Chapitre 28-2 : Théorie

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Zéphyr me fixa, me laissant libre court. L'insistance dans ses prunelles m'empêchait de refuser, je lui avais déjà causé assez de tort. Je me morfondais toujours, malgré mon calme. La culpabilité ne partirait pas de si tôt, même si je l'éloignais un instant. Je me demandais vraiment ce qu'il pensait de moi maintenant, au-delà de ce qu'il avait déjà énoncé. 

De plus, il avait certifié que ce n'était pas quelque chose comme ma crise qui lui ferait peur. Qu'est-ce qui pourrait lui faire peur alors ? Qu'avait-il affronté dans sa vie, en plus de la mort de sa mère et de sa sœur ? Il remarqua que je ne cessais de le fixer, et leva les sourcils e retour. Lucy aussi me scrutait, attendant que je parle.

Bon, allez, je m'y collais. Je racontai donc à Lucy ce qu'il s'était passé. Zéphyr émit quelques petits commentaires ça et là, notamment lorsque j'arrivai au passage du récit à propos de Nuna. Encore une fois, le rouquin eut la gorge serrée en parlant de sa petite sœur et de sa mère. Lucy parut effrayée au moment où j'annonçai que j'avais eu une crise, la pire crise d'ailleurs, me rendis-je compte. 

Elle avait les yeux écarquillés, mais pas de peur. Ou du moins, très peu. Non, elle était surtout compatissante. Elle n'avait pas peur de moi, même après tout ce que j'avais fait. Elle gardait un sang-froid étonnant, elle qui était d'habitude si pétillante et agitée avec son fort caractère. J'eus du mal au passage pendant lequel j'avais blessé Zéphyr, la culpabilité me rongeant.

Ma meilleure amie sembla brusquement inquiète, et observa plus attentivement la cicatrice du rouquin. Il gardait sa main dessus, coude sur la table pour la cacher. Il avait l'air très gêné par le regard de Lucy qui se faisait on ne peut plus inquisiteur.

Je me raclai la gorge, m'apercevant que Zéphyr n'appréciait pas cette attention. C'était aussi la raison pour laquelle il avait refusé d'aller à l'infirmerie. Cela me rappela la fameuse nuit où je l'avais « soigné ». Il préférait venir en pleine nuit quitte à se faire prendre, que demander des soins à l'infirmière. Il était vraiment très complexe, difficile à comprendre même maintenant que je connaissais mieux son passé.

Perdue dans mes pensées, Lucy dut me ramener. Je m'excusai, et poursuivis. Je racontai ce que j'avais vu pendant le moment où j'étais inconsciente à cause du fluide. J'évoquai alors le prénom d'Adam, mais Lucy me déclara que ça ne lui disait rien, malgré un petit froncement de sourcil. Pas étonnant. Par contre, Zéphyr avait quelque peu tiqué. Après tout, c'était un prénom assez courant, il devait connaître quelqu'un de ce nom.

– Comment as-tu pu trouver le chemin ? me demanda Lucy. Je connais ton sens de l'orientation, et il n'est pas des meilleurs.

– Eh ! m'offusquai-je en riant légèrement, car elle avait complètement raison.

– Non, sérieusement, comment as-tu retrouvé le chemin ?

J'hésitais quelques secondes, je ne savais pas vraiment comment aborder cela.

– Je suis tombée sur un Mutant, murmurai-je finalement le plus bas possible.

Lucy et Zéphyr écarquillèrent les yeux mais ne dirent rien. Ils étaient plutôt estomaqués. Je leur décris l'oiseau noir et Lucy fouilla dans son livre pour trouver son nom, tournant les pages à une vitesse folle.

– Je pense que tu as vu un ababil. C'est plutôt rare d'en croiser ici. Ils sont des oiseaux plutôt protecteurs et territoriaux. D'habitude, ils protègent farouchement un bâtiment tout au long de leur vie. Que ce soit une mosquée ou une simple maison. D'après le livre des Lumières, ce ne sont pas des oiseaux migrateurs. C'est presque impensable que tu en aies vu un !

Mutante - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant