Partie 90 : chez les HR

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La jeune fille émerge lentement du sommeil. Elle se sent bien, flottant librement entre le rêve et la conscience, dans les limbes flous où rien de mal ne peut arriver...

Peu à peu, le souvenir de ce qui s'est passé revient. Elle tente de ne pas montrer qu'elle est éveillée, au cas où elle entendrait ou verrait entre ses paupières à peine entrebâillées quelque chose d'utile. Mais non. En face d'elle il n'y a qu'un mur blanc. Elle entend un léger claquement irrégulier qu'elle n'arrive pas à identifier. Et bien sûr, pas le moindre objet tech et encore moins de fil de Réseau à sa portée. Ce serait trop beau.

2 retient son souffle, guettant le moindre bruit indiquant un autre occupant de la pièce. Il y en a un. Souffle calme et lent, respirations profondes, quelqu'un de grand et de tranquille, qui ne s'attend pas à ce qu'elle se réveille si vite et qui se tient près du claquement. Ce qui ne lui dit pas s'il y a des armes. Elle décide ne pas prendre le risque d'attaquer par surprise, c'est elle qui pourrait bien être la plus surprise des deux. Elle se redresse lentement. Le claquement s'arrête. Elle tourne la tête. Aucune arme n'est visible. La respiration vient d'un homme, assis près d'une table, qui jouait aux cartes tout seul. D'où le claquement. L'homme est assez jeune, d'une trentaine d'années, grand et mince. Il lui dit d'une voix douce et étonnement grave un simple : « Bonjour.

— Où je suis ? demande 2 qui tente de masquer la peur de sa voix. Qu'est-ce que vous me voulez ?

— Le lieu, c'est facile : réserve de Winikut. Ce qu'on te veut est plus compliqué. Mais on a tout le temps.

— Qui êtes-vous ?

— Mon nom est Choy, Choy de Winikut si on veut être précis, les gens aiment bien donner des noms de famille, va savoir pourquoi. Et toi ?

2 reste silencieuse, réfléchissant à toute allure : qu'est-ce que cet homme sait d'elle ? Pourrait-elle lui mentir sur son identité pour s'échapper ? Et dans ce cas, qu'est-ce qu'elle pourrait lui dire ? Mais avant qu'elle ne parvienne à trouver, Choy poursuit :

— Je sais qui tu es, ou plutôt tes grandes particularités, car on ne peut pas vraiment connaître le "qui" d'une personne, surtout quand on ne l'a jamais vue. J'aimerais juste savoir comment t'appeler.

— Pourquoi vous m'avez enlevée ?

— Mes camarades ont agi par peur, principalement, et par haine aussi, en partie. Je crois que certains ont appuyé cette idée par ambition et calcul politique, mais ce genre de choses sont toujours difficiles à avouer. Pour ma part, j'étais favorable à une invitation en bonne et due forme, mais le vote a tranché. Tu connais la démocratie et ses faiblesses. Allons, ne fais pas cette tête-là. Tu auras toutes les réponses à tes questions bientôt. Tu vas paraître devant le Conseil. Eux aussi, ils ont beaucoup de questions à te poser, et beaucoup de choses à te demander. Ils devraient être au complet d'ici une heure ou deux. En attendant, on peut jouer aux cartes.

2 fixe les cartes étalées sur la table. Puis redresse son regard jusqu'à son geôlier, espérant lui faire comprendre ainsi à quel point sa proposition est incongrue. Comme il n'a aucune réaction, elle lui demande :

— Vous vous moquez de moi, là ?

— Non, pourquoi ? Puisqu'il faut attendre, ça ne sert à rien de s'ennuyer.

2 se lève. On l'a soigneusement déposée dans un lit aussi blanc que les murs de la pièce, et on l'a tout aussi soigneusement déshabillée et rhabillée d'un jeans et d'un tee-shirt non-tech. Normal, ses ravisseurs doivent savoir que le tissu tech est une arme redoutable entre ses mains. Et elle n'aurait jamais été capable de se sauver en portant une robe pareille. Mais l'idée que c'est peut-être ce type, en face, qui lui a fait ça, la met en fureur. Il y a un certain nombre de choses qui la mettaient déjà en fureur, dans cette situation absurde, et la partie de cartes gentiment proposée n'a aucun mal à faire déborder le vase. Elle s'approche de Choy sans qu'il paraisse se méfier et lui donne un violent coup de paume dans la poitrine qui le fait tomber de sa chaise. Il n'a pas le temps d'atteindre le sol avant qu'elle ne le rattrape et ne lui torde le bras dans le dos. Elle le plaque contre le mur et murmure :

Les Techs - Tome 1 : les secrets du LaboratoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant