Partie 96 : un monde rempli de coïncidences

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La nuit tombe lorsque Charly, Cally, Jonathan et 7 sortent du bus. La petite Tech a somnolé un peu pendant qu'ils roulaient. Elle a rêvé. De vrais rêves. Le bus qu'ils ont pris est un engin non-tech, un antique moyen de transport utilisé par les pauvres et les HR qui vivotent discrètement hors des ghettos, généralement dédaigné car les descentes des brigades antiterroristes y sont plus nombreuses qu'ailleurs. Au moins ce soir il n'y a personne. Charly apprécie leur chance et se dit qu'après tout, les choses pourraient bien tourner pour eux. Pour la première fois, il est optimiste en pensant au sort de Breda Carson : une vieille renarde comme elle n'a pas pu se faire tuer aussi facilement, elle attend sûrement quelque part que les choses se tassent et sortira de son trou d'ici quelques jours.

Il ne connaît pas la personne qui est censée venir les chercher, et il sursaute au moindre bruit de pas, ce qui accentue la nervosité de Juliette. Cally a pris Jonathan dans ses bras et le petit s'endort, apaisé par ce contact familier. 7 aimerait bien que Charly la prenne dans ses bras, mais visiblement ce n'est pas au programme, et elle ne réclame rien. Elle a froid, elle a faim, elle est fatiguée, et surtout elle a peur, une angoisse trop étouffante pour qu'elle puisse pleurer ou réclamer de l'attention comme elle le fait d'habitude lorsqu'elle se sent mal.

D'ailleurs, réclamer de l'attention à qui ? Les professeurs ont disparu. Le laboratoire aussi. Ses frères et sœurs aussi. Même 1 l'a abandonnée. Breda refuse de revenir. Les trois enfants qui l'accompagnent l'ignorent. Et là-bas, dans le Réseau, la présence et ses exigences insensées rôdent, n'attendant que l'instant où elle baisserait sa garde pour la dévorer.

7 éternue et regarde avec consternation la morve qui lui macule les doigts. Elle n'a pas de mouchoirs, personne ne lui en donne, et ce n'est pas normal. Rien n'est normal ici. La nostalgie de sa maison, du temps si lointain dont elle se rappelle si bien, la plie en deux de douleur. Elle n'aurait jamais pensé que de simples émotions peuvent faire si mal qu'elle a l'impression d'avoir été frappée. Elle prend péniblement une inspiration et se met à hurler. C'est tout ce qu'elle peut faire. Le monde n'est plus un monde où elle avait sa place protégée, c'est un univers hostile qui lui veut du mal et l'attaque de toutes parts, et elle hurle de tous ses poumons son chagrin et sa révolte. Ses larmes lui brouillent la vue. Elle ne les essuie pas. À quoi ça sert de voir si c'est pour voir un monde pareil ?

Charly est paniqué en entendant cette sirène se déclencher, surtout sans qu'il n'arrive à en voir la raison, mais ses efforts pour faire taire 7 — en criant plus fort qu'elle ou en la secouant comme un prunier — n'aboutissent à rien. Comment s'y prend-on pour consoler une petite fille de quatre ans qui a explosé en sanglots sans raison ? Il se tourne vers Cally, en désespoir de cause, quand une femme arrive. Une originale vêtue d'écharpes colorées, portant des lunettes fluo en forme d'étoile et débarquant dans un engin sorti tout droit d'un film de science-fiction, mais pour Charly désespéré c'est une véritable sauveuse qui vole à son secours.

« Oh, s'exclame l'inconnue, pauvre petite ! Viens là mon chou.

Et sans attendre la réaction des autres enfants elle prend Juliette dans ses bras et la serre tendrement contre elle en lui demandant si elle a mal quelque part. Son parfum entêtant envahit l'air autour d'elle et 7 commence à hoqueter. Elle ne sait pas quoi faire ni quoi dire, mais une certitude émerge au milieu de ce chaos et elle parvient péniblement à articuler :

— Je veux... mon f... mon frè... mon frèfrè... je veux...

— Tu veux quoi, ma puce ? Ton frère ?

— Oui !

— Et bien...

L'inconnue relève la tête vers Charly totalement dépassé par la situation :

Les Techs - Tome 1 : les secrets du LaboratoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant