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Je me réveille en sursaut, le front en sueur, mon pyjama collé à mon dos. Mon cœur bat à une allure irrégulière et élevée. Je me redresse en position assise, la colonne vertébrale contre le mur. Mes mains tremblent et sont moites.

Un cauchemar. Ce n'était qu'un cauchemar. Ce n'était pas réel. Comme toutes les nuits, depuis le jour de mes seize ans et que ma mère m'a dit ces phrases : « Je suis tellement fière de toi. Tellement. De tout ce que tu as fait au Parcours, de ce que tu es et es devenue. »

Cela fait plusieurs jours que je tourne et retourne sa réplique dans ma tête sans solution.

Je repousse mes draps et me lève. Le sol émet un contact froid avec la plante de mes pieds, ce qui me fait du bien. Doucement, je traverse la pièce dans le noir et ouvre la porte sans bruit. Arrivant dans le couloir désert, mon rythme cardiaque s'élève à nouveau. Je marche les bras croisés, sans faire de bruit. Je ne sais pas quelle heure il est, mais il n'y a aucune ronde, il doit donc être tôt dans la matinée.

Je tourne à droite au bout du long couloir, puis à gauche avant d'ouvrir une porte lourde qui mène sur l'extérieur, sur un petit balcon. Il n'y a personne. Parfait. Je m'accoude à la rambarde, laissant mes mains pendre dans le vide, et je rejette la tête en arrière tout en fermant les yeux.

Là, je savoure le calme de la nuit. C'est un avantage de ne pas respecter le couvre-feu alors que tout le monde le fait : l'endroit est désert et rien de trouble le silence.

Je viens ici depuis que je fais des cauchemars, et je n'y ai jamais vu quelqu'un. Le plus souvent, je viens ici pour me changer les idées, chasser les mauvais rêves qui me hantent. Ou réfléchir sur ce que ma mère m'a dit.

Dans un premier temps, j'ai pensé que ses paroles étaient seulement là pour me rassurer, me féliciter, me complimenter. Mais cela me semblait trop... facile. Elle me l'avait déjà dit auparavant, et pas sur ce ton-là. Cette fois, j'avais entendu une pointe de tristesse dans la voix, et de remords. Comme si elle me cachait quelque chose et qu'elle avait peur de me l'avouer sans le vouloir, de gaffer.

Je n'ai pas pu l'interroger depuis, bien que je l'ai vue, et cela me triture l'esprit. La journée, grâce à mes amis, j'arrive à m'en détacher suffisamment pour me concentrer sur le Parcours, mais la nuit, les rêves reviennent et me hantent.

Un bruit dans mon dos attire mon attention ; sans réfléchir, je me plaque contre le mur près de la porte. Quelques secondes plus tard, la porte claque près de mon oreille et une personne apparaît. La luminosité ne me permet pas de voir son visage, mais, à sa silhouette, ce n'est pas un patrouilleur. Qui, alors ?

Peut importe. Les bras en garde, j'avance sans bruit et lui assène un coup de pied dans l'épaule. Raté. Mon assaillant se retourne au dernier moment et l'évite avant d'envoyer son poing dans ma figure. J'esquive sans difficultés et passe sous son bras tendu pour le frapper au ventre. Bingo. Il se tord de douleur et je me recule, mais pas assez vite. Il me lance un coup de genou dans le menton. Des étoiles dansent devant mes yeux, mais je me reprends rapidement et, tandis qu'il s'approche, lui fais un croche-pied qui le fait tomber au sol tout en le poussant de toutes mes forces. Je passe à califourchon sur lui, l'avant-bras sur sa trachée, prête à le frapper s'il tente quoi que ce soit.

-Woh, woh, Brume. C'est juste moi.

Je reconnais la voix. C'est celle d'Ethan.

Je relâche la pression de mon bras sur sa gorge et me relève, lui tendant la main pour l'aider.

-Qu'est-ce que tu fais là ? demandé-je lorsqu'il est de nouveau sur ses pieds.

-Je pourrais te retourner la question, réplique-t-il. Et pourquoi tu m'as attaqué, aussi.

-Désolée.

Je m'avance vers la barrière, dans la même position que précédemment. Ethan me rejoint.

-Tu viens souvent ici ? repris-je au bout d'un moment sans silence.

-Quand je n'arrive pas à dormir ou que j'ai besoin d'air. Et toi ?

-Pareil.

Les étoiles brillent dans le ciel sombre. Nous restons silencieux un moment, avant que le blond ne reprenne la parole.

-Tu penses qu'ils sont encore en vie ? Ceux de Terre, je veux dire. Ceux qui sont restés pendant que ta famille partait.

Je hausse les épaules.

-Je ne m'en préoccupe pas trop. Tu sais, je n'irai jamais là-bas de ma vie, alors, à quoi ça sert ? Ma mère m'a dit que lorsque nos ancêtres sont partis, la Terre était pratiquement morte. Aujourd'hui, plus personne ne doit y vivre, à mon avis. Ils savaient, ajouté-je plus tard dans un souffle. Mes ancêtres, ceux qui sont partis. Ils savaient que les Terriens n'étaient pas les seuls vivant dans l'Univers. Mais personne ne les croyait. C'est pour ça qu'ils sont partis. Pour arriver jusqu'à Neuf.

-Mais certains sont morts avant d'atterrir sur la planète, continue Ethan.

-Tous ceux qui sont à l'origine du voyage sont décédés. Ils ont créé une descendance.

-C'est-à-dire ?

-A bord du vaisseau, il y avait une sorte de machine qui « créait » des fœtus. Il n'y avait que de cette manière que la petite population, si on peut le dire, se régénérait.

-Tu veux dire que tu es comme un... robot ? Que tu n'es pas née de deux parents comme nous tous, mais d'une machine ?

Je ris légèrement en secouant la tête.

-Non. Mes parents et moi sommes nés sur Neuf, nous n'avons pas été faits par cet engin. Même si, techniquement, oui, je viens d'une machine. Mes grands-parents l'étaient, eux. Ils sont nés sur le vaisseau et ont transmis ces gênes à mes parents qui me les ont donnés à leur tour.

Le blond ouvre de grands yeux, me fixant, puis il regarde le ciel, accoudé à la barrière. Je tourne à mon tour les yeux vers la voie lactée qui s'étend devant moi. Les étoiles scintillent dans la nuit noire, semblant à portée de main mais en même temps si loin.

Si loin, et pourtant.

Je porte une main à mon pendentif autour de mon cou. Il vient de Terre, je le sais. De mes ancêtres. De ceux qui sont venus jusqu'ici.

TERRIENNE (édité)Where stories live. Discover now