Chapitre 23-3 : Point faible

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Lucy et Miller rirent ensemble. Cela me rappela amèrement ma défaite face à Cathleen et je soupirai. Lucy prit alors mon téléphone et ma main et j'entendis un petit « clic ». Elle prenait en photos mes mains. 

Elle soupirait toujours en voyant qu'il n'y avait aucune barre de réseau. Des installations empêchaient toute communication, même par satellite.

– Qu'est-ce que tu fais ? l'interrogeai-je.

– Je prends en photo ce qui change le plus souvent chez les Mutants. Si un autre membre te pousse dessus, tu le verras facilement. Par contre si tes ongles deviennent plus pointus ou que tes dents poussent, ça c'est plus difficile à voir.

Elle me dit de faire un joli sourire, ce que je fis sans conviction. Pourvu que rien ne change ! Je n'avais pas envie d'avoir des grosses griffes à la place des ongles ! Lucy me rendit mon téléphone que je mis dans ma poche. 

Je jetai un coup d'œil à ma montre. Cela faisait un peu de moins d'une demi-heure que nous étions ici.

Miller était déjà remonté, alors je suivis Lucy dans l'escalier et sorti du sous-sol. J'avais un petit creux alors je décidai d'aller grignoter un bout à la Cantine. Ma meilleure amie m'annonça qu'elle voulait aller lire et qu'elle n'avait pas faim. 

J'y allai donc seule. Cathleen était postée devant la porte de la Cantine, accompagnée de Marco et ils s'embrassaient langoureusement.

Franchement, ils pourraient faire preuve d'un peu plus de pudeur, ou du moins ne pas le faire devant la porte alors que beaucoup d'élèves passaient ! Parole de célibataire endurcie.

En approchant, je me demandais comme je devrais réagir. Ignorer ? Riposter ? Prendre avec humour ? Ignorer reviendrait à dire que je me sentais humiliée, pareil pour riposter. Prendre avec humour était une bonne solution.

Même si j'avais tendance à tout prendre de front et préférais me battre, changer serait bien. Je ne pourrais pas toujours provoquer mes ennemis. De plus, cela pourrait activer le fluide, ce qui ne devait surtout pas arriver. Je sais que je suis trop tête brûlée, alors faisons un peu preuve de bon sens. 

Quand je passai devant Cathleen et son copain, leurs bouches se décollèrent.

– Eh, Cat ! fit Marco, voilà notre Mutante. Tu as pu battre un Mutant à mains nues, c'est incroyable !

Cathleen gloussa à cette remarque et me fixa. Instinctivement, j'étais sur mes gardes. Je me rendis aussi compte que mon poing était serré et que mes ongles s'enfonçaient dans ma peau. Calme-toi m'ordonnais-je. Respire. Fais ce qu'a dit Miller, ne provoque pas de combats inutiles. 

Si Marco ou Cathleen me défiait, je n'allais pas me défiler. Alors autant éviter.

– Alors la Mutante, qu'est-ce qui t'est arrivé après ? Tu avais trop honte pour me regarder en face ? s'exclama-t-elle en parlant d'un air idiot.

Je fis un petit sourire pas du tout sarcastique. Non, un sourire sincère. A peu près.

– Allergie, répondis-je en haussant les épaules. Du type costaud. Horrible. Je t'épargne les détails.

Cathleen fut visiblement surprise par ma réponse. Elle s'attendait sûrement à ce que je réagisse à son pique. Garde la tête froide me répétais-je.

– Une simple allergie ? Tu n'es pas si forte que ça, attaqua Marco.

– Chacun a ses points faibles, répondis-je, parfaitement calme alors que mon sang accélérait sa course à chaque pique.

Calme-toi, me répétais-je encore et encore. Une sensation de chaleur commençait à m'envahir, je la repoussai. Pas de déraillement. Bizarrement, je sentais que le fluide arrivait, même si j'essayais un maximum de le retenir. Respire.

– Mais celui-ci reste pitoyable, murmura Cathleen à son copain.

– Bah, ils y en a qui ont peur du feu, même quand c'est une toute petite mèche, rétorquai-je.

Là, ça commençait à partir en vrille. Mais calme-toi Amy ! m'ordonnais-je.

Le visage de Marco avait perdu tout sarcasme. Il n'affichait qu'une colère froide et il se renferma d'un seul coup.

– Répète un peu ! gronda Marco en avançant d'un pas vers moi.

Je ne reculai pas, cela avouerait à une défaite. Cathleen le retint d'un bras, mais Marco se dégagea. Il était plus grand que moi et me dominait de tout son haut. Bravo Amy, ça c'est garder son sang-froid ! J'entendis alors une voix.

– Qu'est-ce qui se passe ? intervint Zéphyr.

Je fus surprise de le voir, et vis qu'il s'était planté à mes côtés. Lui était encore plus grand que Marco et le regardai d'un air totalement désintéressé. L'italien redirigea sa colère vers le rouquin.

– Toi te mêles pas de ça. Ce n'est pas parce que tu es de la Famille Principale que tu es à l'abri de tout.

– Je n'ai jamais dit le contraire, répondit calmement Zéphyr. Mais vous bloquez tout le passage.

Je vis alors que nous avions quelques spectateurs qui voulaient sortir de la Cantine. Nous nous écartâmes pour les laisser passer. Marco allait envoyer une nouvelle réplique cinglante, mais on m'empoigna le bras. C'était Ella.

– Il faut que je te parle.

– Eh ! s'interposa Cathleen. On parlait !

– Ça attendra Poil de Carotte. J'ai des choses, intelligentes à dire moi ! répondit Ella sans aucune pression.

Elle m'entraîna à l'intérieur de la Cantine. Zéphyr nous avait suivi, se dirigeant vers une table près de la porte. Il n'avait pas fini de manger son sandwich et s'était quand même interposé.

– Attends deux secondes, murmurai-je à Ella.

Elle leva les yeux au ciel tandis que je me dirigeais vers Zéphyr, qui s'était rassis.

– Zéphyr ! le hélai-je.

Il se tourna vers moi, un air impassible sur le visage.

– Quoi ? dit-il dans un râle.

– Merci, répondis-je simplement. Merci de t'être interposé avant que ça ne dégénère.

Le fluide que je sentais couler à travers mes veines avait disparu. Seules mes mains gardaient une trace de mes ongles enfoncés dedans.

– Vous bloquiez le passage.

– Tu n'avais pas besoin d'intervenir. Et puis, merci pour l'autre fois. J'avais failli tomber.

– C'est rien. Tu m'a aidé cette nuit-là, maintenant on est quitte.

Je m'indignai.

– C'est juste pour ça ? Mais enfin, Zéphyr, qu'est-ce que tu as ? Tu t'écartes de tout le monde, alors que tu n'y arriveras pas sans aide !

– Ne te mêles pas de mes affaires ! coupa-t-il. Tu m'as aidé, je t'ai aidé, c'est tout. Je n'aime pas avoir de dette. Maintenant laisse-moi tranquille.

Il prit son sandwich et se leva en me poussant un peu. Ses larges épaules étaient contractées, je le voyais. Il sortit de la Cantine, et je le vis passer devant Marco et Cathleen. Le couple voulut lui lancer une réplique cinglante, mais il les ignora royalement. 

Je soupirai de découragement en me grattant la tête. Je regardai autour de moi et vit que la Cantine était plutôt vide.

Normal, songeais-je, avec les combats. Je rejoignais Ella qui m'attendait en tapotant le sol de son pied. Elle me fit asseoir à une table et croisa ses fines mains. Et c'était parti pour l'interrogatoire.

Mutante - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant