Chapitre 9-1 : Assassin

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Le libraire bondit de sa chaise et s'enfonça précipitamment dans la pièce du fond. Je restais plantée là, tandis qu'il venait de me fuir comme si j'avais la peste.

– Super, murmurai-je.

Alors que je m'adossais au comptoir, Lucy revint vers moi chargée de multiples livres. Elle fronça les sourcils devant l'absence de personnel. Je lui indiquais la pièce de l'index.

– Donc il en reste en réserve ? se réjouit-elle.

– Non, en fait...

Je n'eus pas le temps de finir ma phrase, puisque l'homme plaqua un gros bouquin poussiéreux à côté de moi. Le livre en question était justement le manuel recherché. La couverture inhabituelle me surprit, et Lucy était tout aussi perplexe que moi.

Je la frôlais du bout des doigts. Il en ressortait une impression de dureté, comme si la couverture avait été taillée dans une pierre précieuse. Sa couleur orangée reflétait légèrement la lumière, tout comme les quelques mots gravés dessus.

– Des Scriatés ! s'étouffa Lucy.

Je lus très facilement Répertoire des Livres D. J'interrogeais l'homme du regard, mais il m'ignora et fourra le livre dans un sac.

– Je vous les offre, déclara l'homme en me mettant le sachet dans les mains. Mais, mademoiselle Weyl, sachez bien que vous ne devez donner ce livre à personne, compris ?

– Comment ? Quoi ? Attendez...

L'homme n'écouta pas mes protestations, vérifiant quelque chose sur sa tablette. Une lueur de panique traversa ses pupilles, et il nous attira brusquement vers la sortie. Lucy protesta, brandissant un livre qu'elle souhaitait acheter. L'homme le lui donna gratuitement et nous poussa sur le pas de la porte, puis la referma dans un claquement. Il venait de retourner un panneau, sur lequel était inscrit "Fermé".

Une vieille dame avec un foulard rose nous toisait d'un air mauvais, tout en murmurant une injure contre les jeunes d'aujourd'hui. Lucy et moi restâmes bouche bée devant le magasin. 

Ma meilleure ami se ressaisit la première, m'amenant à l'abri des regards pour examiner l'étrange livre. Une fois cachées dans une étroite ruelle, Lucy prit délicatement le bouquin que e lui tendais.

– C'est bien ce que je pensais, murmura-t-elle en caressant doucement la couverture.

– Quoi ? lui demandai-je, confuse.

– C'est du Bois d'Ambre, affirma-t-elle en désignant le livre.

– Du Bois d'Ambre ? m'étonnai-je. Qu'est-ce que c'est ?

– Tu vois, les Livres D sont fabriqué dans un bois spécial, inconnu jusqu'à ce jour. On l'appelle Bois d'Ambre, à cause de sa couleur orangée. Plusieurs arbres connus seulement des Clans comme les Arbres d'Agate, ou les Arbres d'Ambre existent. Ceux-là sont une hypothèse, puisqu'on ne connaît que le Bois d'Ambre des Livres D. On ne sait pas non plus d'où viennent les graines des Arbres d'Agate de Light.

– Minute, si c'est du Bois d'Ambre, alors ce manuel est un Livre D ? m'exclamai-je.

– Peut-être. En général, il est inscrit sur les Livres D que c'en est un. Par exemple, sur celui des Raven il est noté que c'est un livre d'élixirs. Mais là ce sont des Scriatés, alors je ne sais pas.

Répertoire des Livres D, lus-je. C'est ce qui est noté.

– Donc ce n'en est a priori pas un.

Elle me remit le manuel dans les mains et fouilla dans son propre sac. Elle en sortit un manuel, qu'elle compara avec le mien.

– C'est le manuel Répertoire des Livres D connus que j'ai acheté il y a plusieurs semaines. Regardons les différences.

Déjà pour la couverture, seule la phrase en Scriatés et le Bois d'Ambre étaient différents. Mais l'illustration en dessous était identique, de même que la tranche et le dos. Tout était exactement pareil, y compris les textes inscrits dans les livres eux-même.

– C'est vraiment étrange, commenta-t-elle. Comment un livre comme celui-ci peut exister ? Et qui pourrait l'avoir écrit ?

– Le mieux serait de demander au propriétaire de la librairie, non ? proposai-je en repensant à l'homme à lunettes.

– Vu comment il nous a fichu à la porte, je ne pense pas qu'il voudra nous donner des réponses, soupira Lucy.

– C'est vrai, concédai-je. Mais je pense que nous devrions tout de même tenter le coup, tu ne crois pas ?

– On peut toujours essayer, fit-elle en haussant les épaules.

Nous fîmes donc demi-tour. Mais quelque chose avait changé. Alors que l'on s'approchait, on pouvait entendre des exclamations, des cris d'affolements et des pleurs. 

Je fus estomaquée en arrivant près de la boutique. Une foule s'était agglutinée devant la porte, et on pouvait entendre des gens ordonner aux Lumières de reculer.

– Autant de protestations parce qu'il a subitement fermé ? s'étonna Lucy.

Nous essayâmes de nous approcher un maximum, mais la foule bloquait le passage. Je dus me faufiler sous les jurons de quelques personnes pour arriver devant un cordon rouge. Là, ce qui s'apparentait le plus à des policiers en uniforme gris barraient la route.

– Mais qu'est-ce qui se passe ? murmurai-je plus pour moi même.

– Ce n'est pas possible ! criait quelqu'un.

– Mais que s'est-il passé ? disait un autre.

– Donnez-nous des réponses ! hurla une autre.

Le deuxième policier siffla un coup tellement fort que mes oreilles sifflèrent.

– Ça suffit ! cria-t-il. Mesdames et messieurs, je vous prie de bien vouloir vous disperser, ce n'est pas un spectacle ! La librairie est actuellement fermée !

Alors que tout le monde protestait, un individu se faufila en dessous des cordons. Il réussit à retirer le drap masquant la fenêtre, et hurla d'un seul coup. Un policier jura et l'attrapa par le col pour le sortir de là.

– Il... il est mort ! s'écria l'individu. Le propriétaire de la librairie vient d'être assassiné !

– Quoi ? protestèrent de nombreux gens en reculant, frappés d'horreur.

Je n'en attendis pas plus, car je venais aussi de voir la scène de crime à travers la vitre. Elle était complètement brisée, comme si un boulet de canon l'avait percutée. Le corps de l'homme à lunettes, le propriétaire la librairie, était étalé par terre. Ses membres formaient un angle étrange, tandis qu'il était mutilé à de nombreux endroits.

Sa tête avait été arrachée, son corps couvert de sang. Dès que je vis la scène, je ne pus me retenir de partir en courant. Lucy m'attrapa au moment où je la retrouver, loin de foule. Je la fixais, hébétée et choquée.

– I-i-il est mort ! bégayai-je. Le propriétaire de la librairie ! Je viens de voir son corps étalé par terre !

– C'est pas vrai, murmura Lucy en mettant ses mains sur sa bouche.

Je la comprenais, moi même je sentais la nausée m'envahir. Voir un corps mort était une première pour moi, et même si j'en avais déjà vu à la télé, la réalité était bien plus horrible. 

Mon cœur battait à toute vitesse, encore secoué parce qu'il venait de ressentir.

– Il faut vite partir, déclara Lucy en vitesse.

– Pourquoi ? demandai-je, la nausée planant au dessus de ma tête.

– Ça a du avoir lieu il y a quelques minutes, donc les policiers vont vite boucler les alentours pour chercher des témoins.

– Mais... protestai-je.

– Tu ne comprends pas ? s'énerva Lucy, sous tension. Ce sont nous les derniers à l'avoir vu en vie ! C'est nous les derniers clientes !

Mutante - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant