Chapitre 7

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Je n'ai pas le temps d'esquisser le moindre geste que la femme face à moi est déjà en train d'appeler des secours pour nous renvoyer de son stand de bijoux.

-Brume, Hunter, nous souffle Noam, va falloir qu'on bouge.

Mes yeux se dirigent vers l'endroit où le blond regarde ; une porte vient de s'ouvrir, et quatre hommes forts, musclés comme ceux du Parcours, en sortent. Ils se mouvent dans notre direction en faisant craquer leurs phalenges, montrant leurs biceps ronds. Je ne vois pas leur visage, puisqu'ils sont chacun recouverts d'un masque noir, tout comme leurs vêtements, des combinaisons qui me paraissent peser une tonne.

-Courrez, murmure à nouveau Noam en me poussant du coude.

Il n'a pas besoin de me le dire deux fois. Je m'élance dans la rue, sans me soucier de savoir si les garçons me suivent ou non. Je cours à en perdre haleine, je cours comme je n'ai jamais couru. Subitement, j'ai à nouveau l'impression de me retrouver au Parcours, à devoir courir, éviter les obstacles qui se dressent devant moi, pour gagner l'argent que je dois à mes parents. C'est comme si tout ce que l'on m'avait appris sur ma planète était fait pour me servir ici. Je me mouve entre les Terriens qui marchent dans la ville, le blond et le brun sur mes talons. Rapidement, mes sens s'éveillent, la douleur de mon combat de la journée s'éteint. Je ne pense qu'à courir, courir pour survivre à ces hommes. Je ne songe même pas à ce qu'ils nous feraient, en particulier à Hunter et moi, s'ils nous rattrapaient. Noam m'a clairement expliqué que notre présence sur cette terre n'était pas la bienvenue.

Je ne sais pas combien de temps je cours ainsi, dans les rues de la ville, guidée par Noam, qui m'ordonne de tourner à gauche ou à droite de temps en temps. Je ne sais pas non plus si nous avons toujours les gardes de cette vendeuse aux trousses, mais je me doute que oui.

Cela doit faire au moins quinze minutes que nous avons entamé notre course effreinée lorsque je me risque à regarder dans mon dos. Grave erreur. Je tape dans quelque chose, qui me ralentit considérablement. Le temps que je me remette en route, les garçons se sont déjà éloignés, et un des hommes se trouve à cinq mètres derrière moi.

-Brume, dépêche-toi ! me hurle Noam en jetant un oeil dans ma direction.

C'est là que je vois une grande ombre se dresser devant lui. Hunter s'arrête, bientôt imité par le blond. Deux des gardes s'avancent, un sourire mauvais sur les lèvres. Je me retourne pour constater que les deux autres se tiennent dans mon dos.

Nous sommes cernés. Les hommes se déplacent vers nous comme des automates, à l'unisson. L'étau se referme petit à petit autour de nous. D'ici quelques secondes, nous serons vraiment pris au piège.

-Qu'est-ce qu'on fait, là ? chuchote Hunter, alors que nous nous sommes disposés en cercle, face aux hommes.

Je secoue dans un premier temps les épaules. Puis, un déclic se fait dans mon esprit.

J'ai déjà vécu une scène comme celle-ci. Avec précisément trois robots, et étant seule.

Le plus rapidement possible, j'analyse la situation. Nous nous trouvons encadrés par quatre masses impossible à combattre. Ils sont grands, carrés, prêts à attaquer. Mon regard se fixe au-delà d'eux : derrière, il y a une ruelle sombre. Noam nous a mis en garde de ne pas y aller, mais c'est notre seule chance.

-Il nous faut une diversion, dis-je. Je les distrais pendant que vous fuyiez, et je vous rejoins après.

-T'es folle ?! On ne te laisse pas contre ces gars, Brume. Ils vont te reduire en pièces en deux secondes ! proteste Noam.

Je secoue la tête négativement, un plan en tête. Hunter, lui, a l'air de m'avoir comprise. Il m'adresse un regard pour me souhaiter bonne chance, et regarde derrière lui, vers la ruelle. Je hoche discrètement la tête.

-A mon signal, vous courrez.

Je pousse les garçons alors que je m'avance moi-même vers nos ennemis. J'ai conscience que c'est presque du suicide, mais c'est le seul moyen de leur échapper. Il faut les déstabiliser. Je tente de frapper mon adversaire au ventre, mais il évite mon coup et m'attrape le bras. Rapide, je me déporte sur la droite et il lâche.

Les gardes semblent surpris par ma tactique ; ils ne bougent plus, comme si cela les surprenaient qu'une fille se batte. Puis, au bout d'une seconde, ils se remettent en mouvement. Mais cette seconde a été suffisante pour Hunter et Noam, qui se sont faufilés dans la ruelle et me font signe de les rejoindre.

Les battements de mon coeur s'accélèrent. Je n'ai pas le droit à l'erreur. Et je n'ai pas non plus le droit de leur montrer que je suis effrayée. Parce que je ne le suis pas. Je n'ai pas peur d'eux.

Toujours face au même garde, je saute et tente de le frapper à nouveau, au visage cette fois, puis, au dernier moment, je me roule en boule et glisse entre ses jambes. Je me relève immédiatement, ignorant les douleurs dans mon corps entier, et cours vers la ruelle.

-Allez, Brume, plus vite ! me crie Hunter, alors que Noam est déjà prêt à s'aventurer plus loin dans la ruelle. Dépêche-toi !

Il tend le bras, et je lui attrape la main, puis nous nous élançons dans la petite rue sombre. Rapidement, je jette un coup d'oeil en arrière ; les gardes ne nous suivent plus, tandis que nous avaçons vers les ténèbres.

+++

Il fait froid, sombre, et l'odeur est insupportable dans la ruelle. Nous avons arrêté de courrir, et maintenant que l'adrénaline est redescendue, je ressens tous mes membres qui me font souffrir.

-Hunter, murmuré-je avec peine au bout d'un moment. Je n'en peux plus.

J'ai à peine terminé ma phrase que je m'écroule au sol, la tête contre un mur, le souffle court. Mes yeux se ferment d'eux-même, et je me retrouve incapable d'esquisser le moindre mouvement. J'ai l'impression d'être en train de mourir à petit feu, et cette sensation est horrible. Doucement, je rouvre les paupières.

Mes deux amis s'accroupissent à mes côtés, et Hunter palpe mes côtes pour vérifier que rien n'est cassé.

-On ne peut pas rester là, souffle Noam en regardant autour de lui. Il faut qu'on trouve une débouchée à la ruelle et qu'on rentre au Bunker.

-Elle est blessée, proteste le brun. Elle a besoin de repos. Donne-lui au moins cinq minutes, ça ne va pas la tuer, si ?

L'autre lui lance un regard noir.

-Tu ne connais pas les ruelles aussi bien que moi, crétin. Si je te dis qu'on doit bouger, on doit vraiment bouger. C'est dangereux et malsain.

Je n'ai pas la force de les interrompre dans leur dispute. Soudain, une porte s'ouvre, et trois silhouettes se découpent hors de l'habitation en face de nous. Les garçons s'arrêtent net de parler.

Les inconnus ne semblent pas nous avoir apperçus. Une voix de femme prend la parole.

-Nous enverrons bientôt une équipe sur Neuf pour étudier les différents cas et voir pour les expériences. Merci de nous avoir prévenus. En attendant, faites en sorte que la fille et le garçon - Brume et Hunter, c'est cela ? - restent en sécurité au Bunker. Nous allons avoir besoin d'eux.

Mon sang se glace dans mes veines en entendant cette phrase. Mais je n'ai pas le temps de réagir que les deux ombres se tournent vers nous, et malheureusement, j'en reconnais les visages.

Mes parents se trouvent face à moi. Et ils viennent d'accepter que des Terriens aillent sur Neuf pour les utiliser, ainsi que mon meilleur ami et moi-même.


TERRIENNE (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant