Chapitre 39-2 : Airavata

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– Tu vois d'autres choix peut-être ? répliqua-t-il en levant un sourcil.

– On ne pourra pas ! Enfin...

Une voix interrompit soudainement notre conversation.

– Maintenant que vous avez vu de quoi il en retournait, déclara la voix d'un prof au micro, deux autres règles : il vous reste une heure, et interdiction formelle de tuer le Mutant. Bonne chance.

Un petit bruit de raccrochage se fit entendre, et les paroles s'évanouirent dans l'air. Je jetais un œil à Abel, qui paraissait contrarié. D'un côté, l'interdiction de tuer le Mutant me rassurait. Mais de l'autre, nous donner un chronomètre après le démarrage était assez révoltant. Comme si ce n'était pas déjà assez compliqué.

– Bon, au moins on est fixé, souffla-t-il en posant sa tête sur sa main, rembruni.

Le prof nous avait dit qu'il ne nous restait qu'une heure. Abel avait dit que le Mutant resterait devant la grille. Donc je devrais pouvoir rejoindre les autres sans qu'il ne m'attaque. Logiquement. Je commençais à descendre, quand Abel m'interpella.

– Tu fous quoi ! s'exclama-t-il.

– Ça se voit, non ? répliquai-je en le prenant de haut.

D'accord, ce n'était pas le meilleur plan du monde, mais je ne pouvais pas rester dans l'arbre pendant trois heures. Notre temps était désormais compté. Abel allait dire quelque chose, mais se retint et marmonna dans sa barbe tout en jetant des regards aux alentours.

– On doit rejoindre les autres ! m'expliquai-je. On n'arrivera à rien à deux !

– Et pourquoi ce ne serait pas à eux de nous rejoindre ? rétorqua le garçon à la peau mate, visiblement agaçé.

Je levai les yeux au ciel, exacerbée une nouvelle fois.

– On est moins ! Ça te suffit comme raison ? jetai-je en soupirant.

Abel poussa de nouveau un long grognement et descendit à son tour de la branche. Nous glissâmes de branches en branches très lentement, pour ne pas attirer le regard du Mutant. Ce qui était un peu peine perdue, au vu de ses six yeux. Mais nous atterrîmes sans mal sur le sol. Le plus dur restait d'arriver de l'autre côté. Abel se posta à ma gauche, et me lança un regard interrogateur.

– Comment on fait ? murmura-t-il.

– On court, dis-je pour toute réponse. A trois.

– On court ? C'est ça ton plan ? s'exclama-t-il, stupéfait.

– Puisque tu es si fort que ça, va-y ! Quel donc ce magnifique plan que tu me caches ?! cinglai-je, rageuse contre lui.

D'accord, le stress jouait une grande part dedans, mais son air orgueilleux me faisait vraiment sortir de mes gonds. Il perdit son sourire, ennuyé. Mais manifestement, ma réplique avait au moins le mérite de lui avoir cloué le bec. Il me sonda un instant, et regagna son stupide sourire. Il prenait tout pour un jeu.

– J'aurai une meilleure place que toi à l'examen, me défia-t-il.

– Pari tenu, souris-je, me prenant dans son jeu.

J'espérais surtout qu'il arrête de contredire toutes mes propositions. Je fis le décompte, et m'élançai à travers l'allée formée pars les arbres jusqu'à l'autre rive. C'était sûr que l'airavata allait nous voir. Nous ne pouvions compter que sur notre vitesse et sa lenteur à lancer ses attaques.

Abel, qui me talonnait jusque là, me dépassa. Il était bien plus rapide que moi. Je me risquai à regarder vers le Mutant, et le regrettai. Il allait lancer la même attaque que tout-à-l'heure.

Sauf que là, il s'était rapproché. Donc je prendrais l'attaque de plein fouet. Il me fallut à peine deux secondes pour comprendre cela. L'air satura alors brusquement, devenant brûlant. Mon cœur rata un battement. Je fus projetée sans ménagement vers le mur. Je m'y écrasais dans un bruit sourd, et perdis connaissance.

Il ne devait s'être écoulé que quelques secondes avant que je ne revienne à moi. Abel venait d'arriver de l'autre côté, indemne. Nos compagnons aussi étaient descendus de leur perchoir. Le Mutant ne réitéra pas son attaque, peut-être me pensait-il morte, ou alors je n'en valais pas la peine. Je jetai un coup d'œil vers sa tête, et regardai ses yeux, car j'avais senti quelque chose.

Il commençait à utiliser le fluide, ou quelque chose de semblable et... mais... Oh non, merde ! Il ne m'attaquait pas pour une raison : il s'avançait vers moi avec hâte. Aussi rapidement que lui permettait son immense poids. Non, il fallait que je bouge de là ! C'était anormal. Le Mutant n'aurait pas dû bouger, les airavatas ne quittent pas leur nid comme ça. Ce n'était pas un comportement normal.

Je n'arrivais toujours pas à bouger, mon corps était encore sous le choc. Et j'avais mal. La violence de l'assaut était trop forte, mon corps devait encore attendre un peu pour récupérer. Mais je n'avais pas ce temps. Même si je pouvais courir, le Mutant aurait le temps de m'écraser. J'étais foutue. Mes compagnons crièrent mon prénom, mais ne pouvaient pas prendre le risque de s'approcher.

Alors l'airavata s'arrêta brusquement, et émit un cri strident. Il recula par réflexe, et je mis un moment à me rendre compte pourquoi. Simultanément, mes camarades avaient tirés dans les yeux de la créature. Même s'ils utilisaient leurs yeux uniquement pour le fluide, cela restait une zone ultra-sensible, comme chez tous les êtres vivants. Mon corps avait commencé à se réactiver, alors je pu – difficilement – me relever. Je m'appuyais contre le mur, et marchai le plus rapidement possible, c'est-à-dire comme un escargot, vers les autres.

Ils continuaient leur slave de flèches, balles et armes en tout genre. Abel se sépara du groupe et vint à ma rencontre. Il passa un bras autour de ma taille, l'autre prenant le coffre. Il me déclara rapidement qu'il utilisait des armes à courte portée, et je me souvins vaguement qu'il utilisait des bâtons semblables à ceux de Jay. Mais je ne les voyais pas sur lui, il ne les avait pas apportés ?

Je laissai mes réflexions de côté et acceptai son aide avec joie. Je pu avancer plus rapidement, et nous atteignîmes le groupe en à peine une minute. Ils continuaient de tirer sur le Mutant, même si cela le ralentissait de moins en moins.

Brit nous ordonna de remonter dans l'arbre, beaucoup plus haut que le Mutant. Abel me prêta main forte, et je fus vraiment surprise par cet accès de solidarité, lui qui ne voulait pas nous aider au début. Il m'aida à m'asseoir sur une branche, et nous fûmes bientôt rejoints par tout le groupe.

Maintenant que nous étions cachés, le Mutant devrait logiquement retourner devant son nid. Mais il ne le fit pas, et commença à foncer dans les arbres. Mais c'est pas vrai ! Les airavatas ne font pas ça d'habitude ! Mes compagnons durent se dire la même chose, car ils furent également choqués.

– C'est quoi ce bordel ! pesta Brit. Comment ça se fait qu'il continue ?

Je ne répondis pas tout de suite, puis me rappelai le cours avec le gremlin. J'avais fixé ce foutu Mutant dans les yeux, et juste après il avait activé le fluide. L'airavata avait réagi de la même manière, mais il ne lui avait fallu qu'un coup d'œil pour qu'il décide de l'activer. Je le savais, je le sentais. 

Mutante - Tome 1Where stories live. Discover now