Partie 12 : fermeture

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3, 4, 5, 6 et 7

Dehors, l'arrivée de l'hélicoptère et l'absence de réponse ont fini par faire réagir plusieurs soldats, qui se sont rassemblés et ont frappé plusieurs fois les flancs de l'engin. Ne sachant que faire, ils menacent de faire sauter la porte. Leny a décidé de faire décoller l'appareil et de prendre 1 et 2 en vol dès qu'ils auront terminé leur mission.

« Et le Professeur Milley et le Professeur Stones ? demande 3 d'un ton froid qui n'annonce rien de bon.

— On va vous ramener aux responsables et ils vont s'occuper de tout ce merdier, répond Leny.

— C'est qui nos responsables ? demande 4.

— T'inquiète. »

Justement, 4 s'inquiète. Les Techs appartiennent à ceux qui ont payé leur création, et 4 a longtemps cru qu'il s'agissait de l'Alliance des Gouvernements du Nord, qui allait les utiliser pour le bien-être de la population ou quelque chose d'approchant. Mais les choses ont changé. Les dirigeants du laboratoire aussi. Les professeurs ont reçu des ordres étranges venant de gens qui ne leur plaisaient pas du tout. Ils ont décidé d'apprendre aux Techs à se défendre. 1 et 2 avaient même appris des techniques d'espionnage et de contre-espionnage, ainsi que l'organisation des services secrets de l'Alliance. Et maintenant, des soldats les envahissent, alors que leur existence était censée n'être connue que des plus hauts membres du gouvernement. Ça n'a rien de rassurant.

Sans oublier que 3 tient toujours son fusil et que son regard passe de l'arme à la tête de Leny. 4 peut quasiment lire dans ses pensées aussi bien que s'il était connecté avec elle. Elle veut l'obliger par la force à sauver les professeurs. Elle est cinglée.

Il touche le canon de l'arme et lui envoie le message : Déconne pas. L'idée générale est qu'il y a un ordre à respecter, que cet ordre place les adultes au-dessus d'eux, que ce sont les professeurs qui ont décidé de cette hiérarchie, et que mettre un fusil sur la tempe de l'un des adultes en question chamboulerait énormément l'ordre établi. D'habitude, 4 n'est pas un partisan de suivre les procédures à la lettre, mais cette nuit il est ravi de remettre son sort entre les mains de quelqu'un d'autre. Il refuse que 3 détruise le fragile sentiment de sécurité qu'ils ont retrouvé.

Les plus grands doivent s'occuper des plus petits. C'est la règle. 3 abaisse son arme.

5 est toujours allongée sur le sol, les coups de poing qui martèlent la tôle résonnent dans son crâne et accentuent sa douleur. Le mot "migraine" est sans doute celui qui résume le mieux l'état de l'esprit du Tech qui a trop présumé de ses forces mentales et s'est épuisé, mais il ne rend pas justice à l'impression de s'effilocher dans un brouillard proche du néant, de sentir ses idées partir en spirale tournoyante, jusqu'à ne plus savoir où se trouve son corps et comment le diriger. De l'extérieur, on dirait que la fillette dort. En réalité, l'immobilité l'aide à se recentrer sur elle-même.

6 et 7 sont pelotonnés dans un coin, serrés l'un contre l'autre. 6 suce son pouce et a mis son bras libre autour des épaules de sa petite sœur. 7 ne dit rien et ne bouge plus, crispant juste régulièrement les doigts sur son doudou. De leur côté non plus, la situation n'est pas brillante. 3 pense que si elle retrouvait les professeurs, tout s'arrangerait. Elle s'en tient cependant à sa décision de rester tranquille.

« Est-ce que vous êtes connectés à 1 et 2 ? demande brusquement Delawney.

— Quoi encore ? râle 4 avant de réaliser le sens de la question. Non, il y a trop de plastique ici, on est coupé du Réseau des surveillants.

— Il va falloir trouver un moyen de les prévenir qu'on vient les chercher. Ils n'arriveront jamais à passer au milieu des soldats.

4 envoie un pitié, trouve une solution toi à 3. Il n'en peut plus. La jeune fille réfléchit puis explique calmement :

— Quand on sera au-dessus du toit, on sera à portée de leur Réseau et on pourra laisser un message dans leur anhylo.

Tout simplement. 4 se dit que sa sœur reste pragmatique en toutes circonstances, et que malgré son coup de folie contre les soldats on peut toujours compter sur elle pour agir avec bon sens. Libéré de cette tâche, il ajoute :

— Et si un autre hélico débarque, on pourra le mitrailler avec celui-là !

Il sait que c'est une idée tirée par les cheveux, mais 5 y aurait tout de suite pensé, et ce n'est pas parce qu'elle est momentanément hors circuit que son avis n'a plus droit à la parole. Et surtout, il apprécie de pouvoir dire n'importe quoi sans se soucier des conséquences. D'ailleurs, Leny l'ignore totalement pour demander à 3 :

— Tu n'auras qu'à toucher le toit pour qu'ils t'entendent, tu es sûre ?

— Oui.

— Bien. On y va. »

L'hélicoptère est en position en un instant. 3 descend l'échelle de corde aussi facilement qu'à l'entraînement. Contacter ses aînés lui demande bien plus de concentration. Au moins, ils ont gardé leur esprit ouvert à toutes les informations circulant dans l'anhylo et réagissent dès qu'ils sentent sa présence. La petite fille perçoit leur colère lorsqu'ils laissent leur prisonnière s'enfuir pour courir sur le toit. Elle la partage. Mais les ordres sont clairs et elle espère qu'en obéissant elle sera plus efficace, et c'est cette détermination qu'elle envoie malgré elle à travers leur lien mental. Sans s'en rendre compte, les deux aînés accélèrent.

Peut-être, que ces foutus soldats vont rester jusqu'à ce qu'ils réussissent à défoncer la porte, envoie 1 à 2 pendant qu'ils montent en courant les escaliers.

On met des pièges ? répond sa sœur.

Oui. Tous.

Tous les pièges du laboratoire ne les arrêteront sans doute pas, mais il leur faudra des semaines de déminage soigneux et de travail intensif pour percer une entrée jusqu'aux informations vitales. D'ici là, il y aura bien quelqu'un, quelque part, qui mettra fin à cette situation absurde. Pour le moment, 1 et 2 courent vers l'hélicoptère, enfin prêts à fuir.



Les Techs - Tome 1 : les secrets du LaboratoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant