Chapitre 43-2 : Confusion

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Personne n'arrêta ma course, mais il fallait aussi avouer que je ne devais même pas avoir fait plus d'un demi-mètre. Exténuée par ce simple mouvement, je retombai à nouveau sur le sol, me roulant en position fœtale. Mauvaise idée, mon dos fut étiré et me donna une décharge de douleur, coupant le peu de souffle que j'avais déjà. 

Bordel ! Je poussai de nouveau un râle de souffrance, persuadée que ma dernière heure était arrivée. Mais que la mort vienne, merde ! Si elle me permettait d'échapper à toutes ces douleurs, qu'elle ne se prive pas ! Mais elle me nargua, tout comme l'inconscience qui me faisait languir.

A chaque fois que j'avais l'impression de m'évanouir, un grand coup de marteau sur mon crâne me ramenait à la réalité. Mais laissez moi partir ! Je n'en peux plus ! Je sentis alors un liquide chaud se répande dans toutes mes cellules. Ce qu'on m'avait fait avaler ? Je ne sentis d'abord plus mes pieds, puis mes jambes. Mon torse disparut de mes sensations, mon dos dans la foulée. Seul ma tête me faisait encore mal. Ne plus rien ressentir fut une délivrance absolue, il me semblait comme flotter sur un nuage.

J'avais encore l'impression que l'on me martelait la tête à coup de pioches, mais ce n'était rien comparé aux douleurs que j'avais subi. J'avais les idées un peu plus claires. Mon odorat attira mon attention, en plus de la pourriture, je sentais d'autres odeurs. De la cendre, de la noix de coco, de la mousse, de la fraîcheur, comme un soir d'été. 

Mais surtout, une odeur métallique, que je reconnus : du sang. Mais à qui ? C'était la question qui vint en première. Mais l'évidence m'apparut rapidement, c'était le mien. Je poussai un long gémissement, haletant toujours. La douleur étant moindre, je pu me calmer, et me rendormir tout doucement, dans un sommeil libérateur.


– Non mais vous êtes fous ! s'exclame Rishi.

– Je ne pensais pas que ça lui ferait ça ! riposte le monsieur barbu.

– Ce n'est qu'une enfant, évidemment que ça lui ferait ça ! raille Rishi.

J'écoute à travers la porte du bureau. Rishi et le monsieur barbu pensent que je dors. Quand il m'a annoncé que l'on allai m'implanter une partie d'animal dans mon corps, je n'ai pas arrêté de vomir. Après je me suis calmée. Le monsieur barbu était inquiet que je ne dise plus rien, alors il m'a ramené dans ma chambre et m'a couché. Puis après qu'il soit parti, je l'ai suivi et j'ai écouté leur conversation.

Je ne veux pas que l'on me greffe une partie d'animal, c'est trop horrible. Et je ne veux pas faire de mal aux animaux, je refuse. Je prends alors peur, si ils me forcent, comment je ferais ? Et si je m'enfuyais ? J'ai beau connaître toutes les pièces, jamais je n'ai trouvé la sortie. Il faudra que je demande au garçon la prochaine fois. Peut-être qu'il la connaît, lui. 

Mais même si je sors, je fais comment après ? Peut-être qu'il acceptera de me reconduire chez lui ! Il repart de temps en temps, je pourrais l'accompagner. Un sourire apparaît sur mon visage, je suis persuadée d'avoir trouvé la solution. Il ne me reste plus qu'à attendre demain qu'il revienne, et je pourrais lui demander !

Je n'entend plus Rishi et le monsieur barbu, alors je cours discrètement vers ma chambre, que je referme à clé. C'est le garçon qui m'a donné une clé de rechange, comme ça je peux sortir comme je veux. Judithe m'avait dit que la porte était fermée pour ne pas que je me perde dans les couloirs. Mais je connais tout par cœur, je ne vois pas pourquoi je me perdrais. Je me glisse à nouveau sous les draps, ferme les yeux et me rendors.


Ma vision devint subitement rouge, jaune et violette. Je pris immédiatement conscience que j'avais activé le fluide. Mais j'étais toujours allongée sur le sol, je ne bougeais pas. Je pouvais seulement voir autour de moi. Je sentis d'abord trois présences, disséminées contre la paroi de la pièce. Elles ne bougeaient pas, mais je ne pouvais pas distinguer ce que c'était. 

Mon dos me faisait encore mal, mais c'était supportable. Je remarquais alors que quelque chose était attaché dessus. Ou du moins, c'était le sentiment que j'avais. Quelque chose pesait dans mon dos, ça c'était certain. Quand je tentais de me relever, je fus alourdie par ce poids.

Je réussis au bout d'un moment à m'appuyer sur mon avant-bras, c'était déjà une avancée. Ma respiration restait saccadée, et des vagues de chaleur me parcourait. J'eus l'impression de prendre des heures et des heures pour tenir debout. Les trois présences étaient toujours statiques contre la paroi, elles ne bougeaient pas. Je détaillai leur forme, et un frisson d'horreur me parcourut. Elles n'était pas humaines. Elles étaient bien plus que cela. Celle de gauche, la plus petite, avait quatre jambes.

Ce n'était pas comme un chien, ses quatre jambes étaient les unes à côté des autres. Elle avait trois têtes, et deux immenses queues. Je n'arrivais pas à décrypter de quel Mutant il s'agissait. La forme n'arrêtait pas de se mouver, changeait presque radicalement parfois. Mais au vu de son affreuse apparence, ça ne pouvait être qu'un Mutant. 

Celui du milieu, le plus grand cette fois, me faisait penser à un serpent de mer, bien que je ne puisse pas certifier mes propos. Il était quasiment posé sur le bout de sa queue, mesurant dans les cinq mètres. Le dernier était par contre plus petit, et avait un corps semblable à une hyène. J'enregistrai rapidement ces informations.

Leurs corps difformes semblaient onduler. Ma vision était plus que troublée. Pourtant, je pouvais distinguer leurs silhouettes, contrairement au décor.

Mais aussi que pendant tout le temps où je m'étais difficilement levée, aucun n'avait bougé d'un poil. Attendaient-ils que je puisse me battre ? C'était insensé ! Et puis, avant d'attaquer un humain, les Mutants s'attaquent d'abord entre eux. Pour avoir tout le morceau de viande. C'était pour cela qu'il était quasiment impossible de voir deux Mutants s'aider. Au mieux, ils s'ignoraient et l'un allait chasser autre part, s'il était conscient de la force de l'autre. Les seuls cas où cela arrivait, c'était les petits Mutants qui profitaient des plus grands pour chiper un morceau de proie.

Des lutins pouvaient aider un Mutant de haut niveau pour ensuite récupérer un morceau de corps. Le Mutant ne disait rien, car si c'était un seul petit bout, alors il ne faisait pas attention. C'était grâce à cela, souvent, que les faibles Mutants survivaient. Mais au vu de ceux que j'avais devant moi, il ne s'agissait pas de cela. 

En plus, ils étaient tous les trois de types différents, au vu de leur apparence physique. Donc aucune chance de collaboration. Mais pourquoi ne bougeaient-ils pas alors que j'étais debout ? Enfin, debout était un grand mot, je tanguais d'un pied à l'autre, cherchant mon centre d'équilibre.

Mais le poids dans mon dos me faisait basculer fortement vers l'arrière, comme avec un sac à dos très lourd. Malgré le fluide, ma vision était très brouillée, je ne pouvais pas voir ce qui me gênait. Je tentai de faire un pas en avant, qui fut couronné par ma face sur la pierre. J'eus l'impression de cracher un peu de sang, je ne savais pas trop. 

Avec un ultime effort, je me relevais à nouveau. Je pensais que je sombrais dans quelques secondes d'inconscience, ou que le temps était ralenti pour moi. 

Sinon, j'aurais remarqué depuis longtemps que le serpent de mer était à quelques pas de moi. 

Mutante - Tome 1Where stories live. Discover now