Partie 43 : explorer le camp militaire

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1 et 7

1 borde sa petite sœur et l'embrasse. Puis il attend qu'elle s'endorme. Elle arrive à supporter son absence pour des petits moments, tant qu'il ne coupe pas le contact tech. Et quand elle dort, elle ne dit rien. La présence étrangère rôde toujours dans l'anhylo à la lisière de sa conscience, la vigilance de 1 n'y change rien, aussi elle ne la réclame plus. Le jeune homme fait semblant de croire qu'elle n'a pas peur de dormir sans lui et en profite pour continuer son enquête là où c'est le plus dangereux...

La plupart du temps, ils restent au foyer des jeunes fugueurs. Cette nuit pourtant ils sont partis plus loin vers les montagnes et 7 va dormir dans la voiture. 1 a hésité à prendre une chambre d'hôtel. Il a momentanément résolu ses problèmes d'argent et de conscience en volant ce dont il a besoin directement dans le compte en banque de leurs ennemis, mais à présent il a peur de laisser ainsi une piste trop facile à repérer. D'ailleurs 7 préfère la voiture. Et 1 aussi. La marque de son précédent propriétaire est partout, dans la décoration, le choix des musiques, la puissance trafiquée du moteur, et ça lui plaît. Sanx n'a toujours pas essayé de le contacter et 1 se retient d'utiliser le Réseau pour voir comment il va.

L'homme qui a monté le plan auprès des faux soldats n'est pas un agent de la SRAM, comme il a tenté de leur faire croire, mais un militaire, un véritable capitaine travaillant officiellement pour le gouvernement. 1 a mis du temps avant de retrouver sa véritable identité grâce au Réseau. Terry McGilland. En l'interrogeant, il a une chance de remonter au maillon suivant de la chaîne. Pour l'instant, 1 a réussi à avoir une assez bonne vue d'ensemble du plan d'attaque de l'île. Il ne lui manque que deux choses : qui a véritablement programmé l'attaque — ou au moins qui l'a inspirée — et ce que sont devenus les responsables du laboratoire. Chacun des petits chefs de l'opération croyait qu'un autre s'occupait de cette partie-là du plan, visiblement quelqu'un s'est amusé à brouiller savamment les pistes.

1 a attendu quelques jours que ce McGilland rentre en permission, pour le coincer tranquillement à son domicile. Mais le temps lui file entre les doigts et le jeune homme a finalement décidé d'agir dès à présent, malgré les risques. Le capitaine loge dans un camp d'entraînement militaire. Un camp spécial pour les unités spéciales. Le système de sécurité fait froid dans le dos et il y a plus de fusils au mètre carré que de mains pour les manier.

Le jeune Tech n'a pas emporté d'arme. Elle lui aurait été totalement inutile. Le bon point, c'est que la majeure partie du camp utilise du matériel tech dernier cri. Le mauvais point, c'est que maintenant que 1 est à portée de leur aura, il ne trouve aucune trace de sa proie. En attendant, il sait comment entrer en douceur.

1 laisse la voiture dans les bois, le plus près possible de la zone interdite par les militaires. Ça lui laisse deux bons kilomètres de marche jusqu'à l'entrée des visiteurs. Des fils de Réseau courent sous terre, certains très protégés, d'autres presque à nu. Ceux qui sont peu protégés lui ouvrent un chemin vers les autres. Il envoie une série de fausses informations pour les préparer à sa venue — il s'est acheté un costume qui ressemble un peu à ceux du B.A.G.N. et lui permet de se déplacer sans que les policiers ne lui posent de questions, il pense que ça marchera aussi avec l'armée.

À son arrivée la nuit tombe et deux énormes projecteurs se braquent sur lui. Il a simulé pour les détecteurs automatiques l'arrivée d'une voiture tech qu'il est censé avoir garée devant le camp. Il suffirait que quelqu'un regarde à l'extérieur pour qu'il s'aperçoive de la supercherie, mais qui irait faire ça ? Les détecteurs techs ne se trompent jamais.

Il ne rencontre des humains qu'après avoir passé le troisième portail. Ils ressemblent d'ailleurs à des robots, tous leurs gestes sont parfaits et coordonnés au millimètre. Il les salue d'un ton froid et professionnel, imitant les hauts dirigeants que 2 et 6 ont rencontrés, et leur tend une carte tech qu'ils introduisent dans un ordinateur tech pour vérifier son identité. Plus ses interlocuteurs sont équipés, plus il est facile pour 1 de mentir sur son identité et ici l'opération ne lui prend même pas une seconde. Ses yeux sont protégés par des lunettes noires et les militaires ne s'aperçoivent pas qu'il a littéralement l'esprit ailleurs quand il commence à fouiller le Réseau du camp. Il ne va pas très loin avant qu'on ne lui rende sa carte avec un « Entrez. » formel. Le Réseau du camp est si saturé de systèmes de sécurité que 1 se demande comment ils arrivent à faire tenir des informations dedans. Il l'explorera plus facilement de l'intérieur. Des soldats le fouillent et enfin il peut passer.

Impossible de voir quoi que ce soit à l'intérieur du camp, il suit un couloir périphérique qui ne permet jamais de voir les bâtiments à l'air libre. Mais ce couloir est bardé d'écrans évoquant des fenêtres : les humains croient sans doute voir la cour du camp. 1 se demande ce qu'ils peuvent faire derrière ces murs pour se donner la peine de se cacher si bien. Il est incapable de différencier l'activité normale d'un camp militaire de celle qui serait anormale.

Enfin, on le fait patienter dans une pièce. 1 a écrit sur son autorisation qu'il a rendez-vous avec le capitaine McGilland et il a écrit dans chaque ordinateur qu'il a croisé que ce rendez-vous était accepté. On ne lui a posé aucune question mais il peut encore y avoir un problème : le filet de sécurité est si dense qu'il n'a pas pu pirater tous les ordinateurs. Il est donc possible que plusieurs d'entre eux lui aient échappé et aient alerté les autres. Ce répit tombe donc à pic, il peut maintenant se concentrer et corriger cette erreur.

Couche par couche, il décortique les informations en place. La difficulté plus ou moins grande posée par un codage n'a aucune importance pour lui, seul leur nombre épuise l'énergie de son esprit, et les concepteurs de ce système ont misé sur la quantité plutôt que la qualité. 1 fouille de son mieux, tâchant de rester concentré. Des armes, des hommes, des programmes, des opérations, un beau désordre sans queue ni tête à ses yeux et rien qui paraisse avoir un rapport avec lui.

Derrière lui il a laissé une ouverture pour garder le contact avec 7, et sent à présent un léger tiraillement par cette ouverture. D'une pensée il est aux côtés de la fillette — non, brouillard ocre et dense, elle dort d'un sommeil sans rêves, tant mieux. Mais il ne peut pas s'empêcher d'avoir l'impression d'être suivi. Une présence différente de la chose imaginaire qui hante 7. La présence d'un programme caché. Quelque chose d'autonome mais pas vivant, assez intelligent pour se cacher de lui mais pas assez subtil pour ne pas provoquer un léger courant dans le Réseau. 1 hésite à se lancer à la poursuite de ces espions. Après tout, il a d'autres soucis que les ennemis de ses ennemis. Mais le savoir est un levier qui lui fait bien trop défaut en ce moment...

Il déploie son esprit dans l'anhylo du Réseau interne. Ici le courant est si faible que c'en est reposant. Il utilise son énergie mentale pour former un immense filet dont il lance chaque maille à la recherche de l'intrus. Il ne touche pas aux codes de protection déjà en place et rate presque sa cible : un minuscule programme occupé à grignoter un code du système. Une fois que le Tech l'a repéré, il se replie sur lui-même, se concentre pour avoir la masse la plus dense possible et se jette sur le programme.

C'est quoi eux ? demande 7 qui vient de se réveiller et a immédiatement cherché son frère.

Je ne sais pas. Je regarde.

Moi je regarde les gens.

Merci.

1 pourrait lui dire un double merci : l'un pour lui rendre service, l'autre pour avoir pensé "les gens" et pas "les méchants". Elle va de mieux en mieux et pour lui c'est un vrai soulagement. Il commence à ouvrir le programme pour regarder comment il est composé quand celui-ci se désagrège entre ses mains. Autodestruction : il a disparu en emportant avec lui ses mystères.

Le hurlement mental de 7 ramène 1 à son corps. Six hommes le tiennent en joue, avec des fusils non-tech. Il est pris au piège.


Les Techs - Tome 1 : les secrets du LaboratoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant