Chapitre 9

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Ma gorge est nouée, alors je prononce son prénom seulement dans ma tête. Ma bouche est pâteuse, et une brusque nausée me prend. Comment peut-elle...  ?

Et soudain, cela me saute aux yeux, si fort que je ne peux m'empêcher de me demander comment n'ai-je pas pu le deviner plus tôt. Peut-être était-ce écrit au fond de moi depuis le début, mais que je m'interdisais d'y penser.

La Beea que je connais a toujours haï le Parcours et les règles de Neuf. Elle me l'a toujours dit. Alors comment ne pas penser qu'elle ne rejoindrait pas la résistance, une fois la guerre déclarée  ? La réalité s'est enfin imposée à moi, douloureusement. Ma meilleure amie – ou ancienne meilleure amie  ? – est contre moi, à présent.

Je voudrais me dégager de l'emprise de l'homme qui me retient toujours, pour lui envoyer quelques coups au visage et défigurer son joli sourire, mais je ne peux pas. Je crois qu'au fond de moi, je suis plus déçue qu'en colère. C'était prévisible, non  ? Malgré tout, je me sens trahie.

Ses yeux se posent finalement sur moi, et elle hausse un sourcil parfaitement maquillé. Ses cheveux mauves sont retenus dans un chignon parfait, et je n'ai qu'une envie  : tirer dessus afin qu'elle retrouve sa coiffure d'avant, du moment où nous étions encore amies.

-Brume, dit-elle d'une voix dénuée d'émotion. Je te pensais sur Terre, pas ici.

Ma bouche s'ouvre et se ferme sans que je n'ai pu prononcer un mot. Ma voix s'est comme volatilisée. Je m'attendais à des retrouvailles plus... chaleureuses. Peut-être un sourire, au minimum. Elle m'accueille comme si j'étais une étrangère à ses yeux.

-On vient d'arriver, parviens-je à dire après quelques secondes d'un silence pesant.

Je m'apprête à continuer mais elle claque des doigts en direction des deux hommes.

-Lâchez-les. Ils vont venir avec moi. Ensuite, je déciderai de leur sort. Suivez-moi.

Je déteste le ton hautain qu'elle utilise, mais je suppose que si je le dis à voix haute, cela sera mal reçu. Où se trouve la vraie Beea, celle que je connais depuis des années  ? Elle emprunte un couloir richement décoré et pousse une porte, que je suppose être son bureau, étant donné la manière dont les meubles y sont organisés. Pourquoi les gens font-ils toujours ce geste, celui de nous emmener dans un office pour nous interroger  ? Je trouve cela parfaitement ridicule et inutile. Ce n'est pas cela qui va les aider à se sentir plus puissant.

-Asseyez-vous sur les chaises devant, ordonne-t-elle alors qu'elle prend place de l'autre côté du bureau.

-Je ne pensais pas te voir ici, dis-je, mine de rien.

Elle me lance un regard noir en réponse, et je m'enfonce dans mon siège, mal à l'aise.

Aoutch.

-Et moi, je me demande pourquoi est-ce que tu es venue au quartier général de la résistance, au lieu de celui du Parcours.

Sa question me prend au dépourvu. Il me faut quelque chose, et vite. Comment aurais-je pu imaginer qu'elle me poserait cette interrogation  ? Avec du recul, il est vrai que j'ai toujours montré un intérêt particulier pour le Parcours, alors venir ici est contraire à mes principes.

-Est-ce que tu as déjà été au Parcours, hum... Beea  ? intervient Hunter.

Où veut-il en venir  ?

-Non. La guerre a commencé juste avant que j'y aille.

-Alors tu n'as pas vu ce qu'ils nous font, là bas.

La fille aux cheveux mauves se penche sur son siège, intéressée. D'un signe de la tête, elle ordonne à mon ami de poursuivre son discours.

-Ils nous obligent à nous battre entre nous jusqu'à ce que l'un des deux tombe dans le coma. Et ne parlons pas du Parcours en lui-même. Ce truc-là, c'est de la torture pure et dure. Ce qu'on nous montre sur les écrans n'est pas la réalité.

TERRIENNE (édité)Where stories live. Discover now