Chapitre 36-3 : Scanner

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En y regardant de plus près, je me rendis compte que des fils étaient disposés un peu partout à hauteur des bibliothèques. Pour empêcher de descendre, en somme. Ou de monter. Ils avaient beau être dispersés loin les uns des autres, ces sortes de rayons pouvaient être efficaces si l'on n'y prêtait pas attention. Ça allait me compliquer la tâche. Rilvan ne devait pas savoir cela. Peut-être la sécurité avait été renforcée après son intrusion. Cela ne m'étonnerais guère.

Je remerciais mon excellente vue, accrue depuis que j'utilisais le fluide. Il fallait croire que cela avait de bons côtés.

L'ababil les avait habilement évité, mais moi j'étais beaucoup plus grande. J'examinai où je pouvais passer, et décidai de me frayer un chemin plus loin. Je descendis progressivement, très lentement pour ne pas prendre de risque. Mon dos me faisait mal, et les tendons de mes bras étaient complètement crispés. L'escalade fut ardue, et je dus prendre la douleur sur moi. J'eus énormément de mal à attraper le livre, mais tins bon quand même. Sans le fluide, et même avec la lumière, je n'aurais pas pu faire cela. Quand enfin je remontai sur le dessus du meuble, je m'allongeai en soupirant.

Mes bras me faisaient très mal, à cause de la crispation et de la tension accumulées par l'escalade. Je ne sentais plus beaucoup mes mains. Je réussis quand même à ouvrir la photocopie du Livre D, qui était bien le bon à mon grand soulagement. L'ababil tournoyait toujours dans les airs, fouillant les recoins pour trouver l'autre livre. J'ouvris alors celui posé sur mes genoux, et cherchai la recette qui m'intéressait. La première de couverture était couverte de poussière, et les pages émirent des craquements quand je les passai. Cela me confirma que le livre n'avait pas été ouvert depuis des lustres.

Je le feuilletai pendant cinq bonnes minutes, et trouvai enfin quelque chose. Il s'agissait de plusieurs pages sur le brouillage de caméra. Je sortis mon scanner de poche, et l'activai. Je le couvrais avec ma veste, pour ne pas que l'on voit la lumière qu'il produisait. Je sélectionnai deux recettes intéressantes, et enfouis le scanner dans ma poche. 

Je me relevai et allai redisposer le livre à sa place. Le chemin fut moins dur, je savais par où me faufiler. Mais mon corps me le fit sentir passer. Demain j'allais avoir très mal. Plus j'utilisais le fluide, et plus mon dos était douloureux. Je pensais à ce qui était en train de pousser, et une sorte d'angoisse m'envahit. Je refoulais ces idées, me concentrant sur ma tâche.

Après avoir fini, je cherchai l'ababil des yeux. Il m'attendait sur une autre bibliothèque, perché sur un livre qu'il avait à moitié sorti. Je sautai jusqu'à l'endroit, et regardai de quoi avait l'air le livre. Il était minuscule, donc facile à porter. Tant mieux. L'ababil revint vers moi, et se posa sur mon épaule. Au vu de la taille du livre, je lui demandai d'essayer de le récupérer. 

Je transmis mentalement l'image de lui s'envolant avec le livre, ce qu'il fit directement. Il revint ouvrage entre les serres, tout fier de lui. Une fois le livre en main, je jetai un rapide coup d'œil à l'intérieur. Cela parlait de formules physiques, même moi je n'y comprenais rien.

Je ne savais pas que Rilvan était féru de physique. Je m'interrogeai vraiment sur le pourquoi du comment, mais une douleur dans le dos me rappela à l'ordre. Je n'avais plus beaucoup de temps. Je scannai la recette qu'il voulait, et demandai à l'ababil de ranger le livre. Je sautai une dernière fois de bibliothèques en bibliothèques, et ré atterri sur la plate-forme en bois. 

Je jetai un dernier coup d'œil à l'immense réserve. C'était beaucoup trop facile. Cela me dérangea, mais ma conscience me souffla que ce n'était pas forcément toujours compliqué. Si Mme. Riss était effectivement de mon côté, cela expliquait cette facilité. Enfin, la douleur que je ressentais dans mes membres ne comptait pas pour rien non plus.

L'ababil attendait à côté de moi, tête penchée sur le côté. Alors je lui déclarai mentalement qu'il pouvait partir. Il ne demanda pas son reste, et s'envola très rapidement par la fente du toit. Mais pourquoi m'avait-il aidé ? Les questions se bousculaient dans ma tête, mais j'avais tout le temps plus tard pour y penser. Je décidai donc de laisser mes ruminements de côté, et donnai trois coups distincts sur la porte. C'était notre signal. 

Maintenant, j'avais un problème bien plus urgent sur les bras. Le fluide. Il fallait que je sorte de la réserve, que Rilvan ne me regarde pas dans les yeux, et que je me cache pour une bonne heure. J'entendis la lumière s'éteindre, et Rilvan ouvrit la porte. 

Je me glissai rapidement dans le noir et me cachai. Rilvan ralluma la lumière, et me parla à travers la bibliothèque. Mes bras me faisaient mal, mon dos me tirait atrocement, il me fallait vite en finir.

– Tu l'as ? me murmura Rilvan.

Je lui tendis son scanner sans un mot, qu'il prit rapidement.

– Je t'imprimerai ta recette. Bon, pour sortir...

– Pas la peine, le coupai-je, essoufflée. Je vais y arriver seule. Sors en premier et dis-moi juste s'il y a quelqu'un.

On aurait dit que je faisais une crise d'asthme. Je tenais ma poitrine avec ma main. J'avais de plus en plus de mal à respirer. Si Rilvan était étonné, il ne le parut pas. Mais il hocha la tête et sortit sans un mot. Je le remerciai mentalement de ne pas me poser de questions, il me rendait un fier service. 

Je passai rapidement sous l'œil des caméras, avec le fluide je pouvais sans mal les éviter. J'atterris à côté de la porte, que Rilvan m'ouvrit au bout d'un moment. Je me glissai en dehors de la réserve, sans croiser son regard. Il ne chercha pas à me poursuivre. Une main frôla soudainement mon bras, et un chuchotement retentit dans mon oreille.

– Faites toujours attention, me déclara Mme. Riss.

Je me retournai brusquement, cheveux cachant mon visage. Mais la bibliothécaire avait déjà disparu, sans que je n'ai le temps de lui poser la moindre question. Mais ses propos me confirmèrent qu'elle ne cherchait pas à me nuire. Sinon, à quoi bon me dire cela ? Mon dos me rappela une nouvelle fois à l'ordre, et ma respiration saccadée également.

Je sortis du bâtiment en trombe. Ma vision se brouillait complètement, je manquais de plus en plus d'oxygène. Je courus presque vers la forêt. Une fois à l'intérieur, dans un ultime effort je grimpai dans un arbre. Là-haut, enfin, je m'écroulais.

Mutante - Tome 1Where stories live. Discover now