Chapitre 23-1 : Bleus glacés

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Je mange de la compote. Les autres enfants devant moi mangent une glace à la fraise, vanille ou chocolat. Moi j'ai déjà pris un petit biscuit, alors on m'a donné de la compote. Nous sommes tous assis autour d'une table. Nous n'avons pas tous le même âge, mais je sais que je suis la plus petite.

J'ai trois ans maintenant. Je ne me souviens pas vraiment de ce qu'il s'est passé avant que tous les enfants, moi y compris soyons amenés ici. Mais je sais tout ce que les dames qui s'occupent de nous ont dit. 

L'histoire est différente pour plusieurs d'entre nous. Moi, je viens d'une petite ville qui s'appelle Avelin, dans le nord du pays France !

Nous ne sommes pas tous du même pays ici, alors les dames nous parlent dans plusieurs langues. J'ai un copain. Lui, il vient d'Amérique, mais il sait parler français et anglais. Il m'a dit que sa mère est française, du coup il sait parler les deux langues.

Il s'occupe beaucoup de moi, même s'il est plus âgé que moi. Lui il a sept ans maintenant. Ce sont ses parents qui l'ont amenés ici. Il m'a dit qu'il a une maladie que les hommes en blanc peuvent soigner. Mais lui ça fait trois ans qu'il est là, alors que moi ça fait deux ans. Il connaît tout par cœur, alors il m'a appris où se trouve chaque pièce, chaque recoin.

Il me manque. Ça fait une semaine que je ne l'ai pas vu, je me demande où il est. J'aime beaucoup ses cheveux, ils ont une belle couleur dorée, les miens sont de la même couleur que le chocolat. C'est bon le chocolat, surtout les gâteaux ! Mais ses yeux aussi sont jolis.

Les miens sont noirs, les siens sont bleus glacés.

Je me réveillai en sursaut. Je me rendis compte qu'une larme coulait sur mon visage. Qu'est-ce c'était ça, un souvenir ? J'essayai lentement de me lever, mais j'avais un horrible mal de tête. Je me rappelai alors de ce qu'il s'était passé et vit avec soulagement que le fluide avait disparu. 

Je me trouvai sur le canapé, dans le sous-sol où m'avais emmené Miller après le combat contre Cathleen.

Je restai assise pour ne pas m'évanouir de nouveau. Lucy et Miller étaient toujours là debout devant moi, ça ne devait donc pas faire longtemps que j'étais dans les pommes. Dans le doute, je leur demandai tout de même. Lucy me répondit.

– Dix minutes. Le temps pendant lequel tu as utilisé le fluide, remarqua-t-elle.

– C'est exact, confirma Miller. Comme les deux autres fois, tu t'évanouis dès que tu stoppes le fluide. Mais c'est vraiment étrange que cela ait pris autant de temps.

Oui, pourquoi n'avais-je pas réussi à stopper le fluide ? C'était le contraire les deux autres fois, où je n'avais pas réussi à le maintenir.

– Amy, tu pleures ? s'étonna Lucy.

En effet, des larmes roulaient sur mes joues. Pourtant, je ne me sentais pas triste, alors pourquoi pleurais-je ? Était-ce à cause de ce rêve ? Ce garçon, auquel je pensais pendant mon rêve, je n'arrivais pas à me souvenir de lui. Pourtant, il me manquait.

La certitude que mon rêve était un souvenir devenait de plus en plus forte. Et si j'étais en train de retrouver mes souvenirs ? Ce serait génial ! Je pourrais enfin avoir des réponses ! Mais alors que l'espoir me traversait, la réalité me rattrapa.

– Je deviens un Mutant... murmurai-je désespérément.

– Amy, ne dis pas ça ! s'exclama Lucy.

– C'est vrai, renchérit Miller, rien ne laisse penser que tu mutes. La preuve, seul le fluide est apparu. Il doit y avoir autre chose.

– Non, c'est forcément ça. Ça ne peut pas être autre chose ! m'écriai-je follement. Non, je ne veux pas, je ne veux pas...

J'enfouis ma tête dans mes mains et de véritables larmes commencèrent à couler sur mes joues. Ce n'était pas les mêmes que celles provoquées par mon rêve, mais des larmes de frustration. De peur.

– J'en ai marre de ne rien savoir ! Marre d'avoir des questions et pas de réponses ! Et si je devenais un Mutant, je perdrais le contrôle et je pourrais...

Ma voix s'étrangla et je ne pus poursuivre. Lucy et Miller avaient bien compris ce que je voulais dire. Si je devenais un Mutant, je pourrais leur faire du mal. Les Mutants deviennent incontrôlables à la fin de la mutation. Lucy s'assit à côté de moi.

– Amy ! s'exclama-t-elle en m'empoignant les épaules et en me forçant à la regarder. Ne dis pas des choses aussi insensées ! Seuls les animaux sont capables de muter, pas les humains ! Pendant des millénaires, aucun de ces cas n'est apparu, il n'y a donc aucune raison pour que cela arrive aujourd'hui, compris ?

Je secouai la tête.

– Tu n'en sais rien, répliquai-je. Des humains ont pu muter sans que personne ne soit au courant.

– Peut-être, concéda Miller.

Mais il détourna sa réponse.

– Des humains pourraient peut-être muter.

Énoncer cette perspective à voix haute me fit froid dans le dos. Cela ajouta encore plus à mon malheur.

– Amy, continua Miller. J'ai dis peut-être.

– On avancera à rien avec des peut-être, marmonna Lucy en se levant du canapé.

Elle avait raison. Mais à ce moment, j'étais trop préoccupée. Je deviendrais un danger si je mutais. Pis, je pourrais tuer mes amis sans m'en rendre compte, et on devra me tuer. J'imaginais déjà les gros titres, « La fille de L'Épéiste de la Brume s'est transformée en Mutante », « Un humain mute pour la première fois ! ».

Je serrai les bras autour de moi, ayant soudainement la nausée. Miller et Lucy discutaient du fait que ce soit possible ou non. La clé, mes souvenirs. Seuls mes souvenirs pourraient m'aider. Si seulement, si seulement je les avaient ! Si seulement je pouvais parler à mon père, voir ce que ces scientifiques ont fait... Mais oui !

Les scientifiques. Il doit bien y avoir des rapports sur ce qu'ils ont fait ? Mais comment obtenir ça ? Il me faudrait l'aide... d'un Lumen Warrior.

– Professeur Miller, intervins-je. L'incident de l'île d'Ewa reste très flou, les Lumen Master y ont veillé. Mais dans ce cas-là, il devrait bien y avoir des rapports, non ? Quelque chose sur ça ? C'est ma mère qui a découvert cette île, elle m'a dit qu'elle avait fait un rapport !

– Amy, même s'il y en a, je ne doute pas qu'ils sont bien cachés. Et seul un Lumen Master peut y accéder, puisque même moi je n'en avais jamais entendu parler.

– Je vois, murmurai-je, abattue. Mais vous ne connaissez personne qui pourrait se renseigner chez les Lumen Master ? Dans tous les cas, il doit bien y avoir une salle d'archive ou quelque chose dans le genre, non ? Où sont stockés les rapports ?

Ma voix teintée d'un espoir désespéré n'échappait à personne.

– On n'est même pas sûr qu'il y ait des rapports papiers ! Tout est quasiment stocké sur ordinateur maintenant, objecta Miller.

– Mais pas forcément il y a douze ans, fit remarquer Lucy. Et les ordinateurs, ça se pirate. Même les plus sécurisés. La chance qu'il y ait un rapport papier est plus grande qu'un rapport informatique.

Miller passa sa main dans ses cheveux en soupirant. Lucy, elle, se rongeait les ongles quand elle était face à un problème difficile.

– Il y a une salle d'archives, répondit finalement Miller. Je peux y accéder. J'irai voir, mais je ne vous promets rien !

Un sourire parcourut tout de même mon visage. J'avais eu raison de faire confiance à Miller. En espérant qu'il ne nous trahirait pas.

Mutante - Tome 1Where stories live. Discover now