Chapitre 42-1 : Phobie

2.5K 310 46
                                    


Nous restâmes un moment à regarder bêtement le fond du trou – que nous ne voyions pas – à attendre Miller. Il devait nous faire signe que tout était OK. Je commençais doucement à être stressée et excitée à la fois, nous ne savions vraiment pas sur quoi nous allions tomber. La voix de Miller nous parvint d'en dessous.

– C'est rempli de toiles d'araignées ! s'exclama-t-il en toussant. Et de poussière !

Je devins blanche à vue d'œil. Je le compris grâce aux visages interloqués de mes amis. Enfin, surtout celui du rouquin, Lucy venait de comprendre.

– Ton arachnophobie. Ça va aller, tu passeras en dernière, on fera le ménage avant, d'accord ?

J'acquiesçai doucement. J'avais toujours eu peur de ces bestioles là, et uniquement elles. Pas des cafards ou des autres bêtes, mais uniquement des araignées. Et tout ce qui s'y rattachait. Pour ne rien arranger, j'étais allergique aux piqûres. Et allez savoir pourquoi, mais l'été ces bestioles de malheur prenaient un malin plaisir à me rendre visite la nuit ! Je me retrouvais le matin avec une tonne de boutons, si bien que pendant cette saison ma chambre puait l'aérosol anti-araignée ! 

Ce n'était donc pas de tout cœur que j'allais me jeter là-dedans, et mon excitation prit une douche froide. Je déglutis difficilement, me répétant qu'elles ne me mangeraient pas. Mais le pire, ce n'était pas quand on les voyait, mais quand on les perdait de vue ! 

Zéphyr descendit l'échelle après Miller, qui avait enfin atteint le fond. Il nous avait déclaré ne rien voir en particulier, seulement un long couloir. Le rouquin plongea lui aussi dans les ténèbres, puis ce fut au tour de Lucy. Le ventre noué, je m'engouffrais juste après dans le noir. Mon cœur battait la chamade, et je faillis hurler quand mon bras effleura une toile d'araignée. Je tentai de contrôler ma respiration, mais mon arachnophobie me rattrapait sournoisement. 

Je m'arrêtai, en proie à une crise de panique. J'entendis Miller m'appeler d'en bas. J'étais quasiment certaine qu'ils pouvaient m'entendre haleter sans raison. J'entendis Lucy me rassurer, m'assurant que tout allait bien.

– Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Miller.

– Elle a peur des araignées, l'informa ma meilleure amie.

J'avais l'impression de sentir les bestioles marcher sur mon dos, pour aller vers ma nuque, alors que je savais pertinemment que ce n'était que mon imagination. Les sensations de fourmillement sur ma colonne vertébrale me paraissait tellement réelles. Mais je ne pouvais rien y faire, la peur me paralysait et m'empêchait de réfléchir correctement. Je fermai les yeux si fort que j'en avais mal. L'air devenait de plus en plus étouffant. Lucy continuait de me lancer des paroles douces et apaisantes, mais mon cerveau refusait de l'écouter.

– Amy, intervint Miller. La peur, c'est dans ta tête, uniquement dans ta tête. Rappelle-toi la manticore, le gremlin, l'airavata. Tu les as tous les trois combattus, alors qu'ils étaient beaucoup plus dangereux. Rationalise. Est-ce que une petite bestiole comme ça peut te tuer ? Réfléchis bien.

Je tentai d'assimiler les dires de Miller, de me calmer. Je sentais mon cœur s'apaiser, et tout doucement je pu retrouver ma liberté de mouvement. Je descendis encore quelques barreaux, mais une sensation de picotement me stoppa net dans mon élan. Je la sentais venir de mon bras, puis remonter sur mon épaule et passer derrière ma nuque. Et celle-là était bien réelle.

Je hurlai de peur, et bougeai dans tous les sens. Non, non ! Je paniquai, n'arrivant pas à enlever la bestiole qui s'insinuait dans mon dos. Lucy me hurla de lâcher prise, mais mes mains étaient complètement crispées sur les barreaux. Je donnais des coups dans le vide, espérant chasser cette horrible sensation. Mais déjà mon cerveau imaginait la bête s'infiltrer dans mon corps, provoquant une forte nausée subite. Comme un système d'auto-défense, j'activais le fluide. 

Je pu alors me concentrer pleinement sur l'araignée qui parcourait mon corps, et ce fut cela le problème. Je me rendis compte qu'il n'y en avait pas une, ni deux mais trois autour de moi ! Je hurlai de toutes mes forces, complètement paniquée par ces horribles bestioles. Je continuai en vain de donner des coups dans le vide, quand mon pied glissa du barreau. Je sentis alors mon cœur quitter ma poitrine, et je tombai dans le vide.

Ma chute fut dure, provoquant une douleur lancinante dans mon postérieur. J'avais atterri sur les fesses. Mais même en bas, j'avais toujours cet horrible picotement qui parcourait mon échine. Avec un effort incommensurable, j'enlevai mon haut, retenant ma respiration. Lucy voulut s'approcher de moi, mais Miller l'en empêcha. Je pu enfin enlever l'horrible bestiole, qui tomba à terre. Immédiatement, elle fonça à toute vitesse dans un trou dans la roche. Je pu souffler, mais ma respiration était toujours saccadée. 

Je cherchai des yeux l'araignée, m'attendant à la voir m'attaquer à tout moment. Cette fois-ci, Miller s'approcha de moi en me parlant doucement, comme on parle à un animal apeuré. Mais à chaque fois qu'il faisait un pas, je reculais. Pas parce que j'avais peur, non. 

Seulement parce que je voulais, enfin mon instinct, m'intimait de l'attaquer, tout de suite. J'arrivai quand même à garder une part de rationalité, qui m'ordonnait elle de lui faire confiance. Le souci, c'est que j'avais plus tendance à écouter mon instinct. Alors pour éviter de blesser quelqu'un, je m'enfuis à toute vitesse dans les couloirs. Je parcourus le dédale aléatoirement. Enfin, pas tant que ça, j'avais l'impression de chercher quelque chose. Ou du moins, mon instinct était attiré.

Je ne savais pas ce que c'était ,je choisissais les bras de couloirs à emprunter presque inconsciemment. Mes pieds martelaient la roche dure, je m'éraflai un bon nombre de fois sur les parois irrégulières. Ça y est, je commençais à déduire ce que je suivais. Une odeur étrange, une sorte de mélange de différents parfums arrivait à mes narines. Cela sentait la cendre, mélangé à une odeur de noix de coco, comme mon shampoing, et de pourriture. Le mélange était écœurant. 

Mais ce n'était pas qu'une odeur que je suivais, mais aussi un bruit. Il était strident, allant jusqu'à se répercuter de mes oreilles jusqu'à la pointe de mes pieds. Toute mon attention était focalisée sur ces sens, si bien que mon arachnophobie fut remplacée par ce besoin oppressant de trouver la source de ces sensations. Quand je pris un autre embranchement de couloirs, je tombais cette fois-ci sur une immense pièce. Enfin, immense n'était pas le mot adéquat. Gargantuesque, ça, c'était plus adapté. Elle était plus haute qu'une cathédrale, plus large que la salle de sport, et circulaire. 

Mais surtout vide. Je cherchais des yeux la source de l'odeur et des bruits. C'est là que je me rendis compte qu'ils étaient encore plus forts. Mais ce n'était pas progressif, je fus d'un seul coup assaillie par ces sensations qui m'étouffait presque. C'était comme des présences invisibles. Mes genoux cognèrent le sol, une douleur atroce me parcourut le dos, me faisant hurler de douleur. Les larmes ruisselaient sur mes joues, mon dos me tirait comme s'il voulait s'en aller, quitter mon être. 

Je me mis en position fœtale. J'étais tellement obnubilée par l'odeur et le son, que je ne m'étais pas rendue compte que mon dos me faisait souffrir depuis plusieurs minutes. Comme un avertissement pour me faire signe d'arrêter le fluide, maintenant il me le faisait payer. A moins que ce ne soit comme une prière pour me dire que je souffrirais si je continuais d'utiliser le fluide. 

Quoi qu'il en soit, un sifflement encore plus aigu et strident que le son que je suivis parcourut ma tête, provoquant des spasmes dans tout mon corps. Ma tête cogna d'elle même sur le sol, cherchant à atténuer la douleur qui la traversait. J'étais quasiment en train de m'asphyxier, et ma vision se brouilla. 

Enfin, comme une délivrance, je perdis conscience.

Mutante - Tome 1Where stories live. Discover now