♾ CHAPITRE 5 ♾

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Il fait froid. Bien trop froid pour un mois de juin. Ou bien est-ce moi qui suis simplement exténuée et frigorifiée. Ma tête qui me donne des coups incessants m'empêche de comprendre quoi que ce soit à la situation, qui se déroule sous mes yeux. La dernière fois que ça s'est passée aussi fortement, j'étais encore à l'école et c'était sur Jennie, il y a maintenant plusieurs mois. Il y a aussi eu le coup de mon anniversaire, en avril. J'ai brûlé mon gâteau et tous mes cadeaux pour je ne sais quelle raison.

Toutes ces flammes qui naissent dans la maison, elles me font peur. La situation me brûle tellement la tête que le seul moyen que j'ai trouvé pour me soulager, est de tirer mes cheveux de plus en plus fort entre mes doigts moites et tremblants. Et je suis trop petite, trop jeune pour tout ceci. Ma mère essaye tant bien que mal de m'aider alors que papa me regarde comme s'il se sentait coupable de ce problème qui ne comporte aucune solution. Ce contexte me fait tellement peur. Il me paralyse dès qu'il se produit, alors qu'il faudrait au contraire, que je sois concentrée pour améliorer ma maîtrise. Pourtant, je n'y arrive pas, car je ne sais pas comment je dois faire. Je ne comprends pas ce qui se passe dans ma tête, dans mes yeux, ou bien dans tout le reste de mon corps qui créé, sans que je ne lui demande quoi que ce soit, ce phénomène qui est loin d'être naturel. Maman décide de me prendre dans ses bras, alors que je suis à moitié dans les vapes, pour me déposer calmement dans mon lit afin que je puisse dormir.

Je distingue cependant quelques brins de la conversation qu'elle entretient avec papa, qui nous suit de tout près. Je capte certains mots, mais je n'arrive pas à les associer pour en faire une phrase nette et précise. Entre « spéciale », « c'est une descendante », « on ne pourra pas la soigner, c'est comme ça », j'avoue que je n'assimile pas bien ses paroles. Que veut dire papa ? Que je ne suis pas normale ? Que je suis malade et que je vais mourir ? J'ai peur, si peur de ce que l'avenir me réserve.

Impossible pour moi de retenir les larmes qui se forment sans difficulté, pour finir leur route sur mes joues éteintes de petite fille. Une fois que maman m'a bordé avec tout son amour et que papa a déposé le plus doux de ses baisers sur mon front brûlant, ils partent en direction du salon, comme à chaque fois qu'ils ont une situation de crise à résoudre. Seulement ce soir, malgré mon état déplorable, l'adrénaline qui envahit mon corps me permet de me relever pour aller espionner avec discrétion, ou pas, ce qu'ils se disent entre adultes. Arrivée dans le coin du mur reliant le salon au couloir menant aux chambres, je m'installe sans un seul bruit pour écouter mes parents. 

- Tu ne comprends pas Jade, on ne peut rien faire pour elle ! Tu as vu la couleur de ses pupilles, l'heure est arrivée depuis longtemps maintenant, envoie violemment papa.

- Parle moins fort s'il-te-plaît, tu risques de la réveiller ! Je sais que ça devait arriver, mais je n'ai pas envie de l'abandonner, c'est notre fille !

- Je n'ai jamais parlé de l'abandonner, il faut juste la placer au Sanctuaire, il est temps... Et Rosalia saura la gérer, l'éduquer avec son don et surtout la protéger !

- Non, jamais je la laisserai dans cet endroit Stefan, il est hors de question qu'on me retire ma fille. Je vais continuer de lui faire l'école à la maison !

- " Cet endroit " que l'on a nous-mêmes fréquentés, je te rappelle, s'emporte-t-il. On a pas vraiment le choix, c'est pour son bien. Il faut qu'elle apprenne à manipuler sa capacité ou elle pourrait faire du mal autour d'elle et même se tuer. Et puis, elle doit être impérativement liée à William !

- Je sais, mais on a pas besoin d'en arriver jusque là, je suis certaine qu'on peut s'en sortir tous les trois, essaye d'insister maman.

- Arrête ! Toi-même tu ne crois pas à ce que tu dis et je ne vois pas en quoi c'est si terrible de la placer là-bas, nous y avons très bien vécus notre scolarité !

- Parce que je rêvais d'une vie normale pour elle, dans une école normale, où elle aurait pu se faire pleins d'amis normaux. Pas une école remplie de créatures magiques avec des pouvoirs en tout genre, s'emporte maman. Elle n'a que neuf ans Stefan !

- Il faut que tu te calmes. Nous ne sommes pas normaux, comment voulais-tu qu'elle le soit ?

- Je ne sais pas, j'espérai que peut-être elle aurait été épargner.

Il a fallu que je marche bêtement sur un jouet bruyant se trouvant à mes pieds, pour que je sois démasquée de ma cachette pas si originale que cela. Papa s'approche de moi en me demandant ce que je fais ici et il m'oblige à aller me recoucher tout en contrôlant la température de mon front, qui daigne apparemment baisser. Une fois installée de nouveau dans mon lit, recouvert d'une parure rayée rose et blanche des plus simples qui soit complétée par toutes mes peluches, notamment Nunuk, ma souris fétiche, j'essaye d'avoir une réaction à l'écoute de cette discussion tempérée, qui vient de se dérouler devant moi. Seulement, rien ne vient à part le fait que j'ai réellement un problème. Je les entends encore au loin qui continuent leur dispute sans saisir les mots qui sortent de leur bouche, alors que j'aimerai y comprendre quelque chose. Puis en une fraction de secondes, le bruit sourd de la porte d'entrée qui claque résonne jusqu'à mes oreilles. C'est alors que la peur s'empare encore une fois de mon si petit être, car quelqu'un est parti. Papa ou maman ? Pourquoi ? Est-ce de ma faute ? Parce qu'à cause de moi, il y a d'énormes dangers qui pèsent sur la famille ? Et puis, pourquoi disent-ils qu'eux non plus ne sont pas normaux ? Que sont mes parents ? Et moi, qu'est ce que je suis ?

Je ne comprends strictement rien et toute cette histoire commence à m'embrouiller l'esprit. Ce n'est pas juste qu'à seulement neuf ans, autant de questions se bousculent dans mon cerveau déjà trop endommagé par les évènements récents. Je sens que le sommeil me rattrape avec force. Mes paupières humides et lourdes se ferment toutes seules, mais elles ne m'empêchent pas de sentir l'amour et la tendresse mixées des bras forts de mon papa, qui m'enroulent doucement. J'en conclue que c'est maman qui est partie. C'est à ce moment que ma respiration se coupe. Je n'ai plus d'oxygène, je suffoque de plus en plus. J'ai peur, je ne veux pas mourir et pourtant, j'ai la sensation que tout est en train de m'échapper, quand c'est le trou noir...

La Malédiction d'une Créature (T1)Where stories live. Discover now