TERRIENNE (édité)

Chapitre 6

La lumière est éteinte depuis un moment déjà, les murmures de mes camarades de chambre se sont évanouis dans la nuit, mais je ne parviens pas à trouver le sommeil. L'échec cuisant d'aujourd'hui, les mots d'Ethan me disant qu'il me croyait capable de me défendre toute seule – car c'est ce qu'il a dit, non ? – et le manque de mes parents, m'empêchent de fermer les yeux. Je n'entends que les bruits réguliers des respirations de Fara, Clo et Xyla dans le silence complet. Il faut que je bouge.

Je me souviens du couvre-feu, bien-sûr, mais personne ne m'a enseigné les punitions que l'on encourait si on les transgressait. Alors, doucement, pour ne pas risquer de réveiller les autres filles, je me glisse hors de mon lit après avoir enfilé des vêtements plus chauds que ma chemise de nuit. La porte ne grince pas lorsque je l'ouvre, heureusement pour moi. Le couloir est plongé dans l'obscurité. Le cœur battant, je marche sur la pointe des pieds, mes chaussures à la main. Pourvu qu'elles ne me voient pas... Je referme doucement la porte dans mon dos avant de me retourner. Personne. Normal, tout le monde dort à cette heure-ci. Je tente de maîtriser mon souffle et de me souvenir de la localisation de la pièce où je me suis entraînée. Je prends à gauche, marchant le plus silencieusement possible. Aucun doute que si je me fais prendre, je risque gros.

J'entends des voix à un tournant, et je me fige. Il y a des rondes de nuit, j'aurais dû m'en douter. Je serre les dents, pas très sûre de ce que je dois faire. Rebrousser chemin, ou attendre ? Plaquée contre le mur lisse et froid, j'attends durant un moment lorsque les voix avancent vers moi. Non, non, non... Je pince les lèvres, serre les poings. S'ils tournent à droite, je suis fichue. Mon rythme cardiaque s'accélère, je tente de dissimuler mon trouble en fermant les yeux. S'il-vous-plaît, faites qu'ils n'aillent pas à gauche... Les pas se tournent dans ma direction. Soudain, ils s'arrêtent. Il fait totalement noir, ils ne peuvent pas me voir à cette distance, si ? Je m'arrête de respirer. Les yeux plissés, je tente de voir qui est là. Le garde est seul, et il fait demi-tour, à seulement quelques mètres de moi. Il prend le couloir en face de moi et disparaît complètement. Je lâche un soupir de soulagement.

Je trottine en chaussettes jusqu'à la pièce où mon Entraîneur m'a fait venir ce matin. J'ai besoin d'un minimum de lumière pour voir où est le mur et comment y monter, et je me mets à chercher une petite lampe, quelque chose qui pourrait m'aider à y voir clair.

-Allez...

Je fouille encore au sol, dans le noir, lorsqu'une lumière m'éblouit. Surprise, je laisse échapper un petit cri et me retourne, pétrifiée. Devant Ethan, une lampe à la main, les bras croisés. Qui me toise.

-Qu'est-ce que tu fais là ?

Je baisse la tête, couverte de honte. Je l'entends qui approche, doucement, qui s'accroupit en face de moi. La lampe se pose au sol dans un petit bruit.

-Brume.

Je ne réponds rien. J'ai honte de me faire prendre, terriblement honte. Que vont-ils me faire ? Vais-je devoir repartir chez moi, vont-ils prévenir mes parents ? Puis je réalise qu'ils ne peuvent pas me renvoyer. C'est la règle, tous les jeunes doivent faire le Parcours. Je soupire et relève la tête, prise d'un soudain courage.

-Je viens m'entraîner, rétorqué-je.

-En pleine nuit ?

Un léger rire sort de sa bouche.

-Oui. Mon Parcours est dans moins de trois jours, et je ne suis pas prête du tout. Je dois me préparer. Je veux réussir ce Parcours.

Ma voix est pleine d'une assurance que je ne me connais pas.

Je dresse mon menton en signe de défi, et Ethan soupire. Il se lève, me toisant de toute sa hauteur et me tend une main pour que je me mette sur mes pieds. Je n'ai pas l'habitude des contacts, ma mère m'a toujours défendu de toucher quelqu'un avant mes dix-neuf ans, je refuse donc sa main. Lorsque je suis enfin debout, je remarque qu'il est grand. Beaucoup plus grand que moi, au moins vingt centimètres. Un sourire décore son visage pâle.