Chapitre 36-1 : Discrétion

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Rilvan m'indiqua directement d'aller me planquer derrière une certaine étagère. Je m'accroupis, et m'exécutai avec toute la discrétion dont j'étais capable. Il y avait quelques marches en bois à grimper, et qui ne couinaient pas pour mon plus grand bonheur. 

On nous avait appris pendant certains cours à camoufler nos bruits de pas, à nous fondre dans le décor. Cela pouvait nous servir pour les missions d'infiltration. Je me débrouillais mal au début, mais après avoir bien travaillé, je me perfectionnai de plus en plus. Mon cœur battait la chamade, je me forçais à ralentir sa course.

Rilvan alluma la réserve. Dire que c'était grand était un euphémisme. Cette pièce devait faire la taille de la bibliothèque, au moins. Je comprenais maintenant pourquoi le bâtiment avait l'air si grand vu de l'extérieur. Nous n'avions le droit qu'à une seule partie. Malgré tout, le plafond était plus bas. 

Rilvan m'indiqua ou passer en faisant des gestes avec ses doigts. Il fit semblant un moment de chercher un livre, et en même temps m'indiquait ou aller. Cette course dura environ vingt minutes, pendant lesquelles je tentai de repérer où passer. Ce n'était pas trop dur, il fallait juste faire attention. J'en profitais pour mémoriser le trajet qu'il me faisait prendre entre toutes ces étagères.

Enfin, au bout d'un moment, Rilvan me fit signe de m'arrêter. Il s'approcha de l'étagère ou j'étais cachée, et commença à me parler.

– La porte est complètement surveillée par une caméra. Je vais donc éteindre la lumière, tu pourras ouvrir la porte pendant quelques secondes, le temps que la caméra passe en mode nuit. Directement après, il faudra que tu refermes la porte. Compris ?

– Comment sais-tu que la caméra passe en mode nuit ? demandai-je.

– C'est comme ça que je suis entré dans l'autre réserve.

– Tu ne t'es pas fait prendre ? m'étonnai-je.

– En fait... seul Mme. Riss l'a vu. Mais elle n'a rien dit, mettant ça sur le compte de ma curiosité. Mais du coup je sais autre chose. Les caméras de la deuxième réserve ne s'allument qu'en présence de lumière.

C'est pour ça que Mme. Riss m'a dirigé vers lui. Elle avait donc bien tout compris. Restait à savoir pourquoi elle m'aidait. Et si elle n'allait pas me dénoncer juste après. C'était un gros risque, mais j'étais prête à l'encourir. Mon instinct me poussait à lui faire confiance, et j'avais appris à mes dépends à l'écouter.

– Pourquoi uniquement en présence de lumière ? demandai-je en chuchotant.

– Je me le suis demandé aussi. Puis j'ai cherché.

J'attendis la suite. Rilvan me faisait languir.

– Tu vas voir que cette pièce est construite en Bois de Zircon.

Encore un nouveau bois ?

– Ce bois empêche la propagation de la pourriture, etc. Il n'y a beau avoir que quelques Livres D, il faut en prendre soin. Et cette réserve est l'un des rares endroits où on trouve du Bois de Zircon. Le seul souci, c'est que ce bois, fruit de mélanges chimiques, ne fonctionne pas en présence d'ondes.

– D'ondes ?

– Exact, poursuivit Rilvan. Et les caméras marchent aux ondes, tu le sais bien. Toutes les ondes, de façon général, abîment les Livre D, qui sont faits dans une matière naturelle étrange. Donc, il leur fallait des caméras qui ne fonctionne pas aux ondes. Ils ont donc procédé autrement : avec une caméra qui ne s'allume qu'en présence de lumière, et qui ne propage d'ondes qu'à ces moments. Cela protège le bois du livre. Ce qui n'arrive quasiment jamais. Personne ne vient ici, la poussière en témoignera.

– Expert en bois ! m'exclamai-je.

– Je te rappelle que je travaille ici ! s'exclama-t-il avec une pointe de fierté.

Il avait vraiment l'amour des livres.

– Donc, pas de lumière pas de risque ?

– Non.

– Mais c'est idiot, chacun peut entrer ici alors ! m'exclamai-je.

– Non. La réserve est en fait au sous sol. Je t'ai parlé d'une échelle, n'oublie pas.

Comment ça ? En tout cas ce qu'il venait de dire me confirmait la présence d'un sous-sol.

– Quand j'y suis allé, il y avait une échelle. Fais juste attention, elle est très droite.

– OK. Encore autre chose ?

– Justement, à propos de la deuxième chose... je veux aussi la photocopie d'un livre. Cela vient aussi d'un Livre D, il se nomme « Réactions chimiques et infra-physiques ». Emplacement 421. Il me faut la page 38.

Infra-physiques ? Nouveau terme pour moi. Mais c'était pour cela qu'il voulait que je l'aide. Lui aussi cherchait quelque chose.

– En fait, Hekiah n'était qu'une excuse, c'est ça ? dis-je, ne voulant pas qu'il se serve de mon ami.

Mais c'est ce que toi tu as fait, me souffla une voix avec sarcasme. Je chassai cette pensée, ce n'était pas le moment. La culpabilité montait quand même.

Rilvan me jeta un regard presque assassin. Je l'ignorai, sentant une tension mauvaise monter entre nous.

– Je ne risque rien en délogeant un livre ? demandai-je quand même.

Rilvan secoua la tête.

– Non, ils n'ont pas de technologie en dessous, si c'est ce à quoi tu penses. Ça les abîme.

Je hochai la tête. Quelques soit ses raisons, Rilvan avait l'air déterminé. Et cela avait l'air très important pour lui. Il me montra donc ou était la porte, et me gratifia encore de quelques explications. Il me donna son scanner de poche, et me fit signe qu'il allait éteindre la lumière. A partir de ce moment-là, j'avais dix secondes pour ouvrir la porte, entrer et la refermer. Rilvan murmura un décompte, et éteignit d'un seul coup la lumière.

J'ouvris la porte en vitesse, et touchai l'autre côté du bout de mon pied. En effet, il y avait une planche. Je refermai la porte. J'entendis Rilvan rallumer la lumière de l'autre côté. A moi de jouer. Je me trouvais sur une petite plate-forme, à peine deux mètres de largeur. Je cherchai l'échelle des mains, et trouvai deux crochets. 

Mais... oh non, ce n'est pas vrai ! L'échelle n'était pas là ! La panique commença à me submerger, je me forçais alors à respirer calmement.

Il me fallait une autre solution. Mais je ne voyais absolument rien. J'abattis alors ma carte : le fluide. C'était un pari très risqué, mais je n'avais pas vraiment d'autre solution. Au pire, je rentrerai bredouille. Alors autant tout essayer. Je tentai de l'activer, en vain. Pendant plusieurs minutes, je tentai à nouveau l'expérience, pour ne gagner qu'un mal de tête. 

Il ne voulait pas venir ! Bon sang, ce n'est pas possible ! Il me fallait une émotion négative. Je passai en revue toutes les personnes que je détestais, mais rien n'y fit.

Je tentai alors de m'inspirer de ce qui l'avait activé un peu plus tôt. Je m'assis donc, fermai les yeux et repensai à mon rêve. J'imaginai une nouvelle fois petite, dans cette salle ronde, avec le Mutant. Les images ne tardèrent pas à défiler, sans que le fluide ne vienne. Avais-je utilisé toute ma réserve tout-à-l'heure ? Avais-je une réserve d'ailleurs ? Je serrais fort les poings, exaspérée. Comment allais-je faire si je ne pouvais pas utiliser le fluide ? Puis ma conscience dériva vers mon père. Encore.

Je revis la tête d'Esteban Arrano, le père de Zéphyr. Ce co... cet imbécile m'interdisait de le rechercher ! Inconsciemment, je laissai toute la colère que j'éprouvais à son égard parcourir mon corps. Je m'imaginais lui jeter ses quatre vérités à la figure. Les images que je voyais firent leur effet. L'imagination était origine d'incroyables ressources. 

Le fluide commençait tout doucement à parcourir mes veines, semblable à la chaleur du soleil.

Mutante - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant