TERRIENNE (édité)

Chapitre 22

TERRE

L'arme tombe au sol dans un bruit qui résonne contre les murs. Sa main a tremblé, il suppose. Mais le coup est parti, et est venu se loger à l'endroit précis où il visait. Parfaitement cadré. Du sang s'échappe de la blessure et coule le long de la tempe de Travis, doucement.

Durant plusieurs secondes, Noam reste fixer le garçon devant lui, ses yeux clos et son sourire apaisé. Puis le blond se redresse, s'approche du brun.

Mort. Travis est mort. Lorsque les mots s'inscrivent dans son esprit, il se rend enfin compte de ce qu'il a fait. Il a ôté la vie à ce garçon. L'ami d'Isabella.

Il suppose qu'il devrait ressentir tout un tas d'émotions, du regret, de la honte, qu'il devrait pleurer pour avoir tué quelqu'un. Mais il n'est pas ainsi.

Non, tout ce qui passe dans son esprit calme, à cet instant, est la connerie qu'il a fait. Il a tué quelqu'un alors qu'il ne devait précisément pas le faire. Et il risque de le payer cher.

Le médecin chargé de s'occuper du cas de Travis est parti en pause pour une dizaine de minutes encore. C'est sa chance. Il faut qu'il s'éloigne au plus vite avec l'arme, qu'il la cache, au risque de se faire arrêter. Car même le fils du chef des gardes n'est pas invincible et gracié à chaque erreur.

En respirant par la bouche à cause de l'odeur qui commence à se dégager du corps du mort, Noam se penche afin d'atteindre son arme. Il est étonnamment serein lorsqu'il se relève et sort de la pièce, comme si rien ne s'était passé. Le coup de feu n'a alerté personne.

Les couloirs sont vides de vie, alors il presse le pas afin de s'éloigner le plus rapidement possible. Il ne sait pas encore où il va aller, mais il veut sortir du Bunker 7. Lui aussi se sent traqué, à présent, étrangement. Il n'était pas si anxieux de cela, lorsqu'il devait bouger tout le temps avec ces extra-terrestres, car il savait depuis le début que cette fuite était un leurre. Il sourit en revoyant les visages apeurés de ses camarades de fortune à certains moments de leur périple. Mais à présent, il sait qu'il ferait mieux de se cacher.

Il est arrivé à la porte de sortie du Bunker, prêt à pousser le battant et à se retrouver dehors, lorsqu'il se ravise. Pourquoi panique-t-il, au juste  ? Il n'aura qu'à mentir à son père, et il sera sorti d'affaire. Ses épaules s'abaissent soudainement, comme libérées d'un poids, alors qu'il tourne les talons.

Il faut quelques minutes seulement à Noam pour  rejoindre l'office où se trouve son père. Il ne tremble pas lorsqu'il ouvre la porte. Il est confiant, comme toujours. Invincible. Rien ne peut lui arriver. Il se moquerait presque de sa ridicule idée de s'enfuir.

Noam est la seule personne à pouvoir se permettre de pénétrer dans le bureau de son paternel dans risques. Il y est comme chez lui, ici, tout lui est familier. Du grand bureau en chêne qui occupe une place centrale dans la pièce, jusqu'aux dossiers éparpillés sur les hautes étagères qui menacent de s'effondrer à tout instant. Il connaît tout, ici, à force des heures passées dans son bureau lorsqu'il était petit. En voyant son père si important, il s'est toujours juré de reprendre son poste à sa mort.

-Que veux-tu ?

Les yeux de Noam s'arrachent à la contemplation des lieux pour se poser sur la seule personne présente dans la salle, un homme massif, droit. Ses sourcils bruns sont froncés, et son regard bleu clair, presque blanc, en intimide plus d'un. Mais pas son fils.

Noam bombe le torse, s'approche du meuble en chêne, un matériau devenu rare, à présent. Ses doigts parcourent sa surface lisse.

-Travis est mort, déclare-t-il. L'opération a mal tourné sur lui, j'ai dû l'abattre.