TERRIENNE (édité)

Chapitre 6

TERRE

Noam entre dans la pièce sombre, les mains dans les poches de son jeans, l'air nonchalant, avant de refermer la porte derrière lui. Devant lui, sa vieille amie et son compagnon le regardent d'un air enragé, assis sur une chaise, les mains et les pieds noués, un foulard devant la bouche afin de les empêcher de prononcer le moindre mot. Les lèvres du blond se tordent en un rictus narquois et moqueur, tandis qu'il s'avance vers ses anciens camarades et leur enlève ce bout de tissus, leur permettant à présent de parler.

-T'es vraiment qu'un connard, Noam.

Isabella a parlé en première. Il s'y attendait, bien sûr. L'autre n'a pratiquement jamais prononcé un mot devant lui, se contenant d'acquiescer de la tête lorsqu'une question lui est posée, et ce depuis que le blond le connaît. Noam s'accroupit devant la fille brune, les mains sur les genoux, et la fixe dans les yeux.

-Ah oui  ? Franchement, Isa, tu ne croyais tout de même pas que j'allais réellement les aider à quitter cette planète alors qu'on a besoin d'eux, si  ?

-Je pensais vraiment que tu étais de notre côté, rétorque-t-elle.

La brune se débat sur sa chaise, mais cela ne sert à rien  : les liens qui relient ses pieds et ses mains sont trop serrés. Le garçon blond se relève et se dirige ensuite vers Trevis. Il a les yeux rivés au sol et tout son corps tremble. Il lui fait tellement pitié, à agir de la sorte, tel un gamin de huit ans. Il l'en frapperait presque.

-Une fois, j'ai lu une phrase dans un livre, lui dit-il. Ça disait «  pour terrasser ton ennemi, mets-toi à sa place et imagine ce qu'il ferait. Puis manipule-le.  » Ça a bien marché, non  ? Enfin, presque. Les deux idiots se sont enfuis. Mais il reste toi, l'aphone.

Il approche sa main des cheveux de Trevis et tire dessus afin de relever la tête du garçon, qui gémit de douleur. Dans ses yeux foncés, il n'y lit que de la peur, et cela le fait sourire.

-Tu sais pourquoi on a besoin de toi, exactement  ? Non  ? Eh bien je vais te le dire. La planète n'est pratiquement plus vivable. On a besoin d'une autre terre. Et quand toi et tes petits amis êtes arrivés, on a enfin vu l'occasion se pointer. Mais ces crétins on pris le chemin inverse avec le vaisseau. J'espère que là-bas, sur votre planète, ils vont bien souffrir.

Brusquement, il relâche sa prise sur la chevelure du brun et s'écarte en s'essuyant les mains sur son pantalon, comme si le garçon était atteint d'une maladie. Ou pire  : qu'il était une maladie, un animal enragé et dangereux.

-Ensuite, quand les scientifiques seront revenus après avoir vérifié que Neuf est habitable, on s'y rendra. On envahira la planète. On tuera tout le monde, ou on réduira certaines personnes en esclavage. Et on y vivra.

Un frisson parcourt le dos de la brune à l'entente de ces mots, mais elle tente de ne pas y faire attention. Envahir Neuf, tuer ces gens qui n'ont rien demandé... Elle se demande si c'est réellement son ami d'enfance qui parle. Il n'a jamais tenu des propos tels que ceci, auparavant, et cela lui donne la nausée. Des souvenirs de l'Ancien temps, des choses qui se sont passées ici, sur Terre, lui reviennent en mémoire. Noam et tous ceux qui l'accompagnent ne prennent-ils pas en compte les horreurs de ce genre qu'il y a eu avant  ?

-Pourquoi être resté avec nous, si tu étais contre nous, alors  ? parvient-elle à demander, la voix enrouée.

-Parce que c'était plus simple et plus drôle, tiens  ! Si je m'étais opposé à Hunter et Brume dès l'instant où ils m'ont vu, ou lorsqu'ils ont appris ce qui se passait ici, pour eux, ils étaient morts. Mais ils avaient tant d'espoir... Surtout elle. Je ne voulait pas tout ruiner. Cela n'aurait pas été drôle. Non, le plus amusant a été de vous faire croire à tous que j'étais de votre côté. A ton avis, pourquoi et comment est-ce qu'on s'en est sortis à chaque fois  ? J'ai prévenu mon père de mon plan, qui était de vous faire courir jusqu'à la Base, avec l'espoir de retourner sur Neuf. Malheureusement, tout ne s'est pas exactement passé comme je le voulais...