Mutante - Tome 1

Chapitre 38-2 : Tissus

J'affrontai mon regard dans le reflet du miroir. J'essayai d'y lire de la détermination, mais tout ce que je voyais, c'était une personne apeurée. Je me répétais inlassablement d'être forte, que tout allait bien se passer. 

Mais des cauchemars étaient venus noircir mon sommeil, me révélant des images horribles, des possibilités qui pourraient facilement se dérouler aujourd'hui. En observant mon visage, j'avais l'impression d'y voir un Mutant. Je fermai soudainement les yeux. Sans le vouloir, je transposais l'image de la manticore sur moi. Je passai une main dans mes cheveux, consciente que je laissais ma peur m'envahir.

Je tentai de me calmer, de ralentir ma respiration si brusquement saccadée. En rouvrant mes yeux à nouveau, je découvris un visage plus calme. Je restai plantée devant ce miroir étrange. Courbé, on pouvait changer son grossissement en le pliant. Je l'avais acheté dans la boutique d'Hélios, sans vraiment avoir fait attention à cette option. Je ne pouvais plus vraiment me permettre d'observer mes cicatrices dans la salle d'eau, au risque que l'on me surprenne. En parlant d'elles, je les examinai une nouvelle fois.

Les os n'avaient cessé de grandir, et je voyais de plus en plus de tissu sortir de ma peau. Je le touchai du bout des doigts. Quand j'avais montré ça à Lucy, elle m'avait dit ne pas savoir ce que c'était. Mais bon, elle ne devait pas connaître tous les tissus au monde, avais-je tenté de me rassurer. 

Ce textile était incroyablement épais, élastique et doux à la fois. Il brillait d'une couleur translucide, avec des reflets dorés sous la lumière. Cela montrait à quel point il était grand, et sorti de mon dos. J'avais fini par demander des anti-douleurs à Mme. Neil, prétextant que c'était pour mes règles. Ils me shootaient légèrement, mais c'était mieux que rien.

Cette dernière me regardait toujours étrangement depuis l'incident avec le bac à sable. Elle ne manquait jamais de me demander si j'avais eu de nouvelles... crises. Elle avait réellement utilisé ce mot, ce qui m'avait décontenancé. C'était juste le hasard, mais j'avais quand même été mal à l'aise par rapport à cela. 

Je décidai de mettre des habits confortables, et surtout de laisser mes cheveux détachés. Si jamais le fluide revenait, j'aurai peu de chance que personne ne le remarque, malheureusement. Il me faudrait rester calme tout au long de la sessions d'examen.

Ce qui était paradoxal, puisque j'étais quasiment certaine qu'il allait se manifester. Combattre un Mutant, ça allait forcément avoir des conséquences. Je ne pouvais que me contenter d'être optimiste.

Je soupirai longuement, et finis par sortir de ma chambre. Je passai vers 14h30, j'en avais donc profité pour faire une grasse mâtinée et me reposer un maximum. Je n'avais plus rien à réviser, puisque le dernier examen était aujourd'hui. Je me rendis tout de même à la bibliothèque. En parcourant les rayons, je tombais inévitablement sur Rilvan. Il était comme toujours en train de ranger une série de bouquins.

Nous nous fixâmes un moment sans parler. Ce qui s'était passé pesait d'une façon très désagréable entre nous. Je finis par rompre le silence.

– Salut.

– Bonjour, me répondit-il froidement.

Un ange passe.

– Manifestement, tu as été très discrète, finit-il par dire d'une voix toujours impersonnelle.

– Et toi tu ne t'es pas fait viré non plus, rétorquai-je.

– Je ne te dirai toujours pas pourquoi je voulais cette page, si c'est ce que tu veux, répondit-il en me fusillant du regard.

Comment Rilvan pouvait-il avoir aussi changé ? Il n'était plus le garçon doux et maladroit que j'avais connu en début d'année. Il avait un visage beaucoup plus grave, et semblait avoir un lourd secret sur ses épaules. Que s'était-il passé ? Est-ce que cela avait un lien avec cette page de Livre D ? Qu'avait-il découvert dedans ?

– Je ne te demanderai pas plus d'informations, décidai-je. Comme je ne t'en donnerai pas sur mes raisons.

Rilvan hocha la tête, visiblement satisfait de notre conversation. Mais moi, non. Ce n'était pas que de la curiosité, il semblait vraiment que quelque chose de grave se soit passé.

Rilvan soupira soudainement, et un semblant de sourire se dessina timidement sur son visage.

– Alors on n'en reparle plus, d'accord ? demanda-t-il d'une voix sincère et... perdue ?

J'acquiesçai.

– On fait comme si il ne s'était rien passé ? demanda-t-il à nouveau.

– D'accord.

Malgré ce contrat, rien n'était comme avant. Je tentai de commencer une conversation sur un des livres que j'avais lu, mais le poids de ce qui s'était passé dimanche planait en permanence. Impossible de retrouver notre entente d'avant. Nous avions fait quelque chose de franchement illégal, il m'avait fallu longtemps avant de m'en rendre compte. 

Je n'avais rien volé, seulement copié. Mais cela revenait au même, j'avais quand même volé quelque chose. Je ne savais pas vraiment si je devais me sentir coupable, ou au contraire me dire que c'était pour la bonne cause.

Tout ce que je cherchais, c'était des réponses. Des réponses à ce qu'il m'était arrivé, alors tous les moyens étaient bons pour cela, non ? Non, évidemment que tous les moyens n'étaient pas bons. Mais lesquels étaient mauvais dans ce cas-là ? 

Rilvan m'annonça qu'il avait du travail, alors je le laissai tranquille. Le revoir m'avait fait repenser à ma conversation avec Zéphyr. Je n'aurais donc jamais fini de me poser des questions ? Le stress de l'examen n'arrangeait rien, alors je décidai de continuer à parcourir les rayons.

Je ne savais pas vraiment ce que je cherchais, mais finis par m'arrêter en tombant sur un livre concernant les Mutants, plus particulièrement leurs origines supposées. Je me plongeais dans l'ouvrage, peut-être pour tenter de trouver une réponse. Mais tout ce que je voyais, c'était des suppositions. 

Des hypothèses, qui assemblées ensemble formaient une réponse. Je n'appris pas grand-chose de plus que ce que Sawada nous avait appris. Je finis par me lasser de tout ça, et rangeai le livre à sa place. 

Plus que quelques heures avant la dernière épreuve, et que je ne me retrouve face à face à un Mutant.