Chapitre 4

6.5K 895 190
                                    

La luminosité de l'entrée était si faible que Daphne dû plisser les yeux pour distinguer quelques formes. La main de l'homme était le seul élément qui la rassurait. Ils avancèrent dans le cirque sombre dans cette antre nimbée de mystère. Curieusement, elle ressentit une bouffée de chaleur l'envelopper. Les rideaux se refermèrent derrière elle dans un froissement discret et des cercles de lumières projetèrent progressivement leur éclat autour d'eux, et aux alentours. Ces lumières était en réalité des yeux, des yeux de dizaines de chats aux pelage ébène. L'homme s'inclina respectueusement et les présenta à Daphne:

-Ce sont nos éclaireurs. N'ayez crainte, ils seront nos précieux guides.

Un chat à leur droite darda la jeune fille de ses yeux phosphorescents, ce qui l'éblouit quelques secondes. Puis dans un mouvement aussi souple que gracieux, il se détourna pour prendre la direction opposée. Toujours accrochée à l'homme à la chevelure flamboyante, la jeune fille avança prudemment. À sa droite, elle remarqua un énorme sablier, taille humaine. Le liquide pourpre qui s'y égouttait doucement luisait d'un reflet cardinalice. Dans un bruit mat, le sablier s'écoula, il n'en était qu'aux prémices. Daphne se demanda alors à quoi pouvait-il servir. Elle jeta un coup d'œil à ses bottes usées et ce qu'elle remarqua en premier, ce fut que les bouts avaient avoir besoin d'un bon coup de cirage. Ce qu'elle remarqua ensuite fut le sol. Son cœur battit à s'en déloger car le sol sur lequel elle marchait était en réalité du verre. À travers, elle pouvait distinguer la scène du cirque et ses gradins, noir de monde.

-Ce sont les souterrains du cirque, le spectacle a déjà débuté. Pressons nous! Lui précisa-t-il.

Daphne avait peur qu'à chaque pas, le verre sous ses pieds ne se brise soudainement et qu'elle soit aspirée par une force mystérieuse. Elle ne souffrait pas de vertige, seulement voir la distance entre la scène et la paroi de verre suffisait pour déclencher sa panique. Sa frayeur fut aussitôt ressenti par son guide car d'un tournemain, il fit tomber la jeune fille dans ses bras. Daphne écarquilla les yeux lorsqu'elle se rendit compte qu'elle se trouvait dans une position inconfortable et intime. Atrocement gênée, elle tenta de se dégager tout en gardant le sol en verre dans son champs de vision.

-Ne bougez pas. Nous avancerons plus vite ainsi, lui dit-il.

Les dizaines de chats miaulèrent en chœur et celui à la tête du groupe s'arrêta soudainement brusquement. L'homme s'adressa de nouveau au chat au poil soyeux et d'une voix reconnaissante, il lui dit:

-Merci l'ami.

Puis dans un bris de verre, Daphne ne ressentit plus rien outre la désagréable sensation de sombrer dans le vide. Elle ferma instinctivement les yeux et s'agrippa aux bras de cet homme qui lui était inconnu.

-Accrochez vous!

Dans un cri muet, Daphne s'accrocha malgré tout à la main de l'homme qui dorénavant, flottait dans les airs. Le vent sifflait dans les oreilles de la jeune fille et ses longs cheveux noirs virevoltaient. Pestant contre Newton et sa fichu apesanteur, Daphne sentit les bourrasques de vent s'immiscer dans ses vêtements, les faisant gonfler. Elle retint sa respiration en fermant les yeux, craignant l'impact au sol. Mais il n'en fut rien car elle ne ressentit aucun choc, seuls les battements affolés de son cœur pulsaient dans son corps, suivis par une voix douce:

-Demoiselle Daphne, nous sommes arrivé à destination.

La chute avait été courte. Et lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle se trouvait à quelque mètres d'un sol en pierre qui a première vue était solide. La pièce où ils avaient atterri était minuscule et sombre. Comportant plusieurs étagères vide, ce devait être un débarras ou un placard à balais. Elle plia les genoux et s'accrocha à la taille de l'homme qui lui sourit avec douceur. Elle releva la tête et vit que le plafond était inexistant, preuve que leur chute n'était pas une illusion.

Daphne effleura les pierres du bout de sa botte puis rassuré par leur réalité, elle finit par retrouver son équilibre. Soudain, la porte en bois devant elle s'ouvrit, une lumière crue l'aveugla.

-À la revoyure, belle Demoiselle.

Daphne se tourna vers l'homme qui avait enlevé son masque pour le jeter au sol. Des mèches rousses lui tombaient sur le visage qu'elle vit réellement pour la première fois. Il était jeune, la vingtaine sans doute. Des pommettes hautes, un nez bien dessiné et des yeux dont le bleu pastoureau changeait de teintes à la seconde. Daphne n'avait pas remarqué tout ces détails devant le chapiteau. Puis il esquissa un sourire et se précipita dans l'obscurité du faux-plafond.

Le débarras où l'adolescente avait atterri donnait sur un petit corridor éclairé par une ampoule. La jeune fille s'y engagea prudemment non sans avoir jeté un coup d'œil au masque abandonné par l'homme. L'accessoire luisait encore après son départ.

Elle avança tout en se protégeant les yeux de ses mains. Le corridor était d'une blancheur immaculée et menait plus loin à une autre porte aussi large qu'une armoire rustique. Les façades n'indiquaient aucun renseignement sur cette pièce étrange. Rien, pas même un meuble ou un cadre donnant un quelconque indice.

La porte qu'elle venait de passer se referma brusquement, un cri strident s'échappa malgré elle. Lorsqu'elle se retourna, elle vit distinctement qu'elle laissait des traces de pas au sol, comme si ses semelles avaient trempé dans de l'encre noire.

-On dirait un escargot. Tu laisses des traces gluantes derrière toi!

L'intervention de l'oiseau la fit à nouveau sursauter Elle leva la tête et le vit voltiger autour d'elle, narquois. Puis il amorça un piqué et se posa à même le sol.

-Ce que j'aurais aimé te prendre en photo dans l'ascenseur! Ça m'aurait fait un magnifique souvenir!

Daphne comprit en un éclair. Ce qu'il appelait "ascenseur" avait été son effrayante chute dans le vide. Elle pensa qu'il fallait qu'il revoit sa définition d'ascenseur car ils n'avaient apparemment pas la même.

-Tu as de la chance qu'Owl t'ait pris sous son aile, c'est le moins que l'on puisse dire! Océlia t'aurait jetée dans le vide sans protection! Railla Casper.

Daphne fit mine de l'ignorer et reprit sa marche, cumulant les traces de pas noirs comme des puits sans fond. Le rire moqueur du volatile résonna dans le corridor qui, au fil des minutes, devenait de plus en plus étroit, plus le temps passait.

Le Cirque MystiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant