Chapitre 38-1 : Idées noires

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– Corps de lion, tête de chèvre, queue de serpent.

– Chimère, répondis-je.

– Serpent de feu, continua M. Rasmussen.

– Fatak, répondit Tina avant moi.

Elle me fit un petit sourire victorieux, que je lui rendis en plissant les yeux. Malgré la tension de l'examen, nous arrivions à nous défier du regard et presque à en rire. Au moins avec Tina, la tension retombait facilement. Nous continuâmes l'examen pendant encore trois quarts d'heure. Ce n'était que le bestiaire des Mutants. Il suffisait d'apprendre les grandes lignes par cœur, cela faisait des points faciles. 

J'avais les mains crispées, je fixai Rasmussen des yeux. J'essayai d'anticiper un maximum, une main serrée sur ma cuisse, l'autre sur le bouton. C'était le même principe qu'avec l'examen d'histoire.

Hier, sur les Mutants, nous devions décrire les caractéristiques des plus courants. Un nom, neuf catégories de réponses. Par exemple, avec le Griffon, nous devions sortir son animal d'origine – aigle ou faucon –, son niveau de fluide, sa quantité de besoin en Giaco. Toutes ces caractéristiques qui pouvaient – ou pas – nous aider dans un combat. 

Ce n'était que du par cœur, je m'en sortais alors plus facilement que le reste. Comme beaucoup d'élèves, j'avais pris l'habitude de relire mes fiches chaque soir avant de dormir. C'était horriblement ennuyant au début, puis on finissait bien par s'y faire.

Nous avions le cerveau enflammé après tout cela. La sonnerie de fin de l'épreuve retentit enfin, et je poussai un long râle de soulagement. Qui aurait cru que des examens pouvaient être aussi exténuants ? Je sortis de la salle, et tentai de trouver la porte menant à l'extérieur dans toute cette cohue. Les salles ou nous passions les examens étaient toute petites, spécialement réservées pour cela. Je ne connaissais donc pas bien les environs, comme mes compagnons.

Je me frayai un chemin, me faisant écraser trois fois le pied au passage. La journée était finie pour aujourd'hui. Maintenant que Miller m'avait parlé de l'examen de vendredi, je ne stressais que pour cela. Si j'attirais plus les Mutants que les autres, il m'attaquerait en premier. J'avais passé toute ma journée du mardi à monter des plans pour les éviter. Mais il restait de nombreuses inconnues. 

Déjà, quel genre de Mutant serait-ce ? De bas niveau était le plus logique. Sachant que la manticore était déjà niveau 4, à l'époque je n'avais tenu que quelques instants face à elle. Et encore, tenu était assez large, subi serait plus exact. Même si avec l'entraînement, j'étais mieux préparée, je doutais de pouvoir battre une créature pareille. Et si le Mutant était d'un niveau plus élevé ?

Non, c'était impossible. Jamais les professeurs ne prendraient autant de risques. Surtout que nous ne savions pas du tout les tuer. Cette pensée, tuer un Mutant, devenait maintenant beaucoup plus étrange pour moi. Quand on m'avait exposé les Mutants, des créatures meurtrières ne cherchant qu'à tuer, je n'avais rien remis en cause. Surtout que la manticore n'avait fait qu'appuyer ces propos. Mais l'ababil avait tout remis en question.

Il m'avait aidé, aidé ! Il ne m'avait pas agressé, au début n'avait éprouvé que ce qui ressemblait à de la curiosité. Il n'était pas comme les Mutants que l'on m'avait conté. Alors était-il nécessaire de tous les tuer ? De plus, cet oiseau avait réussi à survivre pendant plusieurs semaines puisqu'il était encore là. Ce qui impliquait de boire le sang d'animaux ou d'humains. Bien sûr, il en avait à la pelle ici, mais on l'aurait su s'il y avait eu une attaque. Ces questionnements raffermissaient ma peur. Et si jamais le Mutant était de type vol ? Selon la théorie de Miller et la mienne, je serais en position de communication avec. Dans ce cas-là, que devrais-je faire ?

Je marchais d'un pas énergique vers ma Sphère. J'avais besoin de calme, et ma chambre était le meilleur endroit pour ne pas être dérangée. Je passai dans le Salon, grimpai les marches à toute vitesse et refermai vivement la porte derrière moi. Je m'affalai sur ma chaise de bureau, et ressortis mes plans. J'avais beau tout retourner dans tous les sens, je n'avais pas assez d'informations. 

Je sortis donc le livre en bois d'Ambre, dans le but de me changer les idées. Et puis, autant faire quelque chose d'utile. Je m'acharnai sur ces Anciens Scriatés pendant deux bonnes heures. Maintenant, mon ventre réclamait sa pâtée. Je me levai donc, et me dirigeai vers la Cantine. Je repérai mes amis au bout d'une intense recherche. Ils avaient l'air d'avoir seulement commencé de manger.

– Hey ! m'annonçai-je en posant mon plateau sur la table transparente.

Seul Zéphyr manquait à l'appel.

– Salut, me firent Ella, Hekiah et Lucy.

Jay était en train de dévorer une grosse part de tarte, et avait l'air de s'en délecter. Il m'expliqua qu'il n'avait pas l'habitude d'en manger chez lui, alors ici il se faisait plaisir. J'eus un sourire à le voir dévorer autant de nourriture en si peu de temps. Nous commençâmes à nous plaindre de nouveau. Nous ne savions faire que cela en moment. Je demandai discrètement à Lucy ou était passé le rouquin, et elle haussa nonchalamment les épaules. Je n'insistai pas, malgré l'inquiétude qui se lisait dans les yeux de mon amie.

La conversation en vint à dériver sur l'examen de vendredi. Comme si mes amis avaient comploté contre moi. Mais c'était surtout parce que c'était le plus mystérieux, et personne n'avait réussi à obtenir d'autres informations. Sauf moi, et je ne les avais même pas cherchées !

– J'espère que ce ne sera pas trop dur, fit Hekiah. Jusque là ce n'était que des connaissances et de l'entraînement, mais là j'ai peur de ce que cela peut être.

– « Mise en situation », ou comment faire un truc vague, marmonna Jay.

Tandis que mes amis débattaient sur la composition de cet examen, nous fûmes rejoints par Théophile, Vladimir, Tina et Erik, un de ses amis. Il faisait parti de la Sphère 19, et semblait un peu mal à l'aise. Nous avions quasiment tous nos amis dans la même Sphère. Nous nous serrions les coudes, mais nous étions ennemis avec les autres classes. 

Après tout, c'était un concours. Les places étaient plus que restreintes. Je tentai d'engager la conversation avec Erik, mais surtout pour ne pas à avoir à participer à celle sur l'examen de vendredi. Je risquais tellement d'avouer ce que m'avait révélé Miller par mégarde que je préférais m'abstenir. Même si je me concentrais au maximum, je n'arrivais pas à écouter et enregistrer les propos d'Erik. Je n'arrêtai pas de ruminer de sombres pensées. 

Une fois le repas fini, je retournai dans ma chambre et fis ce que je faisais tout le temps en ce moment : broyer du noir.

Mutante - Tome 1Where stories live. Discover now