Chapitre 18

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« Cinq jours. »

Ces deux mots résonnent dans ma boîte crânienne au rythme des battements de mon cœur. Il faut que je leur dise, que je l'annonce à Xyla, Hunter, Ethan et Clo. Je ne pourrai pas l'apprendre à Beea ; je ne la verrai pas — plus — étant donné que mon départ est prévu le lendemain matin du Parcours. Je ne la verrai plus jamais et cette pensée me serre le cœur. Elle a été ma première amie, ma meilleure amie, et je ne peux lui dire au revoir.

Une boule se forme dans ma gorge, et je déglutie pour tenter de la faire partir. Sans succès. Je me lève sur mes jambes et traverse le dortoir jusqu'à sa sortie. La porte se referme sur ses gonds dans mon dos alors que je me dirige vers le réfectoire.

Les couloirs sombres sont déserts. Mes chaussures claquent sur le sol dur ; le son qu'elles produisent se répand sur les murs lisses, émettant un faible écho.

Lorsque j'arrive devant le réfectoire et que je pousse les portes, le vacarme assourdissant de la salle immense parvient à mes oreilles, contrastant avec le silence qui m'entourait.

L'endroit est bondé. Pas une seule table n'est libre, et je peine à trouver mes amis. Cela me rappelle mon premier jour ici : seule, perdue comme je l'étais face à tout ce monde inconnu. A ce souvenir, une bouffée de nostalgie m'envahit. C'était il y a si longtemps, j'ai l'impression... Depuis, de nombreuses choses ont changées.

Je finis par apercevoir ma bande à une table. Je marche vers eux, mon plateau dans les mains.

« Dis-leur. Allez, Brume. Il le faut » me susurre ma conscience au fur et à mesure que j'avance.

Je prends place aux côtés de Clo, face à Xyla, et je commence à mâcher en silence, malgré la boule toujours présente dans ma trachée.

« Allez... » me presse ma voix intérieure.

Je la refoule. J'ai l'impression — étrange, certes — que si j'annonce à mes amis que je quitte Neuf à tout jamais, je les « trahis ». J'ai peur de leur réaction, également. Mais, je crois que le sentiment qui me domine le plus et qui m'empêche de tout leur avouer, est la peur d'être confrontée à la réalité. Je ne veux pas les quitter, ne plus jamais les revoir. Je ne veux pas passer le reste de ma vie loin d'eux, mais être ici, avec eux.Tant que je garde cette nouvelle pour moi, je la tiens à distance, elle me paraîtrait presque futile. Et j'ai le sentiment que si je les mets au courant, je devrais affronter cette réalité. Chose que je ne veux pas.

Mes doigts se crispent autour de mon couvert alors que la petite voix fluette dans ma tête me souffle encore de tout leur dire.

-Brume ? Tout va bien ?

Je sursaute légèrement, perturbée de mes pensées, et lève les yeux vers les iris clairs de Hunter, à droite de Xyla. Les regards de mes trois amis — Ethan ne mange pas avec nous, aujourd'hui : il doit s'occuper de blessés.

-Ouais... ça va.

Clo secoue la tête de droite à gauche.

-Je ne te crois pas. Depuis quelques jours, tu es distante, tu parais... ailleurs.

« Non. Pas encore. Ça va venir. »

-Alors, qu'y a-t-il ? Dis-nous, Brume. On est tes amis.

« C'est justement pour cette raison. »

J'avale difficilement ma salive, lâche ma cuillère dans mon bol de bouillie à peine entamée et me rehausse sur ma chaise pour être plus à l'aise. Ils sont tous les trois attentifs, comme avides de savoir ce que je dois leur annoncer.

« Allez... Vas-y, c'est pas grand-chose, après tout » m'encourage la petite voix.

Je passe ma langue sur mes lèvres afin de les humidifier avant de parler.

TERRIENNE (édité)Where stories live. Discover now