Chapitre 19

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« Un jour. »

Je mords ma lèvre depuis tant de temps qu'un goût métallique est arrivé sur ma langue et se répand dans ma bouche. C'est mon dernier jour ici à tout jamais.

Mes mains se mettent à trembler à cette pensée. Je suis impuissante face à cette situation et cela m'insupporte de plus en plus chaque seconde. J'aimerais faire marche arrière, tenter de négocier plus fort avec mes parents pour rester sur Neuf. J'aimerais changer le cours de mon histoire, de ce qui arrive à présent. Mais je n'en ai aucun pouvoir.

J'observe Ethan qui soigne mon bras gauche au niveau du coude. Son regard est concentré sur ma blessure, que m'a infligé un éclat de verre dans mon dernier Parcours dont je viens de sortir. Je grimace lorsqu'il appuie sur la coupure.

Ses cheveux blonds ont poussé depuis le jour où je suis arrivée ici, la première fois où je l'ai vu. Je me souviens encore du soir où il m'avait trouvée perdue, seule, dans un couloir sombre du Centre. C'était il y a une éternité. Il ne me connaissait pas, mais il m'a quand même raccompagnée jusqu'à mon dortoir. Et après, il m'a aidée à comprendre comment grimper sur un mur, un soir.

Il relève le regard vers moi, et ses yeux bleus s'encrent dans les miens, noir charbon. Sa main touche mon arcade douloureuse d'un choc récent.

-Tu peux y aller, annonce-t-il au bout d'un moment.

Je me lève du lit haut sur lequel j'étais assise, les jambes pendantes dans le vide. J'attache mes cheveux en une queue-de-cheval rapide.

-Merci. On se voit ce soir, avec les autres, à la soirée d'anniversaire, je suppose ?

Il hoche la tête avant de quitter la pièce, sa blouse d'infirmier volant légèrement derrière lui.

Je souffle en secouant la tête. Ethan n'est toujours pas au courant de mon départ, mais je n'arrive pas à le lui dire. Il paraît tellement débordé, fatigué, épuisé, depuis quelques jours, que j'ai toujours l'impression que c'est le mauvais moment pour lui annoncer.

A mon tour, je prends la direction des couloirs vides. A l'infirmerie, les blessés affluent, contrairement à d'habitude. Je fronce les sourcils en voyant les infirmiers s'affairer dans tous les sens. La salle d'attente est pleine à craquer d'adolescents saignant, attendant d'être soignés. Je ne parviens pas à comprendre comment les infirmiers font pour ne pas paniquer.

Habituellement, la plupart des pensionnaires du Parcours font seulement une visite rapide pour vérifier qu'ils n'ont rien, pas de blessures. Moi, ça ne m'ait jamais arrivé. Dès que je sors de mon Parcours, je me retrouve avec un bras en écharpe pendant une journée ou deux, ou une cheville si foulée que je peine à marcher. Tout le contraire de Hunter, par exemple. Depuis que je suis ici, il n'a pas été une seule fois blessé. Je ne sais pas comment il s'en sort.

Les corridors sont déserts ; tout le monde est soit à son Parcours, à attendre devant, à l'infirmerie, ou encore dans le réfectoire. Je passe une main sur mon front transpirant. J'ai besoin de me laver, maintenant que j'ai terminé de me battre. Et de me préparer à la fête, également.

Lorsque j'arrive dans le dortoir, seule Xyla est là, à démêler ses cheveux rouges. Après lui avoir adressé un rapide signe de tête en guise de salut, je vais dans la salle d'eau et me glisse dans la baignoire d'eau glacée. Je me suis habituée, depuis le temps, à la froideur du liquide, tout comme je me suis habituée à toutes les contraintes d'ici. Ç'a été difficile, au début, mais maintenant, je ne quitterai cette vie pour rien au monde. Même si c'est ce que je m'apprête à faire dans moins d'une journée.

Après m'être débarrassée de la crasse accumulée dans le Parcours, j'enfile une robe noire simple. La veille, après notre entraînement, Xyla, Clo et moi-même sommes allées dans un petit magasin pas loin du Centre, accompagnée par Étamine, pour nous trouver des tenues pour ce soir. Je n'aime pas particulièrement cela, préférant être en pantalon et t-shirt, mais aujourd'hui est spécial.

TERRIENNE (édité)Where stories live. Discover now