi donc, c'était lui le fameux Icare dont Océlia était éprise. Daphne plissa les yeux pour mieux le détailler. Il portait à présent une chemise aux manches bouffantes dans un pantalon noir serré mettant en valeur sa silhouette élancée. Ses bottes en cuir noir complétait sa tenue empreinte d'un certain romantisme. Icare posa le serpent sur le large bureau derrière lequel l'homme au cheveux longs savourait une gorgée de ce nectar. La plume de pan se joignit à l'encrier lorsqu'il dit:

-Évide, il faut qu'elle rentre chez elle maintenant.

Daphne se sentit démunie face à toutes ces personnes, toutes plus étranges les unes que les autres. Le feu dans la cheminée crépitait avec ardeur, donnant à l'adolescente des bouffées de chaleur. Les cheveux cendrés d'Évide lui tombait à présent sur le visage et il la fixait à travers de longs cils. Daphne se surprit à admirer sa beauté mature. Un magnétisme certain émanait de cet être mystérieux.

-Je le sais Wooden. Owl, raccompagne là.

Son premier guide replaça ses gants blancs et échangea un regard furtif avec Casper. Puis d'un pas mesuré, il s'avança vers Daphne qui était toujours auprès de l'homme aux cigares. Le roux lui tendit son bras et lorsqu'elle s'apprêta à le tenir, Évide ajouta:

-Nous allons nous revoir Daphne. Sois en certaine.

La dernière phrase la fit frissonner. De plus, ses prunelles semblaient receler des promesses mais le sourire qui se dessina sur son visage ne reflétait rien de bon. Reculant instinctivement, elle manqua de trébucher sur le paon qui effectuait la roue devant son maître, elle s'accrocha au bras de Owl qui la retint fermement. Ce maelström de couleur et la chaleur ambiante suffirent pour qu'elle sente ses paupières lourdes et tombe dans un sommeil profond.

La dernière chose qu'elle perçut furent les bougies qui flambaient dont la cire chaude dégoulinait sur le sol.

***

Sur le chemin du lycée, la jeune fille somnolait. Elle avançait sans savoir vraiment où elle mettait les pieds. Les souvenirs de la veille lui revenaient en pleine mémoire aussi violemment que des vagues qui s'écrasaient sur une falaise. Du refus à l'entrée du cirque jusqu'à l'étrange bureau où elle avait atterri. Elle traversa le passage piéton péniblement, le dos voûté. Elle arriva au lycée au ralenti. Dans les couloirs, elle était tellement épuisée qu'elle ne fit pas attention lorsqu'elle marcha sur les lacets de la personne devant elle. Elle soupira lorsqu'elle la reconnu. Toutou s'était retourné, le regard aussi glacial que si on lui avait volé ses croquettes. Elle lui aboya dessus sans mettre de filtre afin de diminuer le volume sonore et Daphne sentit une migraine poindre. Ses mains sur ses tempes, elle se détourna afin de l'ignorer. Malgré cela, Toutou la coinça au mur en plein milieu d'un couloir. Sa camarade alias Fourre tout montra le bout de son nez et elles balancèrent leur chevelure derrière leur épaule de manière synchronisé.

-Tu penses jouer la meuf cool! Alors qu'en fait t'es rien du tout!

-Tu veux nous ignorer? Dis toi bien que c'est impossible! On va te pourrira vie.

Daphne bailla. Elle se frotta les yeux et leur adressa un faible "humm?" aux deux numéros qui tentaient de l'intimider. Elle les fixa d'un air goguenard avant de sourire moqueusement. Les deux autres s'agitèrent de plus belle en proférant des insultes mais Daphne sortit un papier et un stylo de son sac. Interloquées, elles la virent griffonner un mot avant de leur tendre le bout de papier. Et dans le silence, elle s'en alla laissant Fourre Tout et Toutou à leur lecture.

« Lol. »

Daphne décida de ne pas aller en cours ce jour-là. Elle commençait par les maths et elle n'avait aucune envie de s'atteler à des forces et des puissances impossibles à résoudre pour elle. De plus, il fallait dire que la veille au cirque avait réveillé son instinct aventurier. Ce nouveau monde à découvrir était plus attractif comparé à sa vie fade et médiocre. De l'autre-côté du miroir, la face était plus mystérieuse et bien plus fascinante. Elle s'échappa par la grille défoncée de l'arrière cour et pensa alors à faire un tour du côté du terrain vague pour revoir le chapiteau. Mais lorsqu'elle s'y rendit, le chapiteau avait disparu.

Le Cirque s'était volatilisé.

Le Cirque MystiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant