Partie 104 : se méfier de l'eau qui dort

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Ève fait coulisser un panneau du mur et dévoile un passage souterrain qui débouche dans une cabane de jardin, deux maisons plus loin, là où s'était installée l'équipe d'Edmund chargée de veiller sur eux. Évacuation Alpha, lui a-t-on dit, l'endroit est donc censé être sécurisé. Deux agents les attendent, un homme et une femme vêtus en civil : jeans, casquettes, vestes colorées, ils ne se remarqueraient pas dans la foule d'un centre commercial s'ils n'étaient pas également bardés de matériel électronique et surarmés. Pas la moindre trace de tech sur eux.

D'un signe de tête, ils font signe à Ève de les suivre, ignorant le petit Tech. C'est à elle de veiller à ce qu'il les suive. Les agents expliquent rapidement à Hindgam comment ils sont censés rejoindre l'avion qui les amènera en lieu sûr, puis les couvrent tandis qu'ils traversent le jardin. Une fois de plus, Ève ressent un puissant sentiment d'irréalité. Ce jardin, tout comme la maison qui leur servait de couverture, devait passer pour parfaitement normal. Et tout est parfaitement normal dans ce petit quartier douillet de classe moyenne. Même le silence n'est troublé que par le chant des oiseaux et les rires lointains d'enfants qui jouent, sans doute dans le pâté de maisons d'à côté, là où il y a un parc. Traverser cette sérénité les armes à la main lui donne l'impression de s'être trompée de film. Sans doute, d'un instant à l'autre, quelqu'un va lui dire : « Mais non, ce n'est pas ça ! En fait tout va bien ! Débarrasse-toi de ce bazar qui t'encombre et vient profiter de cette belle journée ! »

Mais Ève a plus d'expérience du terrain qu'elle ne le montre généralement et pas un seul instant son attention ne se relâche. Ce qui lui sauve sans doute la vie quand les balles commencent à pleuvoir. Directement du ciel. Ou plutôt du toit de la maison.

Se jeter à terre ne sert à rien. Tandis que les deux agents d'Edmund les couvrent, Ève attrape 6 et se met à courir avec lui. Elle a été touchée superficiellement au bras et plus gravement à la jambe. Elle ne s'en rend même pas compte. L'adrénaline lui brûle les veines.

6 est grand et lourd pour son âge. Elle doit le porter une cinquantaine de mètres pour atteindre le garage et fuir avec le véhicule blindé qu'il renferme. Cinquante immenses mètres. Au moins les balles ont cessé maintenant que les deux tireurs d'Edmund criblent le toit. Non, Ève n'entend plus qu'un seul tireur. Elle ne se retourne pas pour voir ce qui est arrivé à l'autre. Ils savaient tous ce qui arriverait lorsqu'ils ont engagé ce terrible combat contre la SRAM. Même le génial et terrifiant Monsieur Edmund n'est pas tout-puissant face à cet ennemi sans scrupules.

Il y aura d'autres assassins dans le garage. Forcément.

Ève bifurque, 6 toujours serré dans ses bras. Où peut-elle se réfugier pour éviter leur piège ? Tout le quartier doit être encerclé ! Et il suffira de quelques blouses bicolores accompagnant les hommes en noir pour signaler que la SRAM s'occupe de régler ses affaires et que ni la police ni les civils n'ont intérêt à s'en mêler.

Mais les civils ne sont pas obligés d'être au courant pour s'en mêler. Ève traverse la rue. Voyant qu'elle évite le piège, les agents de la SRAM cachés dans le garage sortent et commencent à tirer. Pendant quelques secondes ils sont gênés par le deuxième agent d'Edmund. Quelques secondes qui suffisent à s'en débarrasser. Au moins l'agent n'est pas mort en vain. Ève et Steven ont réussi à se réfugier dans la maison.

Derrière la porte, une femme s'apprête à leur demander vertement ce qu'ils font là, puis elle voit les armes. Elle blêmit et s'affaisse dans le couloir. Un faible murmure s'échappe de ses lèvres, quelque chose qui ressemble à « pitié ». Hindgam abaisse légèrement le fusil, pose 6 à terre et demande à la femme :

Les Techs - Tome 1 : les secrets du LaboratoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant